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La parole à un patron sur sa manière d’envisager l’évaluation des salariés, ses avantages et ses limites. Paul Calandra est ancien DRH de Thomson CSF et ancien responsable d’ANTEE, il est actuellement conseil en veille stratégique.

 

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Qu’est ce qui légitime l’évaluation des salariés ?
L’évaluation des salariés commence d’abord par une fixation en commun des objectifs à atteindre pour l’année en cours par la vérification périodique de leur progression et par la mesure des résultats obtenus en fin de parcours. Il ne s’agit en aucun cas d’un acte unilatéral mais bien plutôt du produit d’une discussion où tous les arguments doivent être entendus. A l’issue de cette discussion, on consigne par écrit les objectifs retenus et le document reçoit la signature du supérieur hiérarchique et de son subordonné qui peut mentionner ses réserves sur tel ou tel point, s’il en a. Les objectifs doivent être les plus quantifiés possibles. Cela peut paraître difficile pour certaines professions intellectuelles et c’est souvent l’argument avancé par les chercheurs, les juristes, les contrôleurs de gestion etc…

 

Quand on y réfléchit bien et surtout quand on compare les pratiques entre divers établissements ou filiales dans plusieurs pays, on trouve des façons de mesurer toutes les activités dans une entreprise. Le bon sens ne doit bien sûr jamais être absent de ces paramétrages. Il ne s’agit pas d’une recette pour établir la justice absolue sur terre dans les rapports entre supérieurs et subordonnés, mais bien plutôt d’un moyen de diminuer leur subjectivité et éventuellement en cas de litige, voire de contentieux, de s’appuyer sur de l’écrit.

 

Comment l’évaluation peut-elle être objective quand elle porte sur le comportement ?
C’est une difficulté qu’on ne peut pas esquiver. Chacun a dix exemples en tête de comportements qui nuisent au fonctionnement et à la cohérence d’une équipe et il est naturel dans ce cas d’y remédier en réclamant au fautif des changements de comportement. Il faut avoir le courage de se parler franchement en ne considérant que les aspects du caractère qui concernent la marche du service. Je reconnais que c’est un art difficile, mais c’est la base du management des équipes. Que ce soit au foot ou au travail, il faut bien qu’une équipe agisse de concert.

 

Si par exemple j’évalue du point de vue de son caractère un comptable, je vais être particulièrement attentif à son esprit de rigueur et de précision. S’il s’agit d’un chercheur, je considérerais la créativité voire l’originalité, si j’évalue un chef de chantier expatrié, l’autonomie et l’énergie seront privilégiés. On voit bien que tous les tempéraments ne sont pas interchangeables.

 

La jurisprudence estime que l’évaluation peut être un facteur de risques psycho-sociaux.
Je ne connais pas d’activité où le subordonné n’ait pas de compte à rendre à son supérieur. Si tout en haut de la pyramide le PDG ne sait pas résister à des exigences excessives de son conseil d’administration en matière de résultats, il répercutera à toute la cascade hiérarchique des objectifs intenables. On le constate tout particulièrement avec les fonds de pensions qui ont intérêt à rentabiliser leur investissement le plus vite possible. Un management rendu anxieux et peu sûr de lui ne pourra pas créer le climat de confiance qui seul permet un travail efficace. Quand il y a atteinte à la santé des salariés ce n’est pas l’évaluation de la performance qui est coupable, c’est son application inappropriée.

 

Quelles sont les limites de l’évaluation ?
Il faut convenir que le lien entre performance et rémunération dans une équipe qui fonctionne depuis un moment est difficile à appliquer avec rigueur. On ne constitue pas une équipe qu’avec des chevaux de courses, c’est le plus sûr moyen d’aller dans le fossé. Comment récompenser le cheval de trait ou de labour, moins visible, mais tout aussi indispensable ? On finit toujours par saupoudrer la masse salariale attribuée. Le principe selon lequel les 5% les mieux notés durant trois ans doivent être promus, sinon il vont chercher fortune ailleurs, est tout a fait fondé, mais exige beaucoup de vertu de la part du manager. Quant aux 5% les plus mal notés qu’il faudrait théoriquement écarter de l’entreprise, on voit bien les limites. C’est aussi un jugement sur la capacité du chef à choisir ses collaborateurs, à les diriger correctement et à mettre en oeuvre l’adage: « la mort du péché, pas la mort du pécheur ». Il vaut bien mieux, au cours d’un entretien d’orientation les avoir remis sur la bonne voie avec éventuellement la formation appropriée.

 

Bref il faut appliquer les principes du dispositif d’évaluation sans esprit de système et avoir trois choses présentes à l’esprit : ça sert avant tout à diminuer la subjectivité du jugement d’un supérieur sur son subordonné, à laisser les traces écrites des appréciations et de leurs effets sur les évolutions de carrière de carrière et enfin à ne pas oublier que le caractère bilatéral de la discussion et la double signature au bas du document peuvent en faire un élément de preuve en cas de contentieux.

 

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