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Les conclusions de Mire

publié le 2007-02-01

Entretien avec Frédéric Bruggeman, consultant au sein de Syndex, cabinet spécialisé dans l’expertise pour les comités d’entreprise, et coordonnateur du projet Mire

Les cinq pays étudiés ont-ils une expérience commune des restructurations ?

« Il est frappant d’observer la synchronisation des phénomènes économiques. Les évolutions sectorielles se moquent des frontières et affectent les mêmes secteurs simultanément. Et ces phénomènes de restructuration ont tendance à devenir permanents. La seule inconnue est de savoir à quand ils vont apparaître. Ce qui implique de répondre par des dispositifs continuels et durables. Autre observation, partout, ce sont bien les entreprises qui décident des restructurations plus que des branches ou les pouvoirs publics. Enfin, sur la manière dont les acteurs gèrent ces restructurations, notons que tous les pays mettent en place une obligation de dialogue social et tous ont recours à un même socle d’actions. L’accompagnement individualisé, le reclassement, la formation des salariés… Il existe bien une boîte d’outils de commune aux pays du moins à un niveau élémentaire. »

Qu’est-ce qui différencie ces expériences ?

« Les modes opératoires, les réglementations, la forme concrète des échanges, les jeux d’acteurs sont spécifiques aux pays et à leur culture. L’Allemagne, la Belgique et la France ont beaucoup de ressemblance dans leur gestion des restructurations qu’il faut distinguer des approches scandinaves ou anglo-saxonnes. Mais il est important de signaler que les modèles nationaux ont des cohérences faibles. Autrement dit, toutes les entreprises suédoises, par exemple, ne vont pas forcément toutes se conformer à la pratique d’un grand groupe comme Ericsson. Les 31 expériences analysées dans le cadre de Mire montrent au contraire une hybridation culturelle très enrichissante. Si nous regardons les opérations de reclassement innovantes en France, nous trouverons plusieurs points communs avec la pratique pionnière des cellules de reconversion wallonnes. Autre exemple, dans un des exemples étudiés, la gestion de la restructuration s’est déroulée dans un climat de crise avec manifestations et actions médiatiques. Si nous n’avions pas été informés que cette compagnie d’assurance était localisée en Ecosse, nous l’aurions volontiers identifiée comme un scénario typiquement français. »

Quelles expériences innovantes peuvent être transposées ?

« Un des enseignements que l’on peut tirer de Mire, c’est d ‘abandonner cette idée récurrente de modèle miracle qu’il faudrait nécessaire importer. La méthode se heurtera toujours aux logiques d’acteurs, aux réglementations. En revanche, les pratiques les plus intéressantes peuvent être traduites ou accommodées localement. Mire a également pointé la nécessité de produire une « norme » opérationnelle pour les acteurs européens. Les grands groupes européens le plus socialement responsables apparaissent très souvent démunis lorsqu’ils agissent en dehors de leur pays d’origine. L’expérience de Renault à Vilvoorde est emblématique mais pas isolé. Je crois que la pertinence de la réponse apportée par les entreprises dépend de la qualité du dialogue social et d’une certaine habitude de concertation entre la direction centrale et les organisations syndicales. Elle existe au niveau national mais peine à s’organiser au niveau international et les comités d’entreprise européens ont un rôle important à jouer dans ce domaine ».

<!–[if !supportLists]–>Quelles autres recommandations vont être proposées ?

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« Même si les restructurations tendent à se pérenniser, elles restent toujours un événement social pénible dont personne ne sort indemne, salariés comme dirigeants. Il est donc important de reconnaître le danger pour les acteurs, leur statut social et leur futur. Leurs intérêts sont en jeu et cette dimension ne doit pas être négligée. La gestion des restructurations nécessitent d’abord de reconnaître leur spécificité et d’y consacrer du temps et de ressources pour éviter le scénario de crise bien connu. Second point, la plupart des cas que nous avons analysés sont fondés sur la négociation. Or négocier suppose que les acteurs soient constitués, qu’ils puissent se retrouver dans des instances, des espaces dédiés à ces interactions et que la réglementation les y incite. Troisième point, il est vital pour les entreprises, les pouvoirs publics et les représentants des salariés de se placer dans une position de vigie. L’anticipation doit devenir un sujet de dialogue social continu entre tous les acteurs. La résolution des problèmes posés par les restructurations nécessite un dialogue social multi-acteurs qui ne soit pas réduit au seul niveau de l’entreprise ».

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Propos recueillis par Frédéric Rey

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