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Les impacts de la future transition socio-écologique

publié le 2012-09-13

Au-delà de la crise qu’elle traverse, l’Union européenne doit se préparer à affronter les grandes transitions qui s’annoncent. Qu’elles soient écologiques, démographiques ou territoriales, celles-ci y auront des impacts considérables, notamment sur l’organisation du travail. C’est pour chercher à les évaluer que la commission européenne finance le projet intitulé NEUJOBS (pour une fois c’est un intitulé en allemand qui s’impose signifiant « nouveaux emplois »). Son premier axe de recherche, la transition socio-écologique, a fait l’objet d’un rapport présenté à l’Institut syndical européen (ETUI) le 28 juin dernier.

neujobs

Avant d’évaluer les impacts sur le travail d’une éventuelle transition socio-écologique, il faut d’abord s’entendre sur les termes. Les auteurs du rapport – une dizaine de chercheurs affiliés à l’Université de Klagenfurt et au Center for European Policy Studies (CEPS) – proposent de considérer ces transitions comme le passage d’un « régime énergétique sociétal » à un autre. Leur idée est de saisir les transformations sociales à partir des transformations des systèmes énergétiques et des rapports à la nature qui leur sont associés. Cela inclut donc autant les sources d’énergie dominantes que les technologies de conversion utilisées.

Historiquement, trois régimes énergétiques sont ainsi identifiés comme ayant eu une interférence active avec l’environnement : le régime agraire, le régime industriel basé sur le charbon et le régime industriel pétrolier. Le régime agraire se caractérise par une forte dépendance au sol et à son utilisation. Le travail humain y est dominant et le rapport énergie/capita relativement faible. À l’inverse, le développement des énergies fossiles a entrainé la mécanisation du travail et l’autonomisation des sociétés par rapport à la terre. Au prix cette fois d’une hausse considérable du rapport énergie/capital.

Différentes formes de travail
À chacun de ses régimes correspondent des formes de travail qui peuvent varier d’un point de vue qualitatif, quantitatif et institutionnel. Par exemple, les sociétés industrielles pétrolières accordent plus d’importance à la connaissance qu’au travail manuel, à l’inverse des sociétés agraires. De même, le temps de travail a tendance à s’y réduire et la forme institutionnelle dominante est le salariat.
Le passage du régime agraire vers le régime industriel est la tendance historique. Près de 60% de la population mondiale serait d’ailleurs en passe de rejoindre le stade industriel pétrolier. Or, les auteurs rappellent que cette évolution n’est pas soutenable. Les signes d’essoufflement écologique se multiplient en effet, du réchauffement climatique à l’épuisement de la biodiversité. Leur conclusion est donc sans appel. Une nouvelle transition est inévitable, mais elle devra rompre avec le schéma classique d’augmentation de la consommation d’énergie.

Une transition subie ou guidée?
À partir de là, plusieurs scénarios sont possibles. Ils devraient néanmoins tous se caractériser, selon les auteurs, par les grandes tendances suivantes :

– Une ré-augmentation du travail physique après une longue période de déclin. Celle-ci serait due à l’augmentation attendue du coût de l’énergie et à la diminution du rapport énergie investie/énergie obtenue. Cette situation devrait notamment ralentir la substitution du travail physique par le travail mécanique, tandis que l’augmentation attendue des événements climatiques extrêmes devrait également engendrer une activité physique accrue, comme l’entretien des infrastructures).

– Une augmentation des activités de « care », comme les soins à domicile et plus largement des activités impliquant un contact en face à face, les seuls services qui peuvent difficilement être délocalisés ou automatisés et qui devraient augmenter sous la pression de facteurs comme le vieillissement de la population.

– Une augmentation du prix des matières premières, qui pourraient inverser le schéma dominant de réduction des coûts, en le faisant passer du travail vers les ressources. Le prix relatif du travail diminuant par rapport à celui des matières premières, sa demande devrait augmenter, avec un effet négatif sur sa productivité. Dans la mesure où la croissance dépend actuellement de l’augmentation de cette productivité, leurs ralentissements respectifs pourraient entrainer des problèmes de redistribution de richesses en particulier vers les travailleurs.

– Enfin, une diminution de l’intensité énergétique de nos sociétés, notamment en raison de l’augmentation future des prix de l’énergie qui en diminuera la demande, mais également grâce à une réduction des pertes et du gaspillage.

Pour les auteurs, ces changements peuvent s’opérer aussi bien dans une logique pacifique de convergence concertée, que conflictuelle, en raison d’un accès aux ressources de plus en plus inégalement réparti. La différence tient naturellement aux choix politiques qui seront posés à l’échelle mondiale comme en Europe. Mais elle dépend aussi de notre capacité à anticiper la transition pour pouvoir la guider au mieux, plutôt que de prendre le risque de la subir, avec toutes les incertitudes que cela suppose.

 

Pour en savoir plus : NEUJOBS

 

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