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Au Portugal, avec le programme Novas Oportunidas, il s’agissait de mettre en œuvre un système de reconnaissance, d’accréditation et de certification des compétences acquises dans des contextes non formels ou informels, doublé d’actions de formation formelle afin de qualifier les participants au programme sous la forme de diplômes et/ou de qualifications professionnelles aux principaux niveaux du système éducatif*. Zoom sur les résultats d’un dispositif de formation au succès d’abord quantitatif, par Danielle Kaisergruber.

 

 

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Le Portugal : parmi les pays analysés dans le rapport*, c’est sans doute celui où les résultats en termes quantitatifs ont été les plus impressionnants, particulièrement dans le cadre d’une opération majeure intitulée Novas Oportunidas lancée par le gouvernement de 2006 à 2011 et conduite par l’Agencia Nacional para la Qualificaçao (ANQ). Cette initiative vivement soutenue par les partenaires sociaux et par les medias  intervenait dans un contexte où le système de formation professionnelle était particulièrement défaillant*. Le Portugal comptait environ 3,5 millions de travailleurs non ou insuffisamment qualifiés (plus de la moitié de la population active) et le taux de sorties du système scolaire sans qualification était un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE.

 

 

Avec le programme Novas Oportunidas, il s’agissait de mettre en œuvre un système de reconnaissance, d’accréditation et de certification des compétences acquises dans des contextes non formels ou informels, doublé d’actions de formation formelle afin de qualifier les participants au programme sous la forme de diplômes et/ou de qualifications professionnelles aux principaux niveaux du système éducatif*. Il s’agissait aussi par là de réduire substantiellement les sorties sans qualification du système éducatif. Le programme visait la certification de 600 000 adultes et la participation à des actions de formation de 350 000 adultes entre 2006 et 2010. L’objectif était d’instaurer au bout de 5 ans la fin d’études secondaires (après 12 ans) comme le niveau minimum de qualification de l’ensemble de la population.

 

 

Le dispositif s’appuyait sur 450 centres (Centros Novas Oportunidas, CNO) dédiés à l’opération*. Parmi les 9 000 professionnels engagés dans ces centres, près de la moitié étaient nouveaux. Tous étaient hautement qualifiés et enthousiastes. Après une phase d’attentisme, les employeurs avaient décidé de jouer le jeu d’autant plus qu’ils pouvaient apprécier l’impact positif du programme sur la motivation et les compétences des travailleurs. Cependant, les petites et micro entreprises demeuraient réticentes. Quant aux syndicats, leur engagement était clair et substantiel, au niveau des orientations nationales du programme ainsi que dans leur présence dans les divers comités et autres conseils aux niveaux des branches et des régions, mais aussi par leur participation aux actions de conseil et d’orientation et enfin par la gestion directe de deux centres*. Les deux grands syndicats CGPT et UGT avaient signé un accord avec les confédérations d’employeurs en 2006. Mais ils se distinguaient l’année suivante lorsque l’UGT signait un accord tripartite sur la mise en œuvre plus précise du programme tandis que le CGPT refusait de s’y associer en raison de l’absence de réponse donnée aux besoins des travailleurs des petites et micro entreprises.

 

 

La crise financière mondiale et le changement de gouvernement survenu en 2011 ont provoqué des incertitudes sur l’avenir du programme. Un nouvel accord tripartite accepté par l’UGT mais rejeté par le CGPT a été conclu qui réaffirme le besoin de renforcer la reconnaissance et la validation des acquis non formels et informels, mais qui annonce une restructuration du dispositif des centres. En même temps, les résultats du programme ont pu être analysés et évalués en profondeur.

 

 

C’est ainsi qu’au bout de 5 ans, les CNO avaient accueilli 1,6 millions de personnes et délivré 430 000 certifications aux grades 9 et 12. Cependant, les certifications ainsi obtenues concernent surtout les compétences académiques, celles du système scolaire. Ce résultat s’explique par une demande plus forte des participants pour la reconnaissance de leurs savoirs et de leurs compétences clef et la possibilité ainsi donnée de reprendre de nouvelles études voire d’accéder à l’université. Il résulte aussi de la lenteur du processus engagé pour définir les référentiels de qualification : engagé par l’ ANQ, ce travail n’a abouti que pour 30 métiers sur un total de 250 figurant dans le cadre national. Globalement, l’opération est considérée comme un succès du point de vue des effets positifs constatés notamment au niveau du développement individuel et familial et donc de l’inclusion sociale ; à noter que l’obtention de la certification est souvent célébrée à l’occasion d’une cérémonie collective !

 

 

En revanche, l’impact sur le marché du travail est resté limité. Les organisations syndicales et patronales sont d’avis que les aspects relatifs aux compétences professionnelles ont été négligés qu’il s’agisse des besoins des travailleurs pour les syndicats ou de ceux des entreprises pour les employeurs. C’est à cette voie professionnelle que le processus doit maintenant donner priorité, notamment en orientant les actions de formation et de validation de façon en direction des besoins des entreprises, en exerçant un meilleur suivi individuel auprès des candidats, en assurant la présence des professionnels dans les panels d’évaluation, en anticipant les besoins de qualification, en introduisant ces questions dans le cadre de la négociation collective. Le gouvernement actuel a maintenant*  décidé de remplacer les NCP par un réseau resserré de Centros para a Qualificaçao e Ensino Profissional (CQRP) plus ciblés sur la formation professionnelle.

 

 

 

Notes :

 

 

* Les éléments rapportés dans cet article proviennent d’un rapport rédigé par l’institut d’études de la Confédération européenne des syndicats et publié en 2014 Challenges, actors and practices of non-formal and informal learning and its validation in Europe; Renand Damesin, Jacky Fayolle, Nicolas Fleury, Mathieu Malaquin and Nicolas Rode ; ETUI 2014
* A l’inverse de la situation an Allemagne où l’intérêt limité accordé à la validation des acquis tient sans doute à l’importance et l’efficacité du système dual de formation professionnelle.
* 4, 6, 9 et 12 années d’études
* Le processus de reconnaissance et de validation reprenait une approche définie au début des années 2000 mais dont les développements étaient restés limités
* Le Centro de Formaçao Sindical e Aperfeiçoamento Profissional (CEFOSAP) dédié à l’amélioration des compétences des salariés et qui est maintenant ouvert également aux chômeurs, et le Centro de Formaçao Profissional dos Trabalhadores de Escritorio, Comercio, Serviços e Novas Tecnologias (CITEFORMA) créé en 1987 par accord entre les fédérations concernées adhérentes à l’UGT et le service public de la formation professionnelle. Le CITEFORMA assure la formation professionnelle des jeunes à l’entrée dans le marché du travail ainsi que la formation continue des travailleurs des secteurs concernés. Devenu un CNO en 2006, il utilise les procédures de reconnaissance et de validation définies au plan national. D’abord centré sur les professions concernées par l’accord, il accueille maintenant 50% de chômeurs
* Le document dont proviennent éléments qui fournissent la base de cet article a été publié en janvier 2014.

 

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Ingénieur École Centrale promotion 1968. DEA de statistiques en 1969 et de sociologie en 1978. Une première carrière dans le secteur privé jusqu’en 1981, études urbaines au sein de l’Atelier parisien d’urbanisme, modèles d’optimisation production/vente dans la pétrochimie, études marketing, recherche DGRST sur le tourisme social en 1980.

Une deuxième carrière au sein de l’éducation nationale jusqu’en 1994 avec diverses missions sur l’enseignement technique et la formation professionnelle ; participation active à la création des baccalauréats professionnels ; chargé de mission au sein de la mission interministérielle pour l’Europe centrale et orientale (MICECO).

Une troisième carrière au sein de la Fondation européenne pour la formation à Turin ; responsable de dossiers concernant l’adhésion des nouveaux pays membres de l’Union européenne puis de la coopération avec les pays des Balkans et ceux du pourtour méditerranéen.

Diverses missions depuis 2010 sur les politiques de formation professionnelle au Laos et dans les pays du Maghreb dans le contexte des programmes d’aide de l’Union européenne, de l’UNESCO et de l’Agence Française de Développement.

Un livre Voyages dans les Balkans en 2009.

Cyclotourisme en forêt d’Othe et en montagne ; clarinette classique et jazz ; organisateur de fêtes musicales.