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Les émeutiers de Londres qui ont été condamnés pour troubles à l’ordre public, n’auront bientôt plus droit à aucune allocation (s’ils en touchaient). Ces émeutes inattendues auront créé une rupture dans l’opinion publique entre ceux qui considèrent que ces assistés profitant des allocations ne les méritent plus, et ceux qui y voient la conséquence du chômage exponentiel et des récentes coupes dans les aides sociales. Cependant, les réformes sociales du gouvernement conservateur de David Cameron continuent.

 

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En moyenne, les salaires ont baissé de 7% depuis le début de la crise en 2007. Le Royaume-Uni est marqué par un fort recul du PIB (-4,9% en 2009). Le déficit public a plongé à -13,5%. Le chômage est au plus haut : 8,1%, et 21,3% pour les 16-24 ans. Du jamais vu ! Le nombre de personnes sans emploi a explosé, il atteint 2,43 millions. Il a quasiment doublé entre 2005 et 2010.

 

Au Royaume-Uni, la crise a d’abord été financière. Les premières victimes ont été Northern Rock, pendant l’été 2007, puis la Bank of Scottland nationalisée en février 2008. Le renflouement des banques s’est fait à hauteur de £850 milliards. Pourtant, le droit du travail et les droits sociaux sont tenus aujourd’hui pour responsables des déficits publics explique le rapport présenté lors d’une conférence organisée par ASTREES.

 

Ce sauvetage et la récession ont conduit à une augmentation significative de la dette publique, bien avant que des mesures soient envisagées sur l’emploi et la protection sociale. « Dans les débats politiques pré-électoraux, il a d’ailleurs moins été question de réforme du droit du travail, que de régulation et de dérégulation, de justice, d’égalité des genres et de non-discrimination ».

 

 

Réduire l’État

En 2010, le Parti conservateur a fait campagne sur le thème de la « Big Society », en faveur d’une société plus grande, et d’un État plus petit. Il insiste sur le rôle de la responsabilité individuelle dans les relations sociales et civiques, plutôt que la régulation par la loi. Le programme de la coalition a promis une révision générale des services publics pour « réduire la bureaucratie » en créant des coopératives. D’après l’agenda Big Society, les fonctionnaires seront chargés de former les créateurs de ces coopératives, d’entreprises sociales et de charité qui reprendront le flambeau des services ! La coalition a aussi promis la révision de la législation du travail pour assurer aux employeurs et aux employés une flexibilité maximale.

 

Après les élections législatives de mai 2010, les conservateurs se sont alliés aux Libéraux-Démocrates. Le gouvernement de  David Cameron a aussitôt annoncé un budget d’urgence qui prévoyait 192 milliards de coupes, dont 11 dans le budget de sécurité sociale. Même le Financial Times a alerté sur l’impact de ces décisions sur les familles les plus pauvres. Faisant fi de ces critiques, de nouvelles coupes sont intervenues en novembre 2010, « chaque ministre a dû se présenter devant le gouvernement pour expliquer comment il coupait 20% supplémentaires de son budget » raconte Jeremias Prassl, rapporteur du rapport à Lyon le 21 octobre dernier.

 

Les confédérations syndicales britanniques CBI et TUC n’ont pas eu de rôle formel dans les négociations autour de la réduction des déficits, mais un rôle de conseil pendant les concertations. Il y a eu peu de mobilisations syndicales, même dans le secteur public, sauf une manifestation des professeurs d’université en juin à propos du report de l’âge de la retraite à 66 ans. D’autres mobilisations sont prévues à l’automne.

 

  

Réformes sociales

La mise en œuvre de l’Equality Act en gestation depuis 2007 s’est faite au rabais. Deux dispositions concernaient les politiques spécifiques pour les personnes au faible niveau socio-économique et des sanctions sur les pratiques discriminatoires. Cela aurait « coûté » 3 millions par an aux entreprises, argumente le gouvernement.

 

Autre décision symptomatique de l’affaiblissement de la protection des salariés :

le licenciement abusif ne pourra être contesté que par les salariés ayant une ancienneté d’au moins de 2 ans (contre 1 an auparavant). Pour Jeremias Prassl, cette décision est très négative pour les femmes.

 

« Le Royaume Uni a toujours été dans la flexibilité jamais dans la sécurité, concède Jeremias Prassl. L’impact des règlements européens est d’ailleurs très limité et la transposition des directives se fait toujours a minima. Pour réduire encore la portée des directives européennes sur la santé et la sécurité, Lord Young, un député a été chargé d’exercer du lobbying à Bruxelles en s’unissant à des représentants d’autres États membres »

 

L’éligibilité de bon nombre d’allocations est plus réduite, le volume donc, mais aussi la valeur de celles-ci. Absurde ou non, les demandeurs d’emploi sont obligés de travailler jusqu’à 30h par semaine pendant un mois pour continuer à toucher leur allocation-chômage. La loi de février 2011 réforme pour les 60 ans à venir le système de protection sociale. Elle remplace bon nombre d’aides par un système de Crédit Universel unique. Les personnes handicapées seront couvertes par une nouvelle aide intitulée : Paiement personnel indépendant (PIP), et tous les ayants-droits dépendront des nouvelles dispositions sur « la capacité à travailler », qui seront gérées par un opérateur privé Atos Healthcare. Ce qui laisse présager la mise au travail des personnes autrefois « inaptes ».

 

Le service public de santé (NHS) va également être privatisé, malgré la promesse de ne pas y toucher avant les élections. Ce qui pose des questions de long terme sur les activités « non-rentables » : qui va former les médecins ? Qui va créer des services d’urgences ? Qui va répondre à des appels d’offres pour tout ce qui est peu lucratif ?

 

Des débats non-officiels agitent également le politique. Dans le futur, il faut s’attendre à une grande réforme du marché du travail. Les discussions tournent d’une part autour des règles sur le salaire minimum, notamment pour supprimer celui des personnes handicapées. D’autre part, face aux menaces de mobilisations syndicales, Vince Cable, secrétaire d’État pour le business et l’innovation a menacé de durcir les lois antigrèves, qui sont déjà les plus strictes d’Europe.

 

Le rapport conclut ainsi sur une l’entrée dans une nouvelle ère de dérégulation. La rhétorique des politiques diffère cependant du thatchérisme, aujourd’hui le gouvernement parle de « simplification bureaucratique ».

 

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