IG Metall, le plus grand syndicat allemand tient une position difficile dans la crise.
En février 2008, le syndicat contestait les propositions de la Commission européenne sur la réduction des émissions de CO2 des véhicules. Dans un courrier au Parlement européen, IG Metall contestait les pénalités proposées par M. Stavros Dimas, commissaire à l’Environnement, tant que les conditions réalisables en matière de réduction des émissions polluantes n’étaient pas réunies. Avec la crise la donne a changé, l’Europe a ouvert une ligne de crédit. L’urgence passée estime IG Metall, il faut moderniser le secteur automobile, sans protectionnisme, avec davantage de concertation industrielle à l’échelle européenne.
Mesure d’urgence
« La prime à l’environnement est la mesure la plus rapide, la plus efficace et la plus rentable du plan de relance allemand, affirmait Berthold Huber directeur d’IG Metall début mai à Francfort. Je me réjouis que nous ayons introduit cette mesure, car elle tire la production, maintient des postes et ne pèse que partiellement sur l’Etat et les caisses de protection sociale ». Alors que l’Etat fédéral l’avait évalué à 5 millliards, il n’a déboursé que 570 millions, 10 fois moins que prévu. Elle a permis de maintenir 200 000 postes.
En Allemagne, la prime à la casse s’appelle « Umweltprämie », ce qui signifie littéralement « prime à l’environnement ». Charmante façon de surfer sur le vert. Un communiqué de presse d’IG-Metall justifie la mesure par le calcul suivant : une voiture de plus de 10 ans émet en moyenne 182 g de CO2 par kilomètre, un nouveau modèle de 2009 en émet 155 g. Cette différence de 17 g s’avère essentielle si on estime que : 1,3 millions de voitures roulent 13 000 km par an, l’impact en émission est réduit de 465 000 Tonnes.
Protectionniste affirmait certains. Favorable aux marques étrangères critiquaient d’autres. Cette prime à la casse était une mesure d’urgence, avant la mise en place d’une stratégie globale.
40 milliards
L’appel de Francfort de mars 2009 n’a pas eu beaucoup d’écho en France. Il était pourtant rédigé dans des termes tout à fait nouveaux : « IG Metall s’engage en faveur d’une politique de croissance écologique et sociale durable. Pour ce faire nous avons besoin d’une politique industrielle et structurelle active et coordonnée qui relève le double défi de protéger la production industrielle et l’emploi dans les régions développées et en même temps soutienne le processus de rattrapage industriel dans les nouveaux pays de l’Union européenne et dans les régions défavorisées ».
L’industrie automobile européenne est en effet redevable à la Commission d’une ligne de crédit importante ouverte en novembre dernier. La Banque européenne d’investissement (BEI) accorde un crédit de 40 milliards à faible taux d’intérêt pour des investissements technologiques porteurs anti-pollution. En Allemagne, IG-Metall aurait souhaité contrôler les conditions d’attribution de ces crédits aux constructeurs (Opel, Ford, Porsche, Audi, BMW, Volkswagen, Daimler) et leur application aux investissements R&D et à la formation et la qualification des salariés. « Les syndicats allemands avaient leur mot à dire, regrette Christian Brunkhorst, responsable du secteur automobile pour IG-Metall. Nous aurions souhaité au moins définir les critères d’attribution, mais tout s’est décidé au niveau politique ».
Le cas Opel
« Nous devons rendre l’industrie plus écologique, déclare Hans Jürgen Urban dans le Tageszeitung. Le primat des actionnaires a longtemps poussé les firmes à chercher le profit le plus efficace. Chez Opel comme chez les autres, il faut revoir la palette des produits et la rendre plus verte. Si on suit une stratégie écologique, il faut choisir de mettre sur le marché des produits qui ne sont pas rentables immédiatement. »
Opel, filiale du géant américain déchu General Motors, a pêché par le manque d’innovation technologique. « Il ne faut pas laisser tomber l’un ou l’autre acteur industriel, parce qu’il n’a pas assez innové, ajoute-t-il. Les conséquences sociales seraient immenses. Le soutien de l’Etat reste indispensable. Ces entreprises sont vitales pour l’équilibre économique allemand. Elles sont vitales au sens où, si elles disparaissent la casse sociale est terrible, alors qu’elle peut être évitée à moindre coût. Si un segment industriel s’écroule, il mettra des années à se reconstituer. »
« Cela fait des années que IG Metall sait que le secteur automobile doit se réinventer, reconnait Christian Brunkhorst. Nous savions qu’avec des modèles de berlines puissantes nous étions dans l’impasse. Les entreprises ont pourtant suivi l’évolution du marché des grosses cylindrées, porté par un prix de l’essence relativement bas encore il y a deux ans. Contrairement aux constructeurs allemands et français, Toyota tire son épingle du jeu, car elle a développé quelques modèles de voiture verte, mais le reste de sa flotte n’est pas meilleure. C’est un coup marketing. »
Reprenons le cas Opel dont la reprise n’est pas encore assurée. L’équipementier canadien Magna devrait investir 500 millions d’euros en partenariat avec la banque russe Sberbank. L’Allemagne apporterait 4,5 milliards d’euros de garanties publiques. General Motors (nationalisé) resterait actionnaire à hauteur de 35%. Autant dire que « les décisions clés de l’entreprises ne pourront pas être prises sans l’assentiment de Moscou et de Washington » a déclaré Günther Verheugen, commissaire européen chargé des entreprises et de l’industrie, qui s’interroge sur les conditions de ce sauvetage.
De quoi mettre à mal les accents lyriques du plaidoyer européen d’IG-Metall : « C’est la fin du néo-libéralisme. Il faut organiser une sortie de crise solidaire en démocratisant les processus de décision économique et politique, en redistribuant la richesse. Développer des normes minimales européennes pour s’opposer à des développements erronés comme la précarisation du travail, le prolongement des heures de travail et la privatisation des services publics. L’Europe doit opter pour le renforcement des infrastructures sociales et s’engager activiment pour un service public digne de ce nom ».
Repère :
– L’industrie automobile en Europe :
Production annuelle : 18 millions de véhicules
2 millions d’emplois directs,
12 millions d’emplois indirects.
En Allemagne : 1 emploi sur 7
– La relance en % du PIB national
Chine : 14%
Japon : 10%
USA : 7,1%
Allemagne : 3,5%
France : 1,5%
Royaume-Uni : 1,3 %
Italie : 0,5%
– Le site d’IG Metall (lien en Français)
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