par Lutz Michael Büchner
En Allemagne, la cogestion des salariés (Mitbestimmung) est une condition essentielle de l’ordre économique et social, et le dialogue social perçu comme un facteur-clé d’une coopération confiante entre les employeurs et les employés. Tous les quatre ans, les salariés renouvellent leur comité d’entreprise (Betriebsrat- BR). Retour sur une institution-clé du système de codétermination et sur les premiers résultats des élections 2010 qui ont eu lieu entre le 1er mars et le 31 mai.
L’élection
Un Betriebsrat (BR) doit être constitué dans tous les établissements occupant au moins cinq salariés permanents, dont trois éligibles. L’employeur n’est pas obligé d’établir un BR, mais ce sont les salariés, souvent soutenus par les syndicats, qui alors prennent l’initiative de créer un BR. Le nombre de membres est proportionnel au nombre de salariés. Dans les établissements comptant de 5 à 20 salariés ayant qualité d’électeurs, le BR se compose d’une seule personne. Dans les établissement occupant entre 21 et 50 salariés, le BR compte trois membres dont un représentant la minorité. Pour 2001 à 3000 salariés, il est de 19. Les membres du BR, comme les membres du bureau de vote et les candidats au comité d’entreprise jouissent d’une protection spéciale compte-tenu de leur fonction. Lors des élections, les syndicats offrent leur assistance technique, car le processus légal d’élection est assez compliqué ; ce qui multiplie le risque de commettre une erreur et de voir les résultats de l’élection contestés.
A coté du Betriebsrat, la loi sur l’organisation des établissements (Betriebsverfassungsgesetz) prévoit aussi deux autres institutions, à savoir l’assemblée générale du personnel de l’établissement et le Gesamtbetriebsrat – Comité central d’entreprise- si une entreprise comporte plusieurs établissements. Sa compétence ne comprend que les attributions concernant l’ensemble de l’entreprise ou plusieurs de ses établissements. En outre, par décision des comités centraux d’entreprise représentant au moins 75% des salariés il peut être constitué un comité de groupe (Konzernbetriebsrat). Enfin, dans les entreprises employant au moins 5 jeunes il est constitué un organisme de représentation des jeunes travailleurs.
Co-détermination : le Betriebsrat et le conseil de surveillance
Dans les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, ayant en temps normal plus de 2000 salariés, un conseil de surveillance doit être constitué avec la participation des salariés conformément à la loi sur la cogestion des salariés du 1976. Ce conseil est composé pour moitié de membres représentants les salariés, la plupart devant être des salariés de l’entreprise et les autres nommés par les syndicats.
La cogestion est la fonction la plus importante du BR. Celui-ci est notamment compétent en matière de travail comme la répartition du temps de travail, les pauses ou bien encore la protection des travailleurs. Dans les domaines importants, l’employeur ne peut agir seul; il lui faut le concours du Betriebsrat s’il entend que les salariés soient liés par ses décisions ; ainsi le BR négocie les plans sociaux, le principe et le montant des indemnités de licenciement (non obligatoires en Allemagne). En l’absence de règle légale ou conventionnelle, la cogestion est requise dans les matières sociales, notamment sur les questions concernant la conduite du personnel. Dans les entreprise comportant habituellement plus de 20 salariés électeurs, toute embauche nouvelle, toute refonte ou réorganisation du personnel, touts mutation est subordonnée à l’accord du BR. Dans les entreprises occupant plus des 100 salariés, il est constitué une commission économique.
Premiers résultats et participation électorale
Si les résultats définitifs des élections 2010 ne seront connus qu’à l’automne, plusieurs syndicats ont d’ores et déjà publié des résultats partiels. Dans la métallurgie, le syndicat IG Metall, sur la base de résultats couvrant un tiers des BR, se montre très satisfait : le taux de participation aurait progressé de 71,98% à 73,8% entre 2006 et 2010 et 545 établissements nouveaux se seraient dotés d’un BR. Ses élus représenteraient dans le secteur désormais 80,7 % du total des membres de BR (contre 73,2) en 2006.
Dans le secteur, mines énergie, chimie, le syndicat IG BCE dispose d’ores et déjà de 60% des résultats : la participation serait en légère augmentation (74,6% contre 73% en 2002) et 81% des membres élus seraient affiliés au syndicat (un pourcentage stable comparé à celui des années 2002 et 2006).
Au plan national, l’Allemagne disposait lors des élections 2006 d’environ 100.000 établissements dotés d’un BR, représentant 11 millions de salariés (environ 36% des salariés du pays). La plupart des candidats est issue des syndicats de branche et proviennent à 80% de listes formées par fédérations affiliées au DGB: IG Metall (Métallurgie), VER.DI (services), IG BCE (Mines, chimie énergie) et d’autres encore. Le fait que ceux-ci sont parfois amenés à se faire concurrence et qu’il existe aussi des candidats « indépendants » font de ces élections de véritables batailles électorales. Non seulement les syndicats concernés ont multiplié les appels à la participation mais les politiques aussi : même Angela Merkel a encouragé les salariés à participer aux élections, comme candidats ou comme électeurs !
Tous les acteurs soulignent la valeur de la cogestion allemande dans la crise économique actuelle. Pourtant l’attractivité des syndicats en Allemagne ne s’améliore pas. Pour les jeunes salariés ou les salariés des PME, la politique des syndicats n’est plus attractive et présenter sa candidature au Betriebsrat n’est plus interessant.
Lutz Michael Büchner est directeur de l’Institut pour les relations industrielles Europäisches (Institut für Arbeitsbeziehungen e.V ) EIAB
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