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par Delphine Martelli-Banégas

Patrons, Dircoms, DRH, syndicats… Qui parle ? Quand ? D’où ? Pour dire quoi et avec quel crédit ? En partenariat avec Meanings, Harris Interactive interroge la communication interne sous un angle inédit : celui de la parole orale. Pour dresser un état des lieux sur ce sujet peu couvert par les études internes, mais aussi pour mesurer le pouvoir performatif de la parole et ses effets sur la confiance dans les acteurs de l’entreprise, dans un contexte sociétal de défiance généralisée (envers les politiques, envers les experts, envers les dirigeants, etc.). En voici quelques extraits significatifs pour Metis.

 

1- Quelle est la crédibilité de la parole des dirigeants ?

Le palmarès de la confiance est dominé par les acteurs de proximité
L’état des lieux de la prise de parole orale en entreprise fait apparaître que ce sont les acteurs de proximité qui prennent le plus souvent la parole et qui inspirent le plus confiance : au premier rang desquels les collègues (77%), suivis du supérieur hiérarchique direct (N+1) qui bénéficie de la confiance de 72% des salariés, confirmant ainsi sa place centrale dans l’entreprise – rôle mesuré dans toutes les études internes menées par Harris Interactive. La parole des syndicats est créditée de confiance par près de 6 salariés sur 10, à même hauteur que les dirigeants intermédiaires (directeurs de branche ou d’activité).
En revanche, moins de 1 salarié sur 2 juge digne de confiance la parole du Président/Directeur général de l’entreprise (49%), le Dircom et le DRH recueillant un score légèrement inférieur (44%).

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2- Un décalage important entre les sujets couverts par la parole des dirigeants et les thématiques attendues par les salariés

Un impératif de proximité dans les sujets
Aujourd’hui le PDG/DG parle le plus souvent de sujets institutionnels, plutôt macro-économiques : les résultats de l’entreprise, la stratégie/les projets de l’entreprise, les valeurs de l’entreprise ou encore l’état du marché, du secteur, de la concurrence (entre 53% et 57% des salariés déclarent que ces thématiques sont souvent ou occasionnellement abordées).
A l’inverse le champ de l’individu, du social, de l’humain semble peu abordé : entre deux tiers et trois quarts des salariés indiquent que leur PDG ne parle jamais « des conditions de travail », « de l’ambiance de travail », « des aspects RH : formation, salaires, évolution professionnelle » ou encore du destin personnel dans l’entreprise.
Or, là où le discours de l’entreprise se « financiarise », se désincarne, s‘éloigne des préoccupations et du quotidien des salariés, les salariés attendent qu’on leur redonne une direction, un sens à ce qu’ils font. Précisément, les aspects RH (48% des citations), les conditions de travail (47%) et l’avenir de chacun au sein de l’entreprise (41%) arrivent en tête des sujets dont les salariés aimeraient que le PDG de leur entreprise parle, devant la stratégie (36%) ou leur travail, leur métier (34%).

 

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3- Quel est le rôle des « seconds »? Le rôle incontournable des managers de proximité

Les « seconds » émergent clairement dans notre étude comme des relais précieux : les prises de parole de la hiérarchie sont un soutien efficace de la confiance accordée au Président. Plus ils s’expriment, plus la parole du chef suscite la confiance.
Parmi ces relais, c’est la parole du manager de proximité qui est la plus crédible et la plus attendue : 39% des salariés souhaitent que leur manager prenne la parole, devant les syndicats (37%) et le PDG/Directeur général (33%). Or, les études internes menées par Harris Interactive dans de nombreux secteurs d’activité tendent à montrer que ce même manager ne se sent pas toujours armé pour communiquer. Il semble donc essentiel de l’accompagner. Moins attendus dans la prise de parole, le responsable des ressources humaines (mais au cœur des sujets que les salariés aimeraient voir traités en priorité) et le Directeur de la communication semblent avoir un rôle essentiel à jouer dans cette « évangélisation des seconds ».

 

4- Que faut-il faire pour que la confiance grandisse ?

Prendre la parole fréquemment

La parole des dirigeants est plutôt rare. Une minorité de salariés interrogés (42%) déclarent que leur Président/Directeur général prend la parole oralement. A l’inverse pour 29% leur PDG/DG ne prend même jamais la parole. Ce constat est plus largement partagé par les plus jeunes, les « nouveaux » et les employés/ouvriers. Plutôt silencieux également : le responsable RH ou le Dircom (s’exprimant rarement ou même jamais pour les deux tiers des salariés).

Or cette parole est attendue et constitue un indiscutable levier de la confiance. La parole du « chef » est fortement attendue. Il fait ainsi partie des trois émetteurs que l’on attend en priorité (33% des citations), en troisième position derrière les managers de proximité (39%) et les syndicats (37%).
L’analyse de la corrélation entre la fréquence de la prise de parole du PDG et la confiance qu’on lui accorde est sans appel : de 30% lorsque le PDG/DG ne s’exprime pas, la confiance dans sa parole grimpe à 70% lorsque qu’il prend « souvent » la parole, soit un gain de 40 points de confiance.

 

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Parler des sujets proches des salariés

En reflet des attentes des salariés, l’analyse montre une corrélation forte entre une prise de parole fréquente du PDG sur les sujets proches et attendus des salariés et la confiance qu’il inspire (gain de confiance allant jusqu’à 10 points quand le PDG parle des conditions de travail, de l’avenir de chacun au sein de l’entreprise, de l’ambiance de travail). A noter que les thématiques « développement durable/RSE », moins spontanément citées par les salariés comme sujets qui comptent, sont aussi un levier fort de la confiance dans la parole du Président.

 

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Parler de manière sincère et transparente

Les qualités de forme de la parole du PDG sont majoritairement appréciées (elle est « simple », « claire » et « s’adresse à tous » pour une majorité de salariés). En revanche, ses qualités de ton semblent insatisfaisantes : à peine 48% de salariés la jugent « sincère », 46% « transparente, honnête » ou « rassurante » et un tiers seulement « proche de leurs préoccupations ». Or, plus la parole sait répondre à ces attentes de sincérité et de proximité, plus elle est convaincante.

 

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A l’heure où les communicants internes sont confrontés à la défiance des salariés et à la maitrise des canaux numériques, l’importance des prises de paroles directes des dirigeants mise en évidence dans cette étude ouvre une piste d’optimisation précieuse. Plus largement, ce sont les fondamentaux mêmes de la relation en entreprise qui sont rappelés : proximité, simplicité, sincérité, respect mutuel.

 

Delphine Martelli-Banégas est directrice du Département Corporate de l’Institut Harris Interactive

 

Enquête Meanings/Harris interactive réalisée en ligne du 21 septembre au 3 octobre 2012. Echantillon de 1000 salariés, représentatif des salariés français âgés de 18 ans et plus, travaillant dans des entreprises privées et publiques (hors administrations et collectivités) de plus de 250 personnes, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas appliquée à la taille d’entreprise (250 à 5000 salariés/plus de 5000 salariés) et au statut (cadres / niveaux intermédiaires /employés-ouvriers).

 

 

 

 

 

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