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Les étudiants protestataires sont le fer de lance des mobilisations contre l’austérité au Royaume-Uni. Ils s’inspirent aujourd’hui des jeunes de Tunisie et d’Egypte. Tiendront-ils Trafalgar Square ?

 

activiste uk

« Les protestations massives contre l’augmentation des frais universitaires ont permis de changer la donne politique en impliquant les jeunes. Jusque là, des centaines de débats, de conférences et de décisions avaient échoué à les mobiliser » se réjouit Len Mc Cluskey, secrétaire général du syndicat Unite. Une apathie que déplorait il y a encore peu de temps Mark Bergfeld, jeune étudiant en politique et en philosophie.

 

Il est aujourd’hui le porte-parole de l’Education Activist Network, une structure militante qui coordonne les actions étudiantes depuis février 2010. Le réseau s’est formé en lien avec tous les syndicats étudiants et des personnels de l’éducation du pays. Son objectif : lier les opposants du secteur contre le programme d’austérité du nouveau gouvernement : président d’universités, députés, intellectuels.

 

Mark Berfeld est actif en permanence sur son fil Twitter, même de nuit car le réseau est en pleine effervescence. Les universités d’Edimbourg, Cardiff, Nottingham, Sheffield sont occupées ces jours-ci, des grèves du personnel ont éclaté dans 47 des 133 universités britanniques, d’autres sont prévues jeudi 24 mars dans tous les collèges et lycées. Mais c’est surtout la préparation de la journée de manifestation unitaire du 26 mars à Londres qui préoccupe ce militant.

 

Le programme est déjà établi. « Dès le matin, des assemblées  générales seront organisées à la London School of Economics et au King’s College. Nous nous rallierons au cortège des manifestants dans la journée. Puis nous irons passer la soirée et la nuit à Trafalgar square. Chacun amène sa tente et son sac de couchage. Nous serons probablement 500 000 dans les rues de Londres, et plus d’un million dans tout le Royaume-Uni ». Les militants ont préparé cette action dans le détail, un site internet explique même comment ils comptent transformer Trafalgar Square en place Tahrir. Ils sont directement inspirés par les révolutions tunisiennes et égyptiennes (ils en ont reçu des témoins et des acteurs le mois dernier) et les manifestations françaises de 2006 contre le Contrat Première Embauche (CPE) ont aussi fait partie des études de cas.

 

« Ce n’est pas un petit combat égoïste d’étudiants privilégiés issus de la classe moyenne, précise Mark Berfeld. Nous nous battons pour ceux qui arriveront après nous dans le système universitaire, pour les plus pauvres, dont l’accès à l’éducation et à la formation tout au long de leur vie est compromis par ces réformes néo-libérales ». Le réseau en lien étroit avec les syndicats de l’éducation, critique vivement la cure d’austérité dans le secteur : £2,5 milliards de coupe nette.

 

Trente universités devraient fermer par manque de ressources selon le syndicat UCU (Union of Colleges and Universities), 40 000 professeurs perdre leur emploi. L’augmentation des frais de scolarité est sensée compenser le financement public : il peuvent ainsi atteindre £6 000 voire £9 000 selon les universités. Oxford, Cambridge et l’Imperial College ont aussitôt opté pour le maximum autorisé. Supprimées également, les 30 livres par semaine versées aux élèves, qui n’ont pas les moyens de payer leur scolarité entre 16 et 19 ans : l’EMA-Education Maintenance Allowances.

 

 

Les fonds décriés des Universités

Ces décisions ont nourri un mouvement de jeunes sans précédent. Il éclot précisément, alors que le nombre de jeunes chômeurs a explosé, passant de 66 000 to 965 000 en trois mois. Il touche 20,5% des 16-24 ans, alors que le taux de chômage moyen est de 7,9%. Au Québec, où les frais d’inscription sont aussi élevés, les universités remboursent leurs diplômés s’ils ne trouvent pas d’emploi. Une disposition qui n’est pas envisagée au Royaume-Uni.

 

Le réseau dénonce des dérives et la mentalité de grands patrons qui règne chez les présidents d’universités. Un poste lucratif, le mieux payé du secteur public avec £200 000 annuel. Davantage que le Premier ministre britannique ! Le Président de l’Université de Leeds, Pr Michael Arthur a déclaré £244,000 de revenus en 2009, Malcolm Grant de l’UCL a cumulé en paye et primes £404 272, éclipsé un administrateur d’Oxford avec £600 000. Quant au personnel académique, il a eu droit à une augmentation de 0,4%, alors que le taux d’inflation atteint 4,4%.

 

Les militants s’interrogent aussi sur les liens des présidents à la recherche de fonds avec certaines dictatures. Le chef du gouvernement David Cameron les emmène parfois dans ses voyages diplomatiques au Moyen-Orient. La London School of Economics a ainsi défrayé la chronique pour avoir accepté une donation £1.5 million de Saif al-Islam Gaddafi, le fils du dictateur libyen. Depuis, elle s’est empressée de reverser l’argent à une organisation caritative.

 

Le 26 mars prochain, contre les coupes de 92 milliards sur 4 ans, et au nom de la justice de la régulation et de la transparence, les étudiants rejoindront ainsi syndicalistes, retraités, bénéficiaires d’aide sociale, personnes handicapées lors de la « marche pour une alternative » coordonnée par le Trade Union Congress (TUC). Les étudiants y passeront au moins une nuit, si ce n’est plus.

 

A lire :

– Le site de l’Education Activist Network

– Le site de la manifestation du 26 mars : March for an Alternative

– Le site Right to work

– L’analyse positive de l’OCDE sur le programme d’austérité du gouvernement Cameron

 

Voir les films :

– Why cuts are the wrong cure

– No Schock Doctrine

 

 

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