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Qui sait que la consultation démocratique est obligatoire à l’échelle européenne ? Réferendum, votation, plébiscite. Quelque soit le terme, les consultations « populaires » sont dans l’air du temps.

 

C’est ainsi qu’en l’espace de ces trois derniers jours, fut raillé le résultat du réferendum sur le Traité de Lisbonne en Irlande, tandis que la votation improvisée sur le statut de la Poste en France était encensé. A croire que l’on se mobilise toujours aussi facilement contre l’hydre européenne en France depuis l’échec du Traité Constitutionnel.

 

Pourtant, c’est un fait, les consultations sont obligatoires en amont des propositions législatives et au cours du processus de réglementation en Europe. Il suffit d’aller sur le site Your Voice, en français « Votre opinion sur l’Europe ». Les sujets sont aussi variés que les projets de règlement et directives en préparation.

 

Ainsi, jusqu’au 31 décembre prochain, il est possible de donner son avis sur la politique de la pêche de l’UE. Les particuliers peuvent discuter du projet Europeana, la bibliothèque numérique européenne. Les entreprises peuvent également intervenir sur le thème des réductions des charges administratives.

 

Cette méthode de consultation formelle a été mise au point dans le livre vert sur la bonne gouvernance à la fin des années 90, promue par l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam en 1999, puis facilitée par l’utilisation massive d’internet. Elle tranche des consultations informelles des groupes d’intérêts et lobbying, car toute participation est recensée.

 

Alors pourquoi tant de discrétion sur ces 10 ans de démocratie participative ? Ces consultations sont-elles efficaces pour mobiliser la société civile européenne ?

 

 

Evelyne Pichenot du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) a décrypté le site your voice pour savoir qui répond et comment les commentaires sont pris en compte dans la future législation. La Commission soumet une centaine de sujets à la consultation par an, dont 10 déclarés d’intérêt majeur (REACH, droit du travail). Ce fut le cas de la directive service, mais les participants ne se sont pas bousculés au cyber-portillon. Chaque Direction Générale gère ses listes de consultations et leurs réponses. Entre 2001 et 2008, ce sont pas moins de 68 livres verts et 15 livres blancs qui sont passés au crible de particuliers, associations, institutions, entreprises.

 

 

Pourquoi consulter ? Autant pour alimenter un brainstorming à l’échelle européenne, que pour tester l’effet de certaines propositions, officialiser les positions des uns et des autres pour croiser les regards, et légitimer les positions de la Commission ou non. Enfin, ces réponses, sont souvent une source d’inspiration pour le Parlement Européen.

 

Evelyne Pichenot dresse ainsi le bilan de cette ouverture et de ces tentatives de responsabilisation accrue des sociétés civiles. En moyenne, 50% des réponses proviennent de la société civile, d’association et d’entrepreneurs. Les 27 pays se distinguent les uns des autres. « La France répond beaucoup. Elle cumule 10% de toutes les réponses, mais ce sont surtout les institutions qui répondent, sans toujours consulter la société civile, quant aux syndicats, ils y répondent peu », déplore-t-elle. Pour y remédier, la CESE souhaiterait populariser les consultations et impliquer davantage les conseils régionaux et généraux. En Italie, ce sont les Universités qui fournissent la majeure partie des réponses. Les nouveaux entrants sont plutôt aux abonnés absents, sauf si leurs intérêts sont défendus dans les cercles étroits de Bruxelles.

 

 

Ces consultations ont des limites. Les délais ne sont pas toujours respectés car ils sont très courts. Le délai minimal est de 8 semaines. Les sujets sollicitent un public plus ou moins restreint, sans définition claire : tout public, toutes personnes concernées, parties intéressées.

 

« Les documents de travail sont souvent en anglais, or certains sujets essentiels devraient être abordés dans toutes les langues, ou au moins dans les « langues pivots » (anglais, allemand, français) » souligne la présidente de la Délégation pour l’Union européenne.

 

Impact incertain

L’impact de ces consultations, une fois que les divers acteurs ont répondu n’est pas encore très claire. Si les réponses sont bien lues et commentées, les synthèses finales ne sont pas toujours faites. « Il y a bien sûr des consultations exemplaires, comme REACH, qui a collecté 2000 réponses, ou bien le Small Business Act (500 réponses). Les participations sur la bibliothèque numérique, ont aussi très bien été prises en compte. C’est un sujet très ciblé, qui a permis de rapprocher les Etats-membres. Mais parfois certains enjeux mobilisent seulement une dizaine d’organisme/institutions. Dans d’autres cas, la synthèse va aller dans le sens de la commission, la consultation est seulement l’occasion de façonner un bel emballage ».

 

« La commission ne cherche pas à savoir si les échantillons de réponses sont représentatifs. Si la Confédération Européenne des Syndicats répond au nom de tous les partenaires sociaux, sa réponse équivaut à une réponse unique. Même, certaines consultations sont des alibis, elles restent sans suite, ni suivi, ni programmation sociale ».

 

La nouvelle commission va lancer un nouveau programme pour les cinq années à venir. Le CESE de France se promet d’être attentif, comme l’annonce sa communication du 21 septembre 2009. « Plutôt que de croire au mirage d’un débat public direct entre la commission et les 500 millions d’Européens, le CESE de France plaide pour qu’une responsabilité plus grande soit conférée aux autorités publiques nationales et locales, aux instances de consultations nationales, aux organisations socioprofessionnelles et aux associations dans l’animation de la démocratie participative, aux différents échelons, afin de construire des solutions durables, et préparer des décisions qui pourront ainsi être mieux comprises et appliquées ».

 

 

Pour contribuer à la législation européenne : le site Your Voice

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