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Le management de France Télécom-Orange a-t-il tiré des leçons du rapport Technologia ? Alors que les restructurations et mobilités sont de nouveaux autorisées, le défaut de concertation est encore patent. Retour sur une crise sociale sans précédent avec Pierre Gojat de l’Observatoire du Stress et des mobilités forcées.

 

FT2 Gojat

Le premier rapport Technologia accusait mi-décembre « la grande défaillance du management ». Face à l’absence « d’une colonne vertébrale solide de management, les personnels de France Télécom semblent plus que jamais orphelin de sens, de leaders ».

 

1800 salariés de la division Orange Business Service vont déménager de leurs bureaux du 13ème arrondissement pour la plaine Saint-Denis. Le nouveau n°2 Stéphane Richard annonçait mi-décembre, que les personnes de plus de 57 ans pouvaient volontiers partir en retraite aménagée. Louis-Pierre Wenes, ancien directeur des activités en France très décrié qui avait été contraint au départ le 5 octobre 2009, est revenu aussitôt après par la petite porte comme conseiller spécial du n°1 Didier Lombard. Enfin, il manque au moins 10 médecins du travail, seulement 60 médecins du travail couvrent les 102 000 salariés largement disséminés sur la totalité du territoire français et le service de santé au travail du groupe n’est toujours pas agréé par le gouvernement (actionnaire majoritaire à hauteur de 26% !).

 

« Parler de risques psycho-sociaux chez France Telecom, c’est risquer d’ éluder les problèmes d’organisation du travail, en focalisant sur l’individuel. C’est pourquoi, au moment de sa création, l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées chez France Télécom n’a pas communiqué sur les suicides, mais bien sur la brutalité du management. Toutefois, la souffrance des salariés (états anxieux, dépressifs, troubles musculo-squelettiques, tentatives d’homicides et quasi-tentative, grève de la faim), et la multiplication des suicides, dont le nombre oscille aujourd’hui entre 32 et 35 a alerté l’opinion publique » explique Pierre Gojat, directeur marketing sécurité chez France Télécom-Orange, et secrétaire général de cet observatoire.

 

« Les managers ont usé de méthodes, qu’on peut qualifier de maltraitance, souligne M. Gojat, qui est également représentant syndical de la CFE-CGC/UNSA. Ces méthodes ont détruit les collectifs de travail en forçant les mobilités, en instaurant une part variable pour les rémunérations, en brouillant les organigrammes. Les DRH ont été les premières victimes des destructions d’emploi, les unités ont été scindées ou fusionnées, les collaborateurs dispersés au nom de la « pro-activité ».»

 

Le rapport Technologia constate que ce sont avant tout « dans les boutiques, les centres d’appels et dans les unités d’intervention chez les clients que les conditions de travail sont ressenties comme les plus difficiles, métiers où croît la sous-traitance et la précarité, menacés de délocalisation ».

 

Difficile de s’y retrouver

Au sein de la centaine de filiales française du groupe, « tout le monde sait qu’il travaille pour le groupe France Télécom, mais travailler chez FT SA ou Orange France, ça n’est pas la même chose. Entre les filiales vendues et les marques abandonnées (Wanadoo, Itineris, Ola, pages jaunes, etc), c’est difficile de s’y retrouver, expliquait Régis Garreau, délégué syndical dans une intervention du 13 novembre 2009 à Tours. Les salariés de certaines filiales ont été laissés dans une bulle statutaire créatrice d’inégalités et de tensions. Les harmonisations des statuts des salariés de Transpac ont pris plus de 10 ans, celle d’Equant n’est pas réalisée 10 ans après le début du rachat ! ».

 

Parallèlement à ses ajustements, les programmes Next puis Act ont détruit 6000 à 7000 emplois par an. En 4 ans, 30 000 personnes ont quitté le groupe. « Or, personne n’était licenciable : 2/3 des salariés étaient fonctionnaires, ce n’était pas possible de faire partir leurs collègues de droit privé, à moins d’être accusé de discrimination et de déclencher des conflits en interne ». Les salariés ont donc été incités au départ, « vers la fonction publique, où les besoins en techniciens sont proches de zéro, fustige Pierre Gojat. Certains ont bénéficié d’une aide à l’essaimage (au mieux, queqlues dizaines par année) ».

 

Si salariés et syndicats comprennent la nécessité des réorganisations, ils regrettent de ne pas y être « plus étroitement associés », d’autant qu’elles sont « instrumentalisées » pour supprimer des postes. Des décisions d’autant plus mal vécues par les salariés que le groupe est largement bénéficiaire et que l’Etat est actionnaire majoritaire.

 

L’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées chez France Télécom est une association conforme à la loi du 1er juillet 1901 créée à l’initiative des salariés du Groupe France Télécom et d’autres entreprises comme la Caisse d’Épargne, SFR, La Banque de France, etc.

L’Observatoire reçoit le soutien du Conseil Régional de l’Île-de-France pour ses projets de formation et d’information citoyenne pour la prévention des risques psychosociaux générés par les organisations du travail pathogènes. Il reçoit les avis et conseils d’un Conseil Scientifique indépendant et pluridisciplinaire.

Contact : contact@observatoiredustressft.org

 

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