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par David Cousquer

David Cousquer a créé en 2007 Trendeo, une société de veille économique, puis en 2009 l’Observatoire des emplois et des investissements. C’est une base de données accessible par abonnements qui recense en temps réel l’information sur les investissements et les emplois qui leur sont liés. A partir de ses données sur les startups, il met en évidence le lien entre dynamique des entreprises et écosystèmes locaux.

 

L’Observatoire de l’emploi et de l’investissement en France collecte depuis 2009 des données sur les investissements créateurs d’emplois (créations de sites, extensions), ainsi que des données sur les désinvestissements (fermetures de sites, réductions d’effectifs). Depuis deux ans, l’observatoire ajoute à cette collecte l’identification des startups ( définies comme sociétés de moins de six ans ayant un business model innovant) et des levées de fonds. En deux ans, ce sont plus de 1 400 startups qui ont été identifiées, et qui ont créé un total de près de 22 000 emplois. Plus d’un millier de levées de fonds ont été enregistrées, pour un montant total de plus de 2,5 milliards d’euros. Dans la période commentée ici, les startups ont représenté 8% des créations d’emplois enregistrées par l’observatoire Trendeo (1).

 

Tout autant que l’importance de ce mouvement naissant, il est intéressant d’analyser sa répartition géographique. La note suivante compare le nombre de startups identifiées et les emplois qu’elles ont créés dans les 20 plus grands bassins d’emplois (2). Les résultats montrent de fortes différences dans les performances locales.

 

1. Les données utilisées

Les vingt premières métropoles ont été sélectionnées selon le critère de la population employée par zone d’emploi, tel que publié par l’INSEE (3). Le nombre de startups repérées dans chacune de ces zones d’emplois, et le nombre d’emplois créés par ces startups, ont été ensuite extraits des données collectées par l’Observatoire Trendeo de l’emploi et de l’investissement. Ont été ensuite calculés deux indicateurs : le nombre de startups pour 10 000 emplois locaux, et le nombre d’emplois créés dans des startups, pour 10 000 emplois locaux. On obtient, pour les emplois dans des startups, un taux qui varie de 1 à 30 emplois créés dans des startups pour 10 000 emplois locaux. Pour le nombre de startups créées, le taux varie de 0,1 startup pour 10 000 emplois à 1,9 startups pour 10 000 emplois. Rapporter ainsi le nombre d’emplois créés dans des startups, ou le nombre de startups identifiées, aux emplois existants, permet d’apprécier différemment la performance locale.

 

Paris ressort en effet nettement en tête des classements, tant en nombre de startups qu’en nombre d’emplois créés dans ces entreprises. Mais, par rapport à la taille du bassin d’emploi parisien, cette performance est à relativiser, comme le montre le classement ci-dessous.

 

2. Le classement des métropoles

En nombre de startups identifiées, Paris, Toulouse et Lyon sont les trois premières zones françaises. Paris domine de façon écrasante, puisqu’il y a sept fois plus de startups identifiées à Paris qu’à Toulouse, deuxième ville du classement. En termes d’emplois, on retrouve la même domination, puisque parmi les trois premières villes françaises en termes d’emplois, Paris, Toulouse et Lyon toujours, Paris accueille près de huit fois plus d’emplois dans des startups que Toulouse ou Lyon. Cet écart est encore plus important que pour l’emploi en général : tous secteurs confondus et tous types d’entreprises confondus, Paris a vu la création, de 2009 à 2016, de près de 4 fois plus d’emplois qu’à Toulouse, et six fois plus qu’à Bordeaux ou Lyon. On pourrait donc voir dans les données ci-dessous une preuve supplémentaire de l’écrasante suprématie de la capitale, spécialement en matière de création de startups.

 

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Le dynamisme des métropoles en termes de création de startups doit cependant s’apprécier en fonction de la taille du bassin d’emplois local. De ce point de vue, Montpellier apparaît en tête, autant sur le critère du nombre de startups que du nombre d’emplois créés par des startups, devant Paris. Pour 10 000 emplois tous secteurs confondus, Montpellier a vu 30 emplois créés dans une startup, dans les deux dernières années, alors que Paris n’en a accueilli que 26. Pour 10 000 emplois, Montpellier a vu la création de près de 2 startups (1,9), alors que le taux pour la zone d’emploi parisienne est de 1,5, un taux 20% plus faible. Prendre en compte la performance des startups locales en la mettant en perspective avec la taille du bassin d’emplois permet de faire ressortir des exemples qui peuvent être source d’inspiration, ou de recherche. La performance en matière de création de startups relève en effet d’une multitude de facteurs, mais on peut relever que Montpellier figure parmi les villes françaises à la plus grande densité d’étudiants (4). L’incubateur de Montpellier est également le premier incubateur français selon le classement UBI Global 2015 (5).

 

Le cas de Lannion : Lannion figure très loin au classement des zones d’emploi françaises, au 192ème rang. Mais avec 2,1 startups créées pour 10 000 emplois, la zone obtient le taux record de création de startups. La proximité du centre de recherche Orange explique très probablement ce résultat atypique.

 

3. La question du financement

La capacité à lever des fonds est particulièrement importante pour une startup, et elle dépend en bonne part de l’existence d’un écosystème local permettant d’accéder à des investisseurs. Dans les 21 zones pour lesquelles nous avons enregistré plus de dix levées de fonds (avec un maximum de 595 levées à Paris), la levée moyenne est de 2,3 M€ à Paris, alors qu’elle est de 1,6 M€ à Montpellier. Cela peut refléter en partie le fait que les coûts parisiens sont supérieurs, mais révèle peut-être également une plus grande disponibilité de fonds en région parisienne.

 

Les startups font l’objet d’une attention importante de la part des pouvoirs publics nationaux, des collectivités territoriales et de nombreux intervenants privés – banques, grands groupes, fonds d’investissement, consultants… Les facteurs de succès d’une startup sont propres à l’équipe qui l’anime, à la qualité de son projet, au hasard qui lui fait lancer le bon produit au bon moment… Mais la localisation, la qualité des relations nouées dans un écosystème où interviennent centres de recherche publics, privés, universités, financiers et pouvoirs publics, est probablement aussi un facteur de réussite. Nous pensons que les données que nous collectons, depuis 2009, contribuent, parmi d’autres, à une meilleure compréhension de la dynamique des startups en France.

 

Pour en savoir plus :

(1) Les startups bénéficient probablement d’une surexposition médiatique qui les rend plus facilement repérables par les analystes de l’observatoire Trendeo. En sens inverse, de nombreuses startups de toute petite taille ne sont jamais mentionnées par la presse et ne sont pas repérées. Tout autant que le niveau absolu de l’emploi dans les startups, c’est son évolution dans le temps et sa répartition dans l’espace qui compte.
(2) Roissy et Orly ont été retirés de la liste, car ces zones d’emplois sont rattachées à une métropole qui leur est extérieure. Rouen et Toulon ont été inclus à la place.
(3) Estimations d’emplois localisées au 31/12/2013 disponibles le 29/2/2016, 2013-ZE. 
(4) Deuxième derrière Poitiers, selon l’INSEE 
(5) Top business incubator banking 2015

 

 

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