Belgique : l’interventionnisme wallon face au libéral-internationalisme de la Flandre
publié le 2012-10-01
Jadis à la pointe de la révolution industrielle, la Wallonie a particulièrement mal vécu le déclin de ses activités traditionnelles à partir des années 60. Plus de 50 ans après, elle continue d’afficher des indicateurs socio-économiques en retard sur la plupart des RETI (Régions Européennes de Tradition Industrielle). Mais les choses s’améliorent. À l’image d’un interventionnisme public qui cherche à rompre avec certains errements passés.
« Il faut dire les choses comme elles sont, la Wallonie a raté le train des aides européennes ». Ce constat, dressé par une source syndicale de la FGTB (socialiste), peut difficilement être contesté. Après des décennies de transferts en provenance du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), la Région Wallonne continue d’afficher des indicateurs socio-économiques (PIB/habitant, taux de chômage) en-deçà de la moyenne européenne ou même d’autres régions au passé similaire (Nord-Pas-de-Calais, Sarre, Écosse). Malgré une amélioration récente, la situation reste donc problématique.
La Wallonie n’est pourtant pas dénuée d’atouts. Comment dès lors expliquer ses retards persistants? D’après notre interlocuteur, les causes sont multiples et parfois anciennes. La Flandre aurait par exemple bénéficié de sa surreprésentation dans les appareils fédéraux pour en diriger les fonds de manière plus favorable à son redéploiement économique régional. Une réalité méconnue, mais soigneusement documentée dans l’ouvrage Flandre-Wallonie, quelle solidarité ? De la création de l’État belge à l’Europe des Régions, rédigé par Michel Quévit expert auprès de l’OCDE et de la Commission européenne.
Mais la Flandre a été également plus prompte à accepter le déclin de certains secteurs traditionnels et à se rediriger vers des secteurs dits d’avenir. « C’est dû notamment à son approche plus libérale-internationaliste, qui l’a poussée à aller plus vite dans la flexibilité ». En contraste avec une Wallonie attachée à son passé industriel, mais qui n’a pas su traduire cet attachement dans un plan d’ensemble cohérent permettant d’en assurer la survie à long terme.
Du saupoudrage aux Plans Marshall
Tradition du « saupoudrage », réflexes sous-régionaux, lourdeurs administratives, les lacunes historiques de l’interventionnisme wallon sont nombreuses. Mais depuis 2005, les efforts pour les dépasser sont réels. Cette année-là, le gouvernement wallon lance son « Plan Marshall », complété quatre ans plus tard par un « Plan Marshall 2.0 vert » suite à l’arrivée au gouvernement des écologistes. Plus que la volonté de créer de nouveaux outils d’intervention, ces plans marquent surtout un effort de rationalisation des outils existants.
Si les moyens dégagés ne sont pas aussi ambitieux que ne le laisse croire leur intitulé (la première mouture prévoyait ainsi un budget de 1,5 milliards d’euros répartis sur quatre ans, soit quatre fois moins que la Flandre !), ces plans marquent toutefois une rupture qualitative importante dans l’approche wallonne du soutien à l’économie. « Pour la première fois, il existe une véritable volonté d’avoir une approche intégrée, cohérente. Des objectifs clairs sont définis et des indicateurs sont mis en place pour en évaluer la réalisation ». Sur le fond, les plans s’attachent par ailleurs à soutenir « le présent et le futur wallon », et non plus seulement les secteurs économiques traditionnels. D’où un recentrage sur les technologies de pointe par exemple, notamment à travers la création des « pôles de compétitivité ».
Des contreparties nécessaires mais sous-utilisées
Des aides plus ciblées. Une démarche intégrée qui vise autant à pallier les insuffisances du marché qu’à l’orienter vers le « développement durable », les ambitions de relance wallonne sont claires. Mais elles ne sont pas pour autant exemptes de critiques. Côté syndical, on regrette par exemple que ces plans aient été concoctés sans réelle concertation sociale, donnant l’impression qu’il s’agissait surtout de plans de soutien aux entrepreneurs. « L’idée qu’il suffit de favoriser l’activité pour que ses bénéfices « percolent » vers le reste de la société est trompeuse. Les cas d’Arcelor ou de GSK sont emblématiques des risques à ne pas imposer des conditions suffisamment strictes ». Si l’Europe empêche souvent que ces conditions soient utilisées pleinement au nom de la libre concurrence, elle n’exclut pas pour autant toutes formes de contreparties. « Il existe une marge de manœuvre dont il faut impérativement se saisir ».
Par ailleurs, la Wallonie reste handicapée par la division institutionnelle entre les entités fédérées francophones en Belgique. La Région Wallonne est compétente en matière d’emploi, alors que la Communauté Française (Fédération Wallonie – Bruxelles) l’est en matière d’enseignement… Ce qui est source de nombreuses inefficacités, que la Flandre a résolues très tôt en fusionnant ses institutions régionales et communautaires. D’autre part, la subsistance d’importantes disparités intra-régionales constitue également un défi de taille pour l’avenir de la Région Wallonne. Au-delà de l’attractivité de son territoire, c’est donc aussi la répartition des fruits de la relance qui doit être pensée.
Horizon 2022
Ces questions ont certainement été au centre des débats qui viennent de se tenir à Tournai dans le cadre d’un séminaire visant à évaluer les acquis des Plans Marshall et à en lancer un nouveau : « Horizon 2022 ». Le choix de cette date ne doit rien au hasard. En effet, la réforme de l’État lancée au moment de la crise politique de 2008 doit aboutir cette année-là.. Et avec elle une bonne partie des transferts Nord-Sud dont bénéficie actuellement la Wallonie, régionalisation des compétences obligent.
Le défi est donc plus urgent que jamais, et les difficultés nombreuses. À commencer par le nerf de la guerre : l’argent. Le ministre des Finances wallon vient en effet de rappeler « qu’il n’y avait pas de moyens supplémentaires disponibles » pour ce nouveau plan…
La solution de cette difficile équation devrait au moins offrir une bonne occasion de s’illustrer à une Wallonie qui se veut « innovante ».
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