4 minutes de lecture

par Nadya Charvet

Il n’a sur son agenda ni déjeuner d’affaire, ni réunion à rallonge. Même les rendez-vous chez des clients sont pour Rod Simeon, créateur de Bold is beautiful, une exception. Pourquoi se déplacer lorsqu’on peut communiquer d’un simple clic ? A l’ère du numérique, Rod excelle dans l’art de créer de la valeur sans dépenses inutiles, au propre comme au figuré.

 

mutineries

Son entreprise est domiciliée dans un espace de co-working d’où il traite avec le monde entier, depuis son ordinateur et son smartphone, seul ou en équipe, virtuelles forcément les équipes, selon les besoins du client. Il se déplace peu, « une perte de temps » préférant appeler, rappeler, mailer à longueur de journée, de même qu’il ne s’encombre pas de choses inutiles, cultivant l’art de ne rien posséder, pas même un site internet, une infrastructure informatique. Le bouche à oreille suffit à le faire travailler. Sa réputation de super communicant, doué en design, au profil international et aux références solides lui sert de carte de visite. L’époque lui sourit. La crise a doublé les exigences de ses clients, raccourci les délais, réduit les budgets… et lui en profite à plein.

 

« C’est presque indécent, dit-il, tout le travail semble se concentrer sur des types comme moi ». Des pointures dans leur domaine, travaillant vite, bien et à prix serré. Logique, un homme comme Rod capable d’abattre le travail de 5 coûte bien moins cher qu’une agence de com ou de design ayant pignon sur rue, des frais fixes, du personnel, etc.. Et comme ce quadragénaire n’en est pas à sa première mission, il a rodé son discours et ses méthodes : « Pour réduire les coûts, je mets volontiers mes clients à contribution, et je leur apprends à maîtriser les outils numériques. Ou bien, je prends un expert là où une agence en ferait travailler trois ». Il assure ne jamais décevoir ses clients.

 

Se paye-t’il a la hauteur du travail fourni ? Oui, il gagne très bien sa vie, même trop bien… Rod reconnaît volontiers que sa petite entreprise relève du libéralisme débridé, et que lui et les mercenaires de haut vol qu’il sollicite sur des missions ne représentent pas un modèle économique d’avenir. « J’adore travailler avec des gens intelligents. C’est aussi pour ça que je suis dans un espace de co-working, pour avoir des avis divergents, ne pas rester dans mon pré carré. Mais peu de gens savent faire ça, et mon équipe est constituée de super-pros. Tout le monde n’a pas les moyens d’en être ».

 

Il sait que les free lance ne sont pas tous et de loin logés à cette enseigne. Le slogan « tous free lance, tous entrepreneurs » lui paraît surtout la porte ouverte à une précarité à grande échelle. « La plupart subissent les aléas du système plus qu’ils ne s’en s’affranchissent ». N’a-t-il pas lui-même frôlé le burn-out il y a quelques mois ? « J’ai passé six mois à travailler 7 jours sur 7, 12 heures par jour ». Depuis, il a décidé d’intégrer 5 collaborateurs. Une partie d’entre eux travaille à Monaco. Il ne les croise « qu’en vacances ». D’autres sont à Paris, mais il ne les voit pas pour autant. « Parfois nous nous retrouvons pour diner ». Dans la journée, mail, téléphone, croquis envoyé depuis un smartphone quand l’explication orale ne suffit pas. Voilà comment se passent les journées de travail. Seul Xavier, un chef de projet, s’est installé dans le même espace de co-working, Mutinerie, à Paris dans le 19eme.

 

Si ses méthodes de travail restent les mêmes, le discours de Rod a changé. A propos de son équipe, il dit : « maintenant c’est week end obligatoire pour tout le monde, sans téléphone et sans ordi, et je ne suis plus joignable après 20 heures. Je sais que le régime que je me suis imposé n’est pas vivable pour les autres. Economiquement, une structure saine ne fonctionne pas avec des esclaves ». Un discours de patron responsable ? Il répond : j’ai la chance de travailler avec d’autres entrepreneurs, ils m’ont appris à le devenir ». Comme quoi l’économie réelle peut encore servir d’exemple…

 

Print Friendly, PDF & Email
+ posts