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par François Gault, Varsovie

Les Polonaises ont trouvé leur place dans l’économie et sur le marché du travail, occupant des postes voire des métiers traditionnellement masculins, mais les préjugés persistent.

 

pologne

Les Polonaises détiennent un record européen : elles occupent 30% des sièges dans les conseils d’administration des grandes sociétés. Par ailleurs, 34% sont aujourd’hui chefs d’entreprises, elles dirigent 39% des PME. Depuis 1990, le nombre de sociétés qu’elles ont créé a triplé (800 000). Celui des hommes a simplement doublé

 

Cette évolution s’appuie sur une formation universitaire beaucoup plus élevée que dans d’autres pays de l’Union européenne. Dans les grandes villes, 25% des femmes sont titulaires d’un diplôme universitaire supérieur à celui des hommes. Un atout que renforcent une expérience professionnelle élevée et un esprit d’initiative plus développé que chez les hommes. Dans les régions rurales, les sociétés créées par des femmes se rattachent surtout à l’artisanat, à l’alimentation et au secteur touristique. En revanche, dans les villes, ces sociétés concernent des métiers aussi divers que la banque, la publicité et le marketing, ou encore les transports et la construction immobilière.

 

« Notre société évolue, c’est sûr. Mais elle a encore des blocages solides ! D’ailleurs, dans certains domaines, nous sommes encore au 19ème siècle, et parfois même on régresse ! constate Magdalena Sroda, ancienne ministre de la Parité homme-femme en 2004-2005. Par exemple, dans notre pays, les femmes n’ont encore accès ni à la contraception (sauf prescription médicale spécifique et usage thérapeutique pour l’acné notamment), ni à l’avortement. Et les jeunes ne reçoivent aucune éducation sexuelle à l’école ».

 

Professeur à l’Université de Varsovie, docteur en philosophie et en éthique, Magdalena Sroda a également contribué à la création du Parti des Femmes à l’organisation du Congrès des Femmes en 2009. Avec conviction, elle se bat pour que les femmes trouvent toute leur place au sein de la société polonaise. « En Pologne, il n’y a aucun débat sur les problèmes de l’avortement ! souligne-t-elle. En France, on fait 160 000 avortements par an. En Pologne, officiellement : 160, mais réellement et clandestinement, il y en a environ 200 000 ».

 

 

Une place plus grande en politique

 

Aujourd’hui, les femmes accèdent certes davantage à des postes importants en politique et en économie. A la tête des syndicats, et notamment dans les Hôpitaux et dans les Grandes surfaces, les Polonaises prennent de plus en plus de responsabilités. Mais ce mouvement n’en est sans doute qu’à ses débuts. Le plus dur reste à faire : ranger les mythes et les stéréotypes au placard et changer les mentalités.

 

Ainsi, les Polonaises se battent pour se ménager une place dans l’arène politique. Mi-février, elles ont déposé une proposition de loi au Parlement, pour instaurer la parité sur les listes électorales. Leur projet a obtenu 154.000 signatures et le soutien de 60% de l’opinion polonaise.

 

En quelques années, l’écart entre les salaires féminins et masculins s’est considérablement réduit (14%). Sur le même poste et à qualifications égales, l’écart des salaires hommes-femmes est moins élevé qu’ailleurs en Europe (17%) et qu’en France (20%.).

 

La route est ouverte

Question chômage, les Polonaises constituent 60% de tous les demandeurs d’emploi du pays. Pour s’en sortir, elles s’installent en indépendant et s’orientent vers les métiers qui, jusqu’à présent, étaient à dominante masculine : chauffeurs de camions, menuisiers, peintres en bâtiment, carreleurs. Depuis deux ans, Alicja et Irèna ont créé une PME en bâtiment, qui ne recrutent que des femmes à Wroclaw. Les carnets de commande sont pleins. Murs, planchers, peintures : Redam – leur société – fait des travaux de finitions d’appartements ou d’aménagement. « Pour être embauché chez nous ? C’est simple ! répond Alicja. On ne boit pas d’alcool sur le lieu de travail, on ne traîne pas, et on tient les délais de livraison ! Dans ces domaines, les femmes sont tout simplement meilleures que les hommes ! ».

 

La condition féminine évolue en Pologne et personne ne songe à nier son expansion. Beaucoup pensent que, tôt ou tard, cette transformation pourrait briser les discriminations et les sujets encore tabou. Le processus sera peut-être long. Mais depuis deux ou trois ans – fruit de l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne – l’horizon s’est éclairci.

 

 

La contraception, sujet toujours tabou en Pologne

Les Polonaises ont leur parti politique

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