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par Albane Flamant

Au cours des siècles, les luttes entre catholiques et protestants britanniques ont déchiré le Royaume-Uni. La violence a aujourd’hui cessé, mais on observe toujours des différences entre ces deux principales communautés, avec par exemple un taux de chômage notoirement plus élevé chez les Britanniques catholiques. Dans ce pays, on a toujours cherché comment « bien » vivre ensemble. C’est ce contexte historique qui est à l’origine de l’apparition dans les années 70 du multiculturalisme dans les politiques gouvernementales et syndicales du pays.

 

Ethnicity 2011

Pour certains, cette mise en avant de la diversité semble aujourd’hui particulièrement importante au vu de la mosaïque culturelle qui compose la société britannique. Dans ce pays, religion et ethnicité sont intimement liées : les protestants et catholiques (59% de la population) sont majoritairement caucasiens, alors que les autres religions du pays sont clairement liées à d’autres ethnicités. L’Islam ressort notoirement comme une religion ethniquement visible.

 

Ce concept de multiculturalisme est aujourd’hui en retrait dans la mentalité britannique : les attentats des années 2000 (notamment à Londres en 2006) ont remis en question son efficacité, et il n’est pas rare qu’il soit associé à la notion de séparatisme, voire de terrorisme. Selon ses critiques, le multiculturalisme favorise le manque d’intégration des populations migrantes, qui s’organisent en fonction de leur communauté d’origine.

 

« Utiliser ce terme aujourd’hui, c’est presque une gros mot!» témoigne dans sa présentation Steve Jefferys, directeur de l’institut de recherche Working Lives Research, de l’université de Londres, et expert de la lutte contre les discriminations en Europe.

 

A l’inverse, les politiques actuelles tendent à promouvoir une « monoculture » propre à la Grande-Bretagne, une politique d’assimilation à la « culture britannique » qui peine cependant à se concrétiser. Le problème est toujours le même : comment définit-on des valeurs communes, qu’est-ce qu’être britannique, et surtout, comment impose-t-on le principe de tolérance ?

 

« J’ai la conviction que le fait d’imposer des restrictions aux autres n’est pas une stratégie durable. La tolérance, ce n’est pas du prosélytisme, » nous dit Jefferys.

 

Comment cela se traduit-il dans l’entreprise ?

Au Royaume-Uni, il n’y a pas de code de travail à proprement parler, et la protection de la diversité se fait en entreprise à l’aide de régulations (2003 Employment Equality Regulations) et de conventions avec les syndicats.On constate deux grandes formes d’interdits légaux : pas de discrimination directe ou indirecte (embauche, licenciement, avantages professionnels, etc.) sur base d’un critère religieux, ni d’harcèlement sur cette même base (injures, blagues à caractère religieux).

 

La loi permet bien sûr aux employeurs de faire des efforts supplémentaires pour promouvoir la diversité dans leur compagnie, mais la crise économique est passée par là.

 

« Beaucoup de politiciens, de syndicats et d’employeurs ont reculé dans leurs efforts pour promouvoir la diversité au travail depuis la crise. Ils privilégient plutôt les questions d’emploi, et puis la diversité, ‘ça coûte cher.’ »

 

Mais comme dans beaucoup de pays, l’islam reste la plus grande source d’inconfort dans les entreprises à majorité « blanche ». Comme en témoignaient deux travailleurs syndicalistes musulmans auprès de Jefferys, leur religion est une barrière posée entre eux et la majorité de leurs collègues. Ils n’osent même pas en parler de peu de mettre en danger leurs relations avec ces derniers.

 

Astrees Lab RER

 

Article écrit sur base d’une présentation faite par Steve Jefferys (« La gestion du fait religieux en entreprise au Royaume-Uni) pour le lab ASTREES sur les réalités ethniques et religieuses au travail.

 

 

 

Crédit images : Steve Jefferys (Working Lives Research Institute) & Albane Flamant 

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