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À Sunderland en Grande-Bretagne, Rolls Royce expérimente depuis plusieurs années la sous-traitance sur site. 450 personnes produisent des disques de ventilation pour les moteurs d’avion, dont la société est un des grands fabricants mondiaux. Près d’un tiers sont des intérimaires.

 

Rolls Royce

Dans cette ville industrielle du littoral britannique proche de Newcastle, les ouvriers turbinent dans un bâtiment des années 50, dont le toit fuit. De grands parapluies et des gouttières improvisées protègent les coûteuses machines qui usinent chaque pièce pendant plusieurs jours. Une pièce peut coûter £5 000 à £150 000. « L’usine doit déménager d’ici janvier 2013 dans de nouveaux bâtiments à 13 km de là, explique Steve Jefferys, auteur de l’étude de cas présentée à Lyon lors d’une conférence sur la sous-traitance industrielle en Europe organisée par l’ANACT. Elle sera plus petite et plus robotisée. Rolls Royce aura donc besoin de moins de personnel ». Mais pour le moment, les carnets de commande sont pleins. Les commandes atteignent 60 milliards.

 

En octobre 2009, Rolls Royce a conclu une sorte d’accord compétitivité-emploi avec ses employés. Sous la menace de fermeture totale, le syndicat de site a accepté le déménagement et la sous-traitance sur site. Sur les 360 permanents, près de 80% sont syndiqués auprès de Unite. La nouvelle usine aura 50 postes de travail en moins. Un plan de départ volontaire sera mis en place. À la fin de l’été 2011, près de 100 permanents ont fait savoir qu’ils opteraient plutôt pour une retraite anticipée.

 

Le salaire restera le même pour 5h de travail de plus par semaine, ce qui fait passer de 37 à 42 heures et supprime quasiment les heures supplémentaires. Les deux sections syndicales d’Unite (techniciens, ouvriers) seront unifiées. La prime d’intéressement de 5% sera liée à la performance individuelle et plus collective.

 

Pour l’heure, Rolls Royce tâche d’honorer ses commandes sans engager du personnel. Elle a eu recours à la société de recrutement Alexander Mann Solution (AMS) qui fonctionne comme une agence d’intérim.

Les compétences ne manquent pas dans le bassin d’emploi de Sunderland. 17% de la population active travaille dans l’industrie. C’est 5% de plus que la moyenne britannique. Près de l’usine Rolls Royce, on trouve Nissan et son sous-traitant local.

Les salaires et les conditions de travail sont traditionnellement de bon niveau dans la région.

 

Dans l’usine de Sunderland, les intérimaires travaillent sous les ordres de Rolls Royce et AMS les rémunère. Les 80 ouvriers intérimaires ont les mêmes salaires et qualifications que les permanents, la rémunération des heures supplémentaires est équivalente. En revanche, dans les bureaux, les 20 techniciens ont des salaires légèrement plus élevés que ceux des permanents avec un extra de 1,1 £ l’heure. Ils avaient 28 jours de congés, soit 5 de moins que les permanents, jusqu’à ce que Rolls Royce soit sommée de respecter la directive européenne prévoyant l’égalité de traitement des travailleurs intérimaires.

 

Implication syndicale

« AMS permet la flexibilité. C’est tout l’intérêt d’avoir un sous-traitant, explique Steve Jefferys du WLRI. Si l’un d’eux ne travaille pas bien, le licenciement est effectif tout de suite, au bout d’un an l’intérimaire qui travaille bien peut être embauché par Rolls Royce si un poste se libère. Cela se fait à la demande du syndicat de site ». Mais depuis 2009, il n’y a pas eu de cas. D’ailleurs, les sous-traitants ne sont pas syndiqués. Unite n’en voit pas l’intérêt, sauf s’ils deviennent permanents.

 

Rolls Royce maintient les négociations collectives au niveau de l’usine. La tendance en Grande-Bretagne est pourtant de remonter les négociations au niveau du groupe. Le syndicat de site n’y est pas favorable. Après avoir créé un comité de groupe mondial qui réunissait tous les pays de production européens et non-européens, entre 2005 et 2010, elle vient d’y renoncer. Rolls Royce vient aussi d’annoncer qu’elle voulait mettre fin au conseil britannique d’information-consultation. Unite redoute que cela porte un coup au dialogue social étendu et inter-usine. Rolls Royce argumente que la firme dispose d’un comité d’entreprise européen, lieu de discussion.

 

Steve Jefferys analyse d’ailleurs que « le mode de négociation collective site par site ou groupe par groupe empêche que les personnes impliquées dans le dialogue social de site aient des relations avec celles qui sont impliquées sur d’autres sites ».

 

Repère

Rolls Royce emploie 38 000 personnes (2010) dans 50 pays. Les trois quart en Europe, surtout au Royaume-Uni (23 000 dont 11 000 à Derby), en Allemagne (3 000). Les autres sites sont en Norvège, en Suède, en Finlande et en Pologne.

 

 

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