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Pascale Joannin, Directrice générale de la Fondation Robert Schuman, analyse l’évolution de la représentation politique des femmes en France et en Europe.

 

En France, quel est le bilan des lois sur la parité ?

La présence de femmes à l’Assemblée Nationale a augmenté de manière significative. En 1997, on comptait une députée sur dix. Aujourd’hui elles sont une sur cinq. Les lois sur la parité de juin 2000 ont favorisé l’éligibilité des femmes, car les partis sont obligés de présenter des listes paritaires pour les élections municipales, régionales et européennes. Ce sont effet des scrutins de liste. En revanche, pour les élections législatives, pas d’obligation car c’est un scrutin uninominal. Les partis doivent respecter la parité, sous peine d’amendes pécuniaires, mais ils peuvent choisir de ne pas le faire. Aux élections législatives de 2002 et de 2007,  l’UMP, par exemple, a préféré payé une amende de plusieurs millions d’euros. Le non respect de la loi est partiellement compensé par le financement public des partis. Une simple amende ne suffit pas. On pourrait imaginer de supprimer les subsides publics aux partis qui ne respectent pas les dispositions légales. Le PS a mieux respecté la loi, mais quand on y regarde de plus près, certaines femmes ont été présentées dans des circonscriptions qui étaient perdues d’avance. Malgré d’incontestables progrès, il y a encore beaucoup à faire !

En France, l’élite politique fanfaronne souvent sur notre modèle social, mais son comportement est resté largement machiste, voire patriarcal. Pour être francs, nous devons ajouter que certains pays du Sud de l’Europe sont dans le même cas.

 

Partant de ce constat, vous avez intégré les statistiques de nos voisins européens. Que révèle cette comparaison européenne ?

C’est très instructif. Lorsque j’ai tiré le premier bilan statistique de la proportion de femmes au sein des parlements nationaux en Europe, l’UE comptait alors 15 membres, et la France s’est retrouvée avant-dernière. Dans l’UE à 27, les pays nordiques (Suède, Finlande et Pays-Bas) caracolent en tête du classement avec plus de 40% de femmes dans leurs assemblées. La France est seulement 18ème avec 18%.

 

Joannin Parlement européen

Historiquement, ce sont plutôt les pays nordiques (Pays-Bas dès l’origine, rejoint par la Suède et la Finlande en 1995) qui ont fait le plus progresser l’égalité homme-femme. La surprise est venue de l’Espagne en 2004, lorsque José-Luis Zapatero a nommé 8 ministres femmes sur 16. Cette parité a été confirmée en 2008. Le cas espagnol a créé une véritable émulation européenne.

En France, la situation est toujours favorable au niveau local, régional et au Parlement européen, mais les parlementaires nationaux et les exécutifs locaux restent encore très masculins. Dans l’administration, dans les mairies, au Sénat, les femmes ont gagné du terrain. Le gouvernement est désormais presque paritaire et il faut saluer cette avancée : il compte 7 femmes ministres sur 15, dont 3 à la tête de ministères importants.

Aussi, pour donner une vision plus complète, j’ai rapidement adjoint au premier tableau sur la représentation nationale, un second tableau avec le décompte des portefeuilles ministériels. Puis un troisième sur la représentation des femmes au Parlement européen. Enfin, cette année j’ai inclus les principaux pays mondiaux (USA, Chine, Canada, Japon, Australie). L’Europe est la plus avancée en matière de représentation politique des femmes.

 

Faut-il imposer d’autres quotas non seulement sans les instances de décisions politiques et économiques, conformément à la proposition de Margot Wallström, commissaire européenne à la communication ?

Pourquoi pas ? Sans cela, les choses ne bougent pas ou alors trop lentement. Les femmes sont trop peu présentes dans les conseils d’administration et les comités exécutifs des entreprises. Anne Lauvergeon, PDG d’Areva, fait encore exception. La Norvège, hors Union Européenne, est un bon exemple à suivre. Elle compte désormais, grâce à une loi, plus de 44% de femmes dans les conseils d’administration du privé.

 

Alors qu’elles ne représentent que 18% des députés en France, les Françaises sont 44% au Parlement européen. Comment cela s’explique-t-il ? Est-ce parce que le travail législatif à l’échelon européen est déconsidéré en France ? Est-ce le mode de scrutin ?

La loi électorale impose que les listes comprennent autant de femmes que d’hommes, en alternance dans l’ordre de présentation. C’est la vraie raison. Les eurodéputées françaises effectuent d’ailleurs un travail remarquable au Parlement européen. Impossible de faire semblant de connaître les dossiers. Les pratiques sont différentes, on ne pense pas selon le clivage gauche-droite. Quelqu’un qui ne connaît pas bien son dossier, risque fort de se faire tacler en séance plénière.

En France, certains responsables politiques considèrent encore Bruxelles et Strasbourg comme une voie de garage ou une salle d’attente. Résultat : on y a souvent envoyé des femmes, car ce n’était pas aussi prestigieux qu’un poste à Paris. Erreur grave. Les femmes ont saisi cette occasion pour tout connaître de l’Europe. Et quand on sait que près de 80% de la législation nationale découle du travail des députés européens ! Pourtant, on considère toujours que le centre du pouvoir est à Paris. Avec l’application de la réforme institutionnelle, le Parlement a davantage d’initiative, mais le droit européen prime sur le droit national.

Aussi les femmes ont-elles toutes leur chance en politique au niveau européen. Il faut à présent, étant conscientes de cette opportunité, qu’elles soient  plus solidaires et fassent bouger les choses. Elles sont encore sous-représentées à la Commission européenne, seulement 10 sur 27. Les Etats devraient jouer, lors du renouvellement de la Commission en novembre, la carte de la parité.

 

Voir aussi :

Les statistiques de la Fondation Robert Schuman 

 

Repère :

Les lois sur la parité en bref : ces lois prévoient la parité alternée pour les élections à un tour comme les européennes, les régionales et les sénatoriales à la proportionnelle, la parité par tranches de six pour les élections à deux tours comme les municipales (dans les communes de 3 500 habitants et plus). Il s’agit de contraintes effectives dans la mesure où les listes qui ne sont pas paritaires ne sont, tout simplement, pas recevables et ne peuvent donc être enregistrées.

En revanche, pour les élections législatives, les partis qui ne présentent pas 50 % de candidates sont pénalisés et doivent payer une amende. Ils sont donc parfaitement libres de préférer désigner des hommes et par voie de conséquence de recevoir moins d’argent. Les élections non concernées par la loi sont les cantonales, les sénatoriales au scrutin majoritaire (moins de 4 élus par département) et les municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.

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