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par Timo Spangar

La Finlande envisage de nouvelles politiques pour allonger la vie active. Timo Spangar, consultant et expert finlandais des systèmes de retraites revient sur les propositions des partenaires sociaux.

 

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En 2005, la réforme du système de retraite portait sur plusieurs aspects :  un âge de départ variant entre 63 et 68 ans, des incitations à travailler plus longuement à travers un taux cumulé augmentant progressivement (1,5% jusqu’à 53 ans, 1,9% de 53 à 62 ans, 4,5% de 63 à 68 ans), une mise en rapport du montant des pensions avec l’espérance de vie moyenne (plus longue sera l’espérance de vie d’une cohorte à l‘âge de 62 ans, plus basse sera le montant de la pension à taux plein).

 

Par la suite, le gouvernement a mis en place deux groupes de travail regroupant principalement des partenaires sociaux. Le premier « Groupe Rantala » a pour objectif de réformer les règles du jeu : âge de départ, nouvelles règles pour les allocations chômage. Le second « Groupe Ahtela » travaille sur la réforme de la vie active « de l’intérieur », cherchant à l’intérieur des entreprises et des lieux de travail des mesures pour prolonger la vie active.

 

Le premier groupe n’est pas parvenu à un consensus et a refusé de faire des propositions. Le second a débouché sur des suggestions détaillées et a proposé des sous-groupes pour continuer le travail. Frustré par la lenteur du processus, le gouvernement a demandé conseil à l’OCDE.

 

Rapport OCDE

L’OCDE a envoyé son rapport au Premier Ministre au début du mois de mars 2010. Ce rapport s’appuie principalement sur le rapport 2009 visant les politiques finlandaises d’invalidité et finalement en répète les conclusions. Les principales recommandations de l’OCDE sont les suivantes :

– Abolir les départs anticipés à 62 ans.

– Augmenter les allocations les plus faibles pour les retraités âgés de 63 à 65 ans.

Ces deux mesures prises simultanément « incitent fortement à travailler plus longtemps ».

En Finlande, la thèse qui établit que « des mesures incitatives seules n’augmenteraient pas la vie active » a été accueillie avec des sentiments mêlés et interprétés comme partisane. Cependant, le plus important est que ce rapport a renvoyé la balle dans le camp de la Finlande. Le gouvernement, pour sa part a passé la balle aux six groupes de travail. Les résultats de ses groupes de travail sont attendus à l’automne prochain.

 

Finalement, le gouvernement a mis en place six sous-groupes pour la préparation des futures mesures afin de reculer l’âge de départ à la retraite (appelé « espérance de l’âge de départ en retraite » équivalent de l’âge de départ attendu à l’âge de 25 ans). L’objectif donné aux groupes de travail était de trouver les mesures appropriées pour que l’âge moyen de départ (aujourd’hui de 59.4 ans) augmente d’au moins trois ans d’ici 2025.

 

Le Groupe Ahtela a fait des propositions concrètes dans trois champs politiques :

– mesures à prendre pour améliorer les conditions de travail,

– mesures pour améliorer le bien-être au travail,

– mesures pour allonger les premières phases des carrières (en rendant les transitions entre éducation primaire, secondaire et supérieure plus rapides et plus efficaces) et améliorer l’employabilité tout au long de la vie active. Concernant les services de santé au travail les mesures visent à les rendre plus efficaces et plus actifs dans la prévention tout en améliorant la disponibilité et la qualité des services.  Elles visent aussi à accélérer  l’intervention des services compétents en matière d’incapacités dues au travail.

 

La réforme la plus importante dans le champ du bien-être au travail est la mise en place de nouveaux « centres du bien-être au travail » pour fournir des outils et services sur les lieux de travail. Concernant les carrières, les propositions visent à assurer des transitions plus souples entre les différents niveaux d’éducations, à lisser les études, et renforcer les liens entre éducations et vie professionnelle.

 

Commentaires en pagaille

Ces propositions ont déclenché bon nombre de commentaires. D’une manière générale, les employeurs sont assez critiques sur les propositions du Groupe Ahtela. L’ETLA (Institut Finlandais de recherches économiques) critique l’ambigüité du rapport sur les liens entre santé, santé au travail et longueur des carrières professionnelles, la quasi absence de référence aux recherches dans ce domaine, le manque d’évaluation des coûts et de calendrier pour l’application des réformes. L’ETLA se base sur des données selon lesquelles les licenciements des salariés les plus âgés augmentent significativement la productivité des entreprises. De plus, il n’est pas prouvé qu’améliorer le bien-être au travail augmente réellement la productivité. L’ETLA (avec la Confédération des Entreprises Finlandaises – EK) souhaite la fin des systèmes de préretraites, l’amélioration de l’incitations aux retraites pour handicapés et enfin que soit relevé l’âge de départ.

 

Les syndicats, au contraire, ont exprimé leur satisfaction concernant les résultats du groupe. L’Organisation Centrale des Syndicats Finlandais (SAK), la Confédération Finlandaise des Professionnels (STTK) et la Confédération des professionnels et cadres finlandais (Akava) considèrent qu’avec ces propositions le groupe Ahtela a atteint  les objectifs qui lui avaient été fixés.

 

L’Institut du Travail pour les Recherches Economiques (Palkansaajien tutkimuslaitos) avance dans son communiqué que l’hypothèse sur laquelle s’appuie le groupe, à savoir que l’âge de la retraite et la longueur des carrières sont un pré-requis pour la croissance économique, est exagérée. Cet institut ne voit dans les politiques de l’âge qu’une méthode parmi d’autres de croissance économique. Elle affecte principalement la quantité de main-d’œuvre disponible. Pour lui, le facteur critique dans les années à venir sera celui de la création de nouveaux emplois et, contrairement aux prédictions précédentes en Finlande, le chômage et le sous-emploi seront des problèmes sérieux. L’institut souligne également l’importance de l’éducation. Une meilleure éducation de la main d’œuvre ainsi qu’une plus grande participation des salariés aux formations augmente de manière significative l’âge de départ. Il avance également que le coefficient d’espérance de vie appliqué en Finlande depuis le début de l’année 2010 aura un effet à long terme sur les pensions à payer dans les années à venir. Réduire le nombre des retraites réduit également la pression macro-économique sur le système de pensions et encourage fortement les salariés à travailler plus longtemps.

 

L’institut Finlandais de Santé au travail insiste sur l’importance de l’augmentation du nombre de pensions d’invalidité dans la tranche d’âge 16-34 ans : + 37% pendant les années 2003-2008. Le calcul fait par l’Institut montre que les coûts des pensions invalidité des jeunes est presque aussi élevé que ceux du groupe des plus de 55 ans. L’augmentation des coûts dans ce domaine est due en grande partie à l’augmentation des problèmes de santé mentale des jeunes hommes. Une plus grande attention devrait donc être portée aux troubles mentaux dans les systèmes de santé au travail.

 

L’institut National de la Santé et de la Protection Sociale (THL) insiste dans son communiqué sur l’importance du bon fonctionnement du système de santé de base. Il suggère que les « Centres de bien-être au travail » suggéré par le groupe Ahtela pourraient s’organiser comme faisant partie du système national des centres de santé et donc permettre aux PME et aux sans-emploi, par exemple, un meilleur accès à leurs services.

 

 

Lire l’article original en anglais : Pension system reform, health and education : the Finnish way

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