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En Europe, le social passe aussi par les tuyaux professionnels de la normalisation. Les industriels ont conservé un quasi-monopole dans la normalisation, malgré une participation syndicale accrue depuis 20 ans.

 

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Les normes industrielles sont omniprésentes dans notre vie quotidienne. En se posant comme un référentiel incontestable, elles régulent la sécurité de produits (jouets pour enfants, nano-cosmétique), l’ergonomie de machines ou encore d’équipements (installations électriques, appareils à pression), et même des processus de travail.

 

« La participation syndicale est tout à fait marginale, explique Laurent VOGEL de l’Institut syndical européen (ETUI). Les intervenants syndicaux au sein du comité européen de normalisation  (CEN) se comptent sur les doigts d’une main ».

 

Le CEN créé en 1961 par les différents instituts de normalisation technique nationaux est chargé d’harmoniser les normes européennes. « Quand un projet de norme est lancé, l’information n’est pas toujours diffusée auprès des représentants syndicaux, il n’est donc pas toujours possible d’intervenir, regrette Laurent Vogel. Dans les comités techniques du CEN, les industriels réfléchissent aux normes comme des producteurs et pas comme utilisateurs. En général, les PME ne s’y connaissent pas vraiment, les syndicats et donc les utilisateurs/bénéficiaires de ces normes, non plus et donc ils restent de côté ».

 

Acteur discret

L’ETUI revendique pourtant la légitimité de l’intervention des acteurs sociaux dans la création de la norme. Il ne s’agit pas de faire concurrence aux ingénieurs, mais de confronter les exigences de productivité avec celles de la santé au travail. L’ETUI met en pratique ce principe en accompagnant l’action ponctuelle de syndicalistes et d’organisations tripartites comme la KAN en Allemagne et Eurogip en France. En 2009, ce fut autour des normes techniques de chariots élévateurs. La « directive Machines » (89/392/CE) donne en effet la possibilité aux représentants syndicaux de participer à la construction de norme.

 

En jeu, l’amélioration de la conception des machines en collaboration avec des médecins, ergonomes, préventeurs, ingénieurs. Plusieurs ateliers de « feedback » en France, en Allemagne et en Italie ont permis aux conducteurs de chariots de faire part de leurs problèmes de visibilité lors des manipulations de la machine qui pouvaient provoquer des accidents. Cette expérience est relatée dans une publication : « 20 ans de directive Machines, 20 ans d’action syndicale pour améliorer les normes » 2009. Démonstration à l’appui, l’ETUI peut ainsi exiger une révision de la norme.

 

Observateur attentif

Quand il ne peut pas être acteur, l’ETUI doit se contenter d’être observateur. Lorsque la Commission européenne a mandaté le CEN pour qu’il intervienne dans la définition de normes ISO et CE sur les nanotechnologies, l’ETUI a obtenu un poste d’observateur sur les normes ISO.

 

Une quarantaine de normes sont en discussion au sein de cinq comités techniques différents : terminologie, consommation, durabilité, santé-sécurité et spécification de matériel.

 

Au niveau européen et international, « il faudrait se mettre d’accord sur la définition même de ce que sont les nanomatériaux, renchérit M. Vogel. Nous avons tout intérêt à ce que la définition soit large et qu’elle ne varie pas selon qu’elle figure dans un document commercial, l’information au consommateur ou une directive européenne ».

 

Le débat avance sur le mesurage, étant donné que les nanoparticules sont très difficiles à mesurer une fois qu’elles sont dispersées dans l’atmosphère. Les techniques de mesurage sont variées, et le débat à ce propos n’est pas neutre. « C’est un peu comme avec l’amiante, remarque M. Vogel. Est-ce que vous incluez les fibres d’amiante de telle longueur, de tel diamètre ? etc… »

 

Concernant la protection des travailleurs qui manipulent des nanomatériaux, « les syndicats manquent de moyens et d’expertise pour intervenir dans les débats de haute tenue qui se tiennent aux quatre coins du monde, reconnaît Aïda Ponce, responsable de ce dossier à l’ETUI. Pour l’instant, la participation syndicale est trop pauvre ».

 

 

 

Voir

Le site du comité européen de normalisation  

Le site de l’ETUI

 

Lire aussi

Fréderic Rey, 20 ans de directive Machines, 20 ans d’action syndicale pour améliorer les normes. ETUI 2009

 

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