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par Jean-Baptiste Obéniche

Si les partenaires sociaux européens ont signé un accord sur le stress en 2004, leurs homologues français entament les négociations visant à sa transposition au début de cette année. Pourquoi quatre années ont-elles été nécessaires pour ouvrir une négociation sur ce thème dans notre pays, alors que des représentants Français étaient proches ou faisaient partie des équipes de négociateurs impliqués dans l’accord stress ?

Avant toute interprétation simpliste qui voudrait mettre en avant une faiblesse de notre « dialogue social », il est nécessaire d’aller voir de plus près le contenu de l’accord européen…
Tout d’abord, l’accord de 2004 est un accord-cadre qui a pour but d’améliorer la prise en compte et la connaissance des relations entre stress et travail. Il ne se substitue pas au cadre légal en vigueur – la directive Européenne 89/391 de 1989 posant l’obligation de l’employeur vis-à-vis de la santé et la sécurité des salariés – qui encadre la prévention des risques professionnels. Il reconnaît l’importance de la question du stress et l’enjeu de prévention qu’elle représente, et affirme que le stress n’est pas une maladie (tout en faisant le lien avec la santé, en cas d’exposition prolongée). Il définit des indices collectifs de stress, comme l’absentéisme ou le turn-over, mais distingue le stress d’origine professionnelle et celui stress d’origine non professionnelle. Enfin, il souligne l’importance de la dimension collective du stress (par exemple les facteurs de stress qui renvoient à l’organisation du travail) et établit un lien avec l’évaluation des risques professionnels.

Dans le fond, si l’accord pose le fait que la relation entre travail et stress peut avoir un impact sur la santé des salariés, il ne va pas au-delà de ces prémisses et définit le stress plus par ses manifestations que par ses causes. Alors comment transposer en France dans ces conditions, avec des conséquences éventuelles à plus ou moins long terme sur l’évolution de la réglementation ?
Le temps passé depuis 2004 a permis de progresser sur la question. Par exemple, comme le montrent les travaux récents de l’ANACT, il est préférable de parler de « risques psychosociaux », plutôt que de stress. Cette notion englobe plus largement les risques liés aux tensions générées potentiellement par l’organisation du travail (les contraintes de marché, de fonctionnement des entreprises, les modalités de management, les attentes individuelles des salaries…). Aujourd’hui encore, les questions sont encore nombreuses et difficiles. Mais poser le débat permet de passer d’une vision trop souvent caricaturale (ou le management et les salariés sont tour à tour stigmatisés) à une lecture plus objective des liens possibles avec l’organisation du travail.
La négociation entreprise par les partenaires sociaux permet d’aborder ouvertement la relation entre travail, organisation du travail et risques psychosociaux. Et c’était bien l’objectif premier de l’accord européen de 2004.

Jean Baptiste Obéniche
Directeur général de l’Anact

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