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A la suite de ses travaux sur l’emploi en Europe, Nicola Düll – Economix Research & Consulting à Munich – nous propose de comparer l’ampleur du chômage longue durée selon les pays européens, mais aussi de prendre conscience de l’importance de la sous-activité « de longue durée ».

 

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La bonne nouvelle est que le taux de chômage de longue durée (personnes au chômage depuis 12 mois ou plus) a baissé dans l’Union européenne depuis le début 2014 pour passer de 5,3 % au premier trimestre 2014 à 4,2 %, soit 10,3 million de personnes, au premier trimestre de 2016. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il a augmenté dans certains pays et reste à un niveau très élevé, malgré la récente amélioration, dans d’autres (parmi lesquels la Grèce, l’Espagne et la Croatie). Dans l’ensemble l’image du chômage de longue durée en Europe correspond à une mosaïque de réalités fort divergentes : au premier trimestre 2016, la part des chômeurs de longue durée parmi les actifs s’élevait à 1,4 % au Royaume-Uni et en Suède, à 4,7 % en France, à 10 % en Espagne et 17,5 % en Grèce.

Le chômage de longue durée est devenu un phénomène de masse et un élément structurant du chômage dans un grand nombre de pays. L’incidence du chômage de longue durée est d’autant plus élevée que les pays ont un taux de chômage élevé.

Dans la majorité des pays, le taux de chômage de longue durée a fortement augmenté en conséquence de la crise économique :

 

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La plupart des chômeurs de longue durée sont au chômage depuis plus de deux ans, ce qui diminue d’autant plus leur chance de retrouver un emploi. C’est le cas de plus de deux tiers des chômeurs de longue durée en Espagne par exemple et plus de la moitié des chômeurs de longue durée en France et en Allemagne.

Qui court le risque de devenir un chômeur de longue durée ?
Le risque de chômage de longue durée est plus grand dans les professions et secteurs en déclin. En règle générale un faible niveau d’éducation en accroît considérablement le risque. Dans certains pays il est, en effet, deux ou trois fois plus grand pour ceux qui ont un niveau d’éducation bas comparé à ceux qui ont un niveau d’éducation supérieur. Et le risque de chômage de longue durée parmi ceux qui ont un niveau d’éducation bas est nettement supérieur comparé aux personnes avec un niveau d’éducation moyen. Néanmoins, dans de nombreux pays, le nombre de chômeurs de longue durée avec un niveau de formation moyen est aussi, voire même plus important, que celui des personnes avec un faible niveau d’éducation et de formation :

 

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Niveau d’éducation selon la classification ISCED – Source : Eurostat, enquête européenne sur les forces de travail, micro données, Economix. Eurostat nous a mis à disposition ces données dans le cadre du projet 143/2015-AES-LFS-EU-SILC

 

Dans la moyenne des pays européens, les hommes ont un plus grand risque d’être au chômage de longue durée que les femmes, ce qui est lié à la structure des professions et secteurs les plus touchés par la crise. Aussi l’emploi féminin a augmenté, notamment dans les pays les plus touchés par la crise, car des femmes auparavant inactives sont entrées sur le marché du travail pour assurer le niveau de vie de leur famille quand les hommes se sont retrouvés au chômage.

En règle générale, les personnes âgées rencontrent un risque moins grand que les jeunes de tomber dans le chômage, mais, une fois dans cette situation, elles ont d’autant plus de difficultés d’en sortir. Les voies de la préretraite ou des pensions d’invalidité sont moins faciles à engager que dans le passé, mais restent pourtant des passerelles clés pour la sortie du marché du travail dans un grand nombre de pays. Au Danemark, par exemple, alors que seulement 1 % de la population en âge de travailler (15 à 64 ans) est au chômage de longue durée, 3 % sont en préretraite et 7 % sont inactifs en touchant une pension d’invalidité ou de maladie de longue durée. En comparaison en France, la part de ceux qui touchent une pension pour invalidité ou maladie est aussi importante que la part des chômeurs de longue durée (3 % chacune), tandis que la part des personnes en préretraite est plus importante, soit 6 %. Alors qu’en Espagne ou au Portugal c’est la part des personnes au chômage de longue durée qui est la plus importante, la part des personnes touchant une pension pour des raisons de santé s’élève toutefois à 5 % et la part des inactifs touchant une préretraite est plus faible qu’en France. Les problèmes de santé représentent un risque majeur pour être exclu du marché du travail.

 

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Source : EU-SILC micro données, Economix

 

Le halo du chômage de longue durée
Pour les comparaisons internationales, les données sur le chômage de longue durée sont issues de l’enquête européenne sur les forces de travail (Labour Force Survey). Celle-ci utilise une définition du chômage stricte. Ne sont pas comptées comme chômeurs des personnes travaillant peu d’heures (une heure ou plus par semaine), mais recherchant un emploi, des personnes non disponibles dans les deux prochaines semaines et des personnes qui n’ont pas recherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines. C’est pour cela qu’une analyse plus fine de l’inactivité permet d’identifier des personnes dites « inactives » qui seraient prêtes pourtant à prendre un emploi.

 

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Source : Enquête européenne sur les forces de travail, micro données, Economix

 

Les travailleurs découragés sont ceux qui chercheraient un emploi s’ils pensaient avoir une chance sur le marché du travail. Cette catégorie est importante surtout en Italie, en Bulgarie et au Portugal. Les inactifs de longue durée souhaitant travailler, mais n’ayant pas recherché activement un emploi les quatre dernières semaines précédant l’enquête sont eux aussi une catégorie importante en Italie, tout comme dans des pays avec un taux faible de chômage de longue durée, comme l’Autriche ou le Royaume-Uni, par exemple. Leur part est relativement moins grande en Espagne et en Grèce où le chômage de longue durée est plus visible.

Le chômage de courte durée peut, par contre, masquer un problème de fond: la succession de phases de chômage et de travail temporaire, ou bien la participation à des mesures actives du marché du travail indique un problème structurel de difficulté à l’insertion à long terme, même si la rupture des périodes de chômage est en soi positive.

L’effet de la crise économique sur le développement de la part des personnes qui ne sont pas en emploi – parce qu’ils sont au chômage, inactifs mais souhaitant travailler et inactifs ne souhaitant pas travailler – est très divergente en Europe. Alors que le taux du non-emploi (ou inversement le taux d’emploi) a connu des variations importantes dans des pays comme la Grèce, l’Espagne et l’Irlande à la suite de la montée du chômage et notamment du chômage de longue durée, il a été relativement stable en France au cours de la décennie, et a baissé en Allemagne. En même temps, surtout en Espagne, la part des inactifs ne souhaitant pas travailler a baissé après la crise économique, alors qu’en Allemagne leur part a surtout diminué avant la crise économique dans le contexte de la croissance de l’emploi féminin. En Italie la part des inactifs souhaitant travailler a toujours été importante et a encore augmenté depuis la crise économique.

 

BB

Source : Enquête européenne sur les forces de travail, micro données, Economix

 

Le sous-emploi vient s’ajouter à cette toile de fond: les travailleurs à mi-temps qui souhaitent travailler plus d’heures. Ainsi en Espagne, Hongrie, Chypre, Bulgarie, Lettonie, Espagne, Slovaquie, Croatie et Portugal entre 50 et 75 % des personnes travaillant moins de 15 heures par semaine aimeraient travailler au moins dix heures de plus en 2013 (en France leur part s’élevait à 43 %). Il est pourtant difficile de dire quelle part d’entre eux relève d’une problématique de manque d’emploi de longue durée. Néanmoins, il est important de souligner qu’en Grèce, Hongrie, Bulgarie, Chypre, Lettonie, Espagne, Slovaquie, Croatie et Portugal plus de la moitié des personnes exerçant des petits boulots en travaillant moins de 15 heures par semaine, souhaitent travailler au moins 10 heures de plus (en 2013). En France cette part était de 42 %, alors qu’en Allemagne, Pays-Bas et Danemark cette part était de 20 % ou moins. Pourtant surtout en Allemagne et au Pays-Bas les petits boulots sont très répandus.

Pour en savoir plus :
– Düll, N., Thurau, L., Vetter, T. (2016), Long-term unemployment in the EU. Trends and Policies. Bertelsmann Stiftung (Ed), Gütersloh
– Fernandez, R. et al. (2016), « Faces of Joblessness: Characterising Employment Barriers to Inform Policy« , OECD Social, Employment and Migration Working Paper, No. 192, OECD Publishing, Paris. 
– Mutual Learning Programme, Peer Review on « Approaches to integrate long-term unemployed persons« , Berlin, Germany, 13-14 October 2016, European Commission,

 

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Économiste du travail, Associée Economix Research & Consulting, Munich