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par Nadya Charvet

Avant, il y avait les petites annonces punaisées chez le boulanger «donne cours de langue, garde enfants, propose repassage», le concierge, toujours partant pour venir bricoler chez vous à ses heures creuses contre un peu d’argent de poche, le copinage, le voisinage, le « tu connais quelqu’un qui ? ».

Aujourd’hui, les petits boulots d’hier, les petits services entre voisins, les petits dépannages de proximité se retrouvent sur des plateformes en ligne comme jemepropose.com, Frizbiz, MonAbeille, Youpijob et beaucoup d’autres.

Numéro 1 du jobbing en France
jemepropose.com a débarqué en 2012. Il comptabilise 250 000 membres inscrits et 100 000 annonces en activité. Chez je mepropose.com, c’est toute la société qui défile pour chercher un revenu de complément (40% sont déjà en activité) ou un revenu tout court, des jeunes, des vieux (10% de retraités), des chômeurs toutes catégories.

La palette des offres de services ressemble à ces tiroirs où l’on fourre tout en se disant qu’on va faire le tri un jour. On y trouve du baby-sitting, des cours de tout, de l’aide à domicile, de la mécanique, des travaux divers, de la gestion, du gardiennage, des offres non répertoriées dans le guide des métiers : laveur de voiture à domicile, gardien d’animaux de compagnie, monteur de meubles Ikea. Et même des offres de professionnels comme cette société d’intérim qui recrute des agents de production pour Toyota, des locaux à louer, des associations en recherche de bénévoles, des échanges «travaux de peinture contre maison de vacances».

Mais ce ne sont pas le gros des annonces. Pour la plupart, les jobbers sont d’abord des particuliers, des dizaines de milliers de particuliers pour lesquels le salariat classique ne fonctionne pas, plus, pas assez, plus du tout.

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                                                                           Le patron de ce site le sait bien. Trois ans déjà qu’il observe cette lame de fond du jobbing. Il s’étonne d’ailleurs que l’ubérisation de la société soit le sujet du moment. «Elle a commencé il y a des années, et toutes les levées de bouclier politiques ou législatives ne pourront que retarder le phénomène, pas l’éradiquer», pronostique Fabrice Robert, co-fondateur du site du tout service et tout emploi dans tous les domaines, qui lui aussi fleurte avec la légalité sans trop faire de vagues pour l’instant.

Sans doute parce que le jobbing ne vise aucun secteur en particulier, et que les sites comme le sien ne prélèvent pas d’argent sur les transactions réalisées par leurs membres. Ils se rémunèrent en proposant des options payantes à ceux qui veulent mettre en avant leurs annonces.

Officiellement jemepropose.com rappelle à tous les jobbers la règle du jeu – il faut se constituer en auto-entrepreneur pour pouvoir facturer ou utiliser des chèques emplois service pour payer les prestations – tout en se gardant bien de contrôler ce que pratiquent les utilisateurs du site, «parce que nous savons que la législation n’est pas adaptée. Prenez l’exemple du chèque emploi service : certains utilisateurs se sont fait redresser par le fisc parce qu’ils ont payé en chèques emploi service des prestations qui n’étaient pas éligibles. Au lieu de sanctionner les fraudeurs, on sanctionne ceux qui essaient de ne pas frauder.»

«Uber n’a fait que rendre visible une tendance déjà présente, qui pourrait s’étendre à toutes les catégories de service», estime Fabrice Robert. Sur son site, rien que dans l’onglet formation, plus de 13500 annonces proposent du développement personnel, du coaching sportif, des cours de soutien scolaire, de remise à niveau, d’anglais, d’informatique, de chinois, de conduite, de cuisine, de musique, sans compter les offres de formations à distance, en alternance, professionnelles, qui sont venues se rajouter: piloter un drône, devenir styliste ongulaire, tout est possible sur jemepropose.com.

C’est simple, rapide, pas cher, et cela peut s’appliquer à n’importe quel service. «Les usages sont déjà là», confirme Fabrice Robert, en prenant l’exemple de Airbnb. Quelques propriétaires ont été redressés par le fisc pour avoir loué leurs appartements mais comment lutter lorsque rien qu’à Paris, la plateforme recense 100 000 appartements et 1,8 millions de visiteurs hébergés par an ?

 

Pour en savoir plus

Cet article de Nadya Charvet, membre du comité de rédaction de Metis, est paru dans AHEAD LINES, une publication en ligne consacrée à des témoignages et réflexions sur le travail sous toutes ses formes, surtout lorsqu’elles sont nouvelles. Cette publication a été créée par Nadya CHARVET, et Jean-Marie CORRIERE.

L’illustration est d’Octave Magescas, élève aux Beaux Arts de Cergy.

 

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