par Daniel Urbain
C’est une idée aujourd’hui largement répandue : la montée en puissance de la classe moyenne est essentielle pour le développement des pays émergents. En lui reconnaissant d’emblée « un rôle central » dans ces sociétés, une livraison récente de Problèmes économiques, qui regroupe cinq contributions consacrées à ce thème, accrédite cette thèse. Mais elle pointe aussi les freins que rencontre l’essor de cette classe.
Certes, les projections de l’OCDE indiquent qu’en 2030 l’Asie abritera 66% de la classe moyenne mondiale, contre 28% en 2009. Et l’apparition d’une jeune classe moyenne en Afrique contribue à redonner espoir en l’avenir de ce continent.
En outre cette évolution ne se traduit pas seulement en accroissement du bien-être et en développement économique; elle favorise aussi l’implantation et la pérennisation de la démocratie.
Il n’est pas question de contester ces avancées. Mais, comme le montrent plusieurs textes rassemblés par Problèmes économiques, les classes moyennes ne sont pas toujours aussi « motrices » qu’on le souhaiterait. Par exemple, il arrive qu’on y soit intégré par des économistes tout en vivant avec moins de quatre dollars par personne et par jour (notamment en Côte d’Ivoire, en Inde…). Difficile, dans ces conditions, d’avoir un impact économique fort et d’exercer une véritable capacité de changement social.
Autre difficulté : l’hétérogénéité de ce segment de société dans certains pays. C’est le cas en Chine où s’y côtoient des personnes à l’éducation et au style de vie différents (fonctionnaires, petits patrons d’entreprises high-tech, professeurs d’université…). D’où une incohérence dans les comportements et les choix de consommation. En outre, le poids de la classe moyenne chinoise est encore assez faible (12% de la population). Cette situation ne lui permet pas d’influer suffisamment sur la distribution des richesses – qui est très inégalitaire – ni de contribuer efficacement à la transformation d’une économie d’exportation en une économie d’innovation.
Enfin, dans beaucoup de pays émergents, une partie de la classe moyenne reste vulnérable, notamment parce qu’elle travaille dans le secteur informel, ce qui signifie revenus précaires et emplois instables. L’OCDE affirme que ces Etats doivent accentuer leurs efforts en matière de protection sociale et d’investissement dans des services publics de qualité confortant les possibilités d’ascension sociale. Afin de réduire cette vulnérabilité… et de s’assurer le soutien de cette classe.
Pour en savoir plus
Les classes moyennes dans les pays émergents – « Problèmes économiques » n°3052 – La Documentation française
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