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Les Balkans ne sont pas qu’une destination de vacances. Ils sont depuis toujours dans l’histoire de l’Europe. Après les années de guerres qui ont suivi l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie à partir de 1991, on les avait comme un peu oubliés. Avec l’actualité des réfugiés, il est temps de relire le livre de Jean-Raymond Masson « Voyage dans les Balkans avant et après les guerres ». Un livre écrit alors qu’il suivait pour la Fondation de Turin et la Commission européenne les transformations laborieuses des systèmes éducatifs de ces différents pays.

 

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Les Balkans deviennent jour après jour, épreuve après épreuve, le « corridor » que doivent emprunter les migrants arrivés par la Turquie et la Grèce. Quatre des pays qui les composent font partie de l’Union européenne (Slovénie, Roumanie, Bulgarie et depuis peu Croatie). Mais l’Europe est restée inachevée du côté des Balkans, et c’est avec surprise que les « grandes » capitales ont découvert que l’Autriche (qui fut maitre dans ces contrées il y a longtemps) avait convoqué à Vienne plusieurs pays non membres mais directement concernés par l’arrivée de réfugiés (Macédoine, Kosovo, Bosnie Herzégovine). Il est bon d’avoir en tête le tableau que compose cette partie de l’Europe : des micro-États qui n’en sont qu’à grand peine où « la diversité et les oppositions, les mélanges entre les peuples et les cultures caractérisent ces lieux traversés par les grands conflits ». Pays de montagnes bousculés par la géographie, pays de guerres nombreuses chahutés par l’histoire. La « balkanisation » y est une empreinte héréditaire, la « macédoine » n’est pas qu’une métaphore. En Bosnie-Herzégovine, petit pays qui se veut décentralisé, on rencontre un nouveau gouvernement tous les 100 kilomètres et il n’y a pas moins de 14 ministères de l’Education…Les réformes de l’école soutenues par la Commission européenne visent à développer l’enseignement professionnel, à rapprocher les cursus des besoins des entreprises et des projets de développement économiques. Elles sont plébiscitées par les responsables impliqués mais peinent à se traduite concrètement.

 

 

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Ce sont les pays les plus compliqués d’Europe, « territoires de minorités nationales nichées ça et là au gré des invasions et des déplacements souvent forcés de populations ». L’histoire et la géographie ont fabriqué des pays de bandes et de clans, de chasseurs et de guerriers, de rancoeurs accumulées et de vendetta, toujours au bord de la colère. Le développement économique y est difficile, et le tourisme ne suffit à pas à réduire des taux de chômage impressionnants. Les jeunes sont de plus en plus éduqués et diplômés, mais n’ont pas de travail, certains émigrent pour raisons économiques bien que les grands pays européens considèrent que ce sont « des pays sûrs » (voir, au sujet de l’Allemagne, l’article de Nicola Düll).

 

 

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Ce n’est donc pas dans les Balkans que les migrants trouveront du travail. Aussi n’est-ce pour tout le monde qu’un « corridor » qui s’ouvre et se ferme au gré des autorités nationales et locales, provoquant l’incompréhension. Les « camps de transit » jalonnent les frontières, Tabonovce en Macédoine tout près de la Serbie, Guevgueliya tout près de la Grèce…Les Balkans font partie de l’Europe sans aucun doute mais elle reste inachevée bien que des discussions se poursuivent à bas bruit pour la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Quelle stratégie et quelle parole y a-t-il à Bruxelles sur ce sujet ? Et pourtant il serait bien de ne pas oublier que les Balkans c’est aussi la cohabitation, heureuse ou malheureuse selon les époques, des religions. « Sarajevo abrite une cathédrale catholique, une basilique orthodoxe et une synagogue », Jean-Raymond Masson rajoute que la ville a été reconstruite en partie grâce à l’Iran et à l’Arabie Saoudite. L’Albanie est, elle, à 70% musulmane.

 

 

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C’est la littérature qui parle le mieux des Balkans – Claudio Magris, « Danube » ou Ivo Andrics « Le Pont sur la Drina » – et qui fait sentir à quel point « les Balkans ne sont pas une parenthèse dans l’Europe, et s’il y a abcès, il n’est pas balkanique mais européen ». (François Maspero)

 

 

 

 

 

 

Pour aller plus loin :

– François Maspero,  » Balkans Transit « , 1999
– Jean-Raymond Masson,  » Voyage dans les Balkans avant et après les guerres « , Le Bord de l’eau, 2009

 

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.