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C’est du bon sens : pour que les formations en alternance se développent au mieux, il faut que des liens se tissent entre l’organisme où se déroule la formation et l’entreprise où se déroule le « stage » qui est donc une autre partie de la formation. Car l’étudiant/apprenti apprend dans les deux cas même si nombre d’enseignants refusent toujours de l’admettre, considérant que le travail en entreprise est la simple « application » de ce que l’on a appris de manière « théorique » sur les bancs de l’école ou de l’institut de formation. Voici cet exemple au travers d’une synthèse présentée par Chantal Labruyère et Véronique Simon dans la Lettre Bref du CEREQ de décembre 2014 : « L’alternance intégrative, de la théorie à la pratique » dont Danielle Kaisergruber présente ici de larges extraits.

 

 

alternance

La mise en œuvre d’une vraie alternance incitée dans ce secteur « donne lieu à de nouvelles pratiques d’accueil, d’accompagnement et d’évaluation des étudiants en stage » qui sont riches d’enseignements. « En matière de formation initiale sous statut scolaire, on a longtemps pratiqué l’alternance juxtapositive et déductive.

 

Dans celle-ci, les passages dans le monde du travail étaient envisagés comme l’application sur le plan pratique du savoir théorique acquis en cours. La répartition des rôles entre les deux espaces-temps, les périodes en centre de formation et les périodes en entreprise, quant à la nature des savoirs à y acquérir y sont assez nettes. Depuis le milieu des années 90, inspirée par les travaux de Gérard Malglaive sur la formation des formateurs, une nouvelle conception de l’alternance dite « intégrative » se diffuse progressivement à d’autres univers de formation, comme celui du travail social. »

 

 

De quoi s’agit-il ?

 

 

« Cette conception postule que la relation entre savoirs et compétences se joue dans l’investissement de l’apprenant et de son savoir dans l’action, ainsi que dans sa capacité à développer une démarche réflexive sur cette action. L’alternance intégrative repose sur la co-construction de dispositifs pédagogiques permettant aux apprenants d’opérer ce retour réflexif sur leur pratique, aussi bien dans le cadre de la formation que dans celui du stage. Elle suppose l’établissement de relations de coopération entre les équipes pédagogiques et les équipes tutorales. La mise en place d’un dialogue renforcé entre ces deux équipes, autour des situations de travail constitutives du processus d’apprentissage des stagiaires, est la clé de voûte. » Cela paraît tout simple, mais c’est beaucoup : il faut admettre que la pratique en entreprise et le moment en formation sont en fait deux situations de travail. L’apprenant dans une salle de cours n’est pas seulement le réceptacle d’une « transmission de savoirs » : il travaille, il prend part au processus. Et l’apprenti qui travaille réfléchit à ce qu’il fait, le formalise et ainsi il apprend.

 

 

Dans le cas des formations au travail social, la Commission Professionnelle Consultative (CPC) en charge des référentiels de formation et des diplômes a introduit la notion de « site qualifiant » : « L’organisme d’accueil (l’entreprise) se situe dorénavant en organisation apprenante et en co-acteur dans les modalités d’acquisition de compétences ». Reconnaitre qu’un lieu de travail (ici un organisme parce que l’on est dans le médico-social mais ce pourrait être une entreprise) joue un rôle dans l’acquisition de compétences : ce n’est pas rien. L’étude menée par le CEREQ a montré des changements profonds dans la manière de recruter (plus attentive), d’accueillir (plus personnalisée) et de suivre le stagiaire, en y impliquant souvent toute une équipe de travail.

 

 

« Il est donc logique que les professionnels occupent une place plus grande dans l’évaluation. Ainsi les écoles accordent une importance croissante au contenu des bilans de stage. Ceux-ci font partie du livret de formation consultable par les jurys terminaux. En lien avec la refonte des référentiels de diplômes formulés d’abord sous forme de compétences à acquérir, les instituts de formation préconisent l’adoption d’une méthode d’évaluation plus analytique, s’appuyant sur des critères et des indicateurs d’évaluation, compétence par compétence. Ce souci de plus grande objectivation des compétences acquises amène certains tuteurs mettre en place des outils de traçabilité de la progressivité observée dans l’accomplissement des activités. »

 

 

C’est donc tout le parcours de la formation en alternance qui est concerné par cette conception innovante. Néanmoins le développement de l’alternance intégrative se heurte à de nombreuses difficultés : il est encore trop souvent le fait d’initiatives individuelles, il nécessite davantage de temps et de ressources. L’article de Chantal Labruyère et Véronique Simon indique prudemment : « Sans exonérer les organismes de formation de leur part de responsabilité dans la relative lenteur avec laquelle se diffuse l’alternance intégrative, la question des ressources à mobiliser pour relever ce défi ne peut être ignorée. »

 

 

A ceux qui s’interrogent sur les difficultés de l’apprentissage qui régresse en France au lieu de se développer, ce travail apporte l’une des réponses : l’apprentissage n’est pas une aide à l’emploi des jeunes parmi d’autres. L’alternance est une voie pédagogique originale pour former des jeunes qui fait travailler ensemble des organismes de formation et des professionnels engagés dans des situations de travail.

 

 

Pour en savoir plus :

 


Rapport final de l’étude : La mise en œuvre de l’alternance intégrative dans les formations du travail social, CEREQ, Net.doc n° 119, 2014
L’alternance dans les formations sociales, CPC du travail social et de l’intervention sociale, mars 2011.

 

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.