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Carole Tuchszirer, chercheuse au Centre d’Etude et de l’Emploi, analyse les atouts du nouveau service public de l’emploi.

 

Fusionner l’ANPE, opérateur de placement avec les ASSEDIC , chargés de l’indemnisation du chômage, était-ce un bon choix ?

 

 

La fusion était légitime, elle réduit d’un degré la complexité structurelle du service public de l’emploi. Elle met fin a une spécificité française. Au départ, l’ANPE (l’agence nationale pour l’emploi) facilitait les recherches d’emploi et gérait pour le compte de l’Etat les mesures et dispositifs d’aide au retour à l’emploi des chômeurs. L’Unedic de son côté indemnisait les chômeurs de plein droit. Puis au fil du temps et plus particulièrement depuis le début des années 2000, l’Unedic s’est de plus en plus impliquée dans les politiques d’emploi, notamment avec l’adoption du Plan d’Aide au Retour à L’emploi.

 

Depuis 2005, l’Unedic avait mis au point ses propres moyens et réseaux d’accompagnement des chômeurs qu’elle indemnise via les opérateurs privés. L’ANPE gérait pour le compte de l’Unedic ses dispositifs d’accompagnement exclusivement dédiés aux allocataires du régime d’assurance-chômage. Cela créait une distorsion dans le traitement des chômeurs selon leur statut indemnitaire. La fusion est l’occasion de remettre les demandeurs d’emploi sur un pied d’égalité. Elle permet de centraliser l’accompagnement, et de mutualiser l’utilisation d’outils pour tous les chômeurs, pour qu’ils ne soient plus traités en fonction de leur statut, mais dans un vrai parcours d’insertion.

 

Les personnels du nouvel organisme se plaignent pourtant du manque de moyens et des nouvelles conditions de travail.

Nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour juger de l’efficacité de la fusion. Nous sommes en plein retournement conjoncturel. Ce n’est pas comme en Allemagne, où les réformes Hartz ont été bien antérieures à la crise (2003-2005). Cependant cette restructuration rénove l’agencement et l’offre de service. Les nouvelles charges de Pôle Emploi sont de donner une meilleure réponse aux entreprises (aider à définir une offre, à trouver une personne compétente), et à sécuriser les parcours et le suivi. Des nouvelles tâches, en amont et en aval.

 

Mais cette logique est malmenée par la crise. Les agents sont dépassés, leur portefeuille de demandeurs d’emploi a explosé. On peut comprendre qu’ils soient désabusés. L’essentiel des préoccupations à présent, c’est d’indemniser les gens et de créer des maisons mixtes Unédic-ANPE. C’est problématique, car cela peut marquer les pratiques professionnelles des agents de Pôle Emploi, qui appliquent pour le moment plutôt des mesures d’indemnisation que de placement.

 

Les agents se sentent pris dans en étau. La loi de juillet 2008 sur les droits et les devoirs du demandeur d’emploi, connu sous le nom d’offre raisonnable d’emploi fait planer la menace d’une sanction sur le chômeur. S’il refuse deux offres raisonnables, il est radié pendant deux mois. Il doit revoir ses exigences à la baisse (périmètre géographique, base de salaire). Un agent qui est dans une relation de confiance avec un demandeur d’emploi est censé exercer un certain contrôle social. Même si elle est en général peu appliquée, notamment car les offres d’emploi sont peu nombreuses aujourd’hui ; cette loi parallèle est venue contrebalancer l’idée que la fusion améliorait la qualité du placement.

 

Le service public de l’emploi a-t-il quelque chose à gagner à l’ouverture aux opérateurs privés ?

L’alliance de Pôle Emploi avec les opérateurs de placement privés pourrait être bénéfique. Le rapport Seibel montre que les services privés et publics sont complémentaires. Dans les secteurs où les deux acteurs étaient présents, les sorties vers l’emploi étaient les plus élevées. Il faut mettre en musique les dispositifs, mutualiser les financements à condition que Pôle emploi garde la main sur le cahier des charges des opérateurs privés de placement et sur l’orientation des chômeurs vers eux.

 

Pôle Emploi est-il aussi censé s’occuper du nouveau revenu de solidarité active (RSA)?

Le RSA sera peut-être un bon exemple de collaboration des acteurs mais rien n’est pour autant joué d’avance et tout reste à construire. En principe Pôle Emploi a vu s’inscrire les anciens RMIstes, qui auparavant n’étaient pas inscrits à l’ANPE. Mais pour le moment, les répercussions ne sont pas énormes. Les personnes qui perçoivent le RSA dépendent du département. Or celui-ci est autonome pour définir l’accompagnement des allocataires du RSA. Soit il fait appel à ses propres réseaux de placement, soit il a recours à Pôle Emploi. D’après les premières informations dont on dispose, les départements ont majoritairement fait le choix de Pôle Emploi même si certains ont préféré recourir au secteur privé de placement.

 

 

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