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« Nous avons tout à inventer dans l’action intermédiaire, estime Michel Binet, conseiller général de Meurthe et Moselle. Le territoire n’est pas un terrier. Développement local ne signifie pas développement bocal. Nos territoires ont besoin d’un ancrage européen. Sur cette base-là, on aura une Europe de la vie, qui viendra compléter une Europe des structures. C’est le bon moment, puisqu’on est dans une impasse. Il faut proposer un espace permettant aux professionnels, aux élus et aux acteurs locaux de reprendre part à la gestion de leurs projets et de leurs missions ».

 

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Dans le cadre de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, le Conseil général du Val-de-Marne réunissait à Créteil une centaine d’Européens sur le thème des pratiques et innovations sociales contre les exclusions en Europe , les 2-3 décembre dernier. Le réseau Partenalia, à l’initiative de la manifestation, est un réseau européen de 22 collectivités territoriales. Créé en 1993, il entend favoriser « l’échange de bonnes pratiques » et « développer la coopération territoriale européenne afin d’améliorer les politiques locales et les politiques européennes qui peuvent affecter le niveau local » en France, Espagne, Portugal, Belgique, Italie et Grande-Bretagne (voir le site).

 

« La crise a servi de révélateur à l’importance des exclusions dans l’Union Européenne (emploi, santé, logement), précise Simonne Abraham-Thisse, chargée des projets et financements européens du conseil général du Val-de-Marne. On assiste à un véritable gâchis humain et de compétences ». Car 17 millions d’Européens vivent en-dessous du seuil de pauvreté (2007), davantage en situation d’exclusion. « On est incapable en 2010 d’avoir un chiffre actualisé ! C’est manifeste de l’absence de priorité accordée aux questions de la pauvreté en Europe, critique l’eurodéputée socialiste Pervenche Bérès. Pourtant dans ce grand désordre social, chacun fait vivre ses responsabilités, parfois avec des bouts de ficelles, pour continuer à travailler. Les travailleurs sociaux sont les premiers confrontés à ce que signifie cette crise pour ceux qui n’ont rien fait pour la provoquer ».

 

116 millions de citoyens européens, soit près d’un quart de la population de l’UE, étaient menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2008, selon une étude d’Eurostat. Lettonie, Roumanie et Bulgarie sont les plus touchées par une pauvreté qui menace aussi la France (13,1 % de la population), l’Allemagne (15,2 %), l’Espagne (19,6 %), ou le Royaume-Uni (18,8 %). 

 

La fin des guichets

De nombreux témoignages ont émaillé le colloque de Créteil. La province espagnole de Castellón par exemple « ne connaissait pas vraiment le chômage avant 2008 ». Amelia Petit Pérez, chargée des questions socio-économiques raconte que sa diputación située en Valence et Barcelone a connu « des périodes de croissance très fortes » avant la brutale désillusion : 22% de chômeurs et 18% de personnes en situation d’exclusion. Pour mieux concerter leurs politiques, les collectivités territoriales de Castellón ont donc créé un réseau d’innovation et de qualité sociale. Cette nouvelle « autoroute sociale » permet aux municipalités, associations et citoyens de recencer leurs actions et leurs pratiques sur un site Internet en libre accès.

 

Un tel échange d’informations s’effectue également sur le Forum permanent de l’insertion de Lille, précise Isabelle Damblin, du département du Nord. Depuis 2002, le forum regroupe allocataires du RSA (ex-RMI -123 000 en 2010), travailleurs sociaux, associations, élus et employeurs. Dans ce département le plus jeune et le plus peuplé de France, le taux d’illetrisme est encore de 15% et le taux de chômage atteint 13,1%, avec notamment des poches de précarité à Valenciennes et Tourcoing, où il culmine à 20%.

 

S’éloignant de la solution du guichet, inadaptée au contexte français de chômage de longue durée, l’action publique prend aujourd’hui la forme du partenariat et de la médiation. Si les institutions créent les conditions : faire céder la honte, reconstruire la dignité, réinstaurer la loi et l’espoir, alors les assurés sociaux prendront une participation « active » à leur réinsertion.

 

En France, l’échange de compétences et d’information ne s’effectue pas systématiquement à l’échelon national. « Il faudrait réunir tous les Conseils généraux et régionaux pour cela et sauvegarder ainsi la compétence générale », d’après Gilbert Augé, vice-président du Conseil Général de Seine-St-Denis. La clause générale de compétences, intime qu’une grande partie du budget de fonctionnement du département soit consacré à « l’action sociale », pilotant ainsi l’insertion sociale et professionnelle, l’aide au logement, aux personnes âgées, handicapées, à l’enfance. D’après plusieurs élus, l’Etat réduit ses interventions. Et les collectivités paient à sa place. D’où le recours quasi-systématique au Fonds Social Européen pour financer des projets d’accompagnement d’après l’enquête de l’assemblée des départements de France (ADF). Au total 41 millions ont permis de financer 252 projets, soit une moyenne de 163 000 € par projet. La Seine-St-Denis et le Nord sont parmi les premiers bénéficiaires, comme le montre cette carte (source ADF).

 

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La complexité des dossiers est souvent le principal obstacle à la demande de fonds par les associations. Pour permettre l’accès aux financements européens des petites structures associatives n’étant pas jusque-là en capacité d’en bénéficier, l’Association régionale pour le développement de la vie associative (ARDEVA) Île-de-France a été conventionnée en novembre 2002 par la Préfecture de Région pour la mise en œuvre en Île-de-France de la sous-mesure 10B de l’Objectif 3 du FSE au même titre que deux autres structures associatives dans la région. Avec plusieurs axes : 1/Le renforcement de la cohésion sociale et la lutte contre l’exclusion à travers l’insertion sociale et professionnelle des publics en difficulté ; 2/ La création et le développement de l’économie sociale et solidaire ; 3/ Des actions spécifiques en faveur de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes). Les projets étaient financés à 100 % à hauteur de 23 000 € maximum.

 

Voir

– Réseau Partenalia : le site

– l’enquête de l’assemblée des départements de France (ADF)

– Le lancement de la plateforme européenne pour la cohésion sociale

 

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