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par Metis

L’objectif commun de ces trois praticiens de l’entreprise, penser le travail avec pragmatisme, au plus près des réalités de terrain, afin d’en tirer des pistes d’action efficaces. Trois regards différents qui s’entrecroisent, se répondent, marquent leurs accords ou divergences dans un livre intitulé « Règles, Métier et Processus : trois explorations ».

regle metier

Le titre pourrait rebuter, il ne suggère pas les lendemains qui chantent et les solutions miracles, il signifie simplement l’angle de réflexion et d’action de chaque auteur, Laurent Chiozzotto, Dominique Fauconnier et Michel Raquin, tous praticiens de l’entreprise. Le livre reflète la méthode singulière qu’ils ont retenue pour l’élaborer. Chacun expose d’abord son point de vue, puis chacun répond à ce qu’ont proposé les deux autres. Enfin chaque auteur reprend la parole pour tirer de toutes ces réflexions des pistes d’action à l’intention des managers. Une disputation méthodique simple et efficace.

Un constat et une urgence
On manque manifestement d’outils conceptuels pour penser l’entreprise et le travail, il faut y remédier. Dissocier l’organisation du travail des hommes qui le font est manifestement une erreur, ne pas tenir compte des dynamiques et des changements permanents que connait l’entreprise rend vite caduques les solutions toutes provisoires qui lui sont proposées. Peu à peu s’impose l’idée que les trois mots retenus par les auteurs renvoient à des réalités intéressantes à explorer et à rapprocher. Au cœur de cet ouvrage, on trouve le souci d’appréhender le mouvement de l’entreprise comme le résultat d’une activité humaine. Sans prétention, avec humilité et pragmatisme. Le matériau sur lequel se penchent les auteurs, c’est le réel.
Les praticiens auraient-ils quelque chose à dire qui contribue à faire avancer une réflexion souvent confisquée par d’autres ? Lisez leur livre, en voici quelques extraits.

Que se passe-t-il en l’absence de règle ?
« La tendance chez les entrepreneurs qui créent des produits innovants est de vouloir faire mieux que le voisin. Ils ne savent pas fixer de limite à leurs efforts et ne veulent pas se lancer dans la phase de commercialisation tant qu’ils considèrent que le fruit de leur travail n’est pas totalement abouti. Ils passent ainsi des mois, voire des années, à essayer de faire un produit parfait censé répondre à tous les besoins, sans savoir réellement si leur vision des choses est en phase avec ce que veulent les clients. Cette quête du Graal les amène à s’isoler et à perdre le contact avec la réalité. Lorsqu’ils se décident enfin à confronter leur création à la sanction du marché, ils sont souvent déçus et déstabilisés par la réaction qu’ils obtiennent… Au travers de cet exemple, on constate que l’absence de règles claires qui permettent de définir et de structurer l’activité de R&D et de savoir à quel moment il faut s’arrêter de développer et commencer à vendre constitue pour ces entrepreneurs une perte de temps considérable et un frein puissant au développement de leur entreprise. »

 

Regard particulier sur l’association de Processus et Règle
« Pour ma part, mon premier réflexe lorsque nous avons décidé d’écrire sur ce sujet, a été de penser qu’il n’existait pas de lien entre ces deux mots. En effet, en tant que spécialiste de l’approche processus, je milite pour faire en sorte que ce mot évoque la vie, la souplesse, l’agilité, la fluidité, en d’autres termes ressemble à un flux, à un mouvement, à une rivière qui coule. Je n’imaginais donc, de prime abord, aucun lien avec le mot Règle, ce dernier m’évoquant pour l’essentiel une notion de contrainte. Je pensais plutôt que ces deux mots s’opposaient. Et pourtant ! Dans le film américain de Peter Weir, sorti en 1989, Le Cercle des poètes disparus, John Keating nous montre qu’il faut se décentrer de manière à observer et voir les choses sous un autre angle, sous un aspect auquel la logique cartésienne ne nous convie pas. C’est ce que j’ai tenté de faire. »

 

Maîtriser le déroulement d’un processus est le propre de tout métier
« Si nous prenons maintenant un peu de recul, nous pouvons considérer que le fait « d’avoir du métier » correspond à la capacité de transformer volontairement une réalité de son état A (ou de sa forme A), actuel, vers un état B (ou une forme B), souhaité(e). Cela vaut autant pour la fabrication d’un meuble en bois que je confie à un menuisier que pour un département dont je confie le management à un responsable. Cela vaut autant pour des comédiens qui « transforment » les émotions de leur public grâce au texte qu’ils font vivre sur scène que pour un dirigeant qui s’assure que le service promis par son entreprise à ses clients est bien délivré. Un processus tel qu’il vient d’être défini ici – la transformation effective et volontaire d’une réalité d’un état A en un état B – est le fruit de l’exercice d’un métier. Le processus de transformation de la réalité prise dans son état A est conduit vers son état B, qui correspond au résultat voulu. C’est parce que celui ou ceux qui exercent leur métier connaissent intimement la « matière » qu’ils travaillent qu’ils savent la transformer d’un état en un autre. »

Laurent Chiozzotto est Président du Club des Explorateurs. Dans son activité d’indépendant, il accompagne de jeunes entreprises innovantes.
Dominique Fauconnier a créé l’Atelier des Métiers en 1993. Par ses missions de conseil et de formation, il explore de nouvelles façons d’associer sens du Métier et efficacité collective.
Michel Raquin est Président du Club des Pilotes de Processus et a mis en place une démarche de pilotage par les processus lorsqu’il était responsable de l’organisation de LCL (Le Crédit Lyonnais).

Laurent Chiozzotto, Dominique Fauconnier, Michel Raquin « Règles, Métier et Processus : Trois explorations » L’Harmattan

 

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