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Mobilisations étudiantes au Québec : vers un printemps « érable » ?

publié le 2012-04-03

Moins affecté que l’Europe par la crise économique et financière de 2007-2008, le Québec n’échappe pas pour autant à la vague d’austérité qui balaye les économies développées. Sur fond de scandales à répétition, le gouvernement libéral de Jean Charest impose la rigueur depuis 2009. Non sans susciter quelques réactions.

 

education debt sentence 2

En première ligne de la contestation, les étudiants dénoncent notamment l’augmentation de 75% des frais d’inscription universitaire prévue d’ici à 2017. Le 22 mars dernier, ils étaient près de 200 000 à manifester dans les rues de Montréal. Une affluence historique, qui en pousse plus d’un à rêver d’un authentique « printemps érable ».

 

« Éduquons le gouvernement ! », « Je pense donc je paie ! », voici quelques-uns des slogans qu’on pouvait lire sur les pancartes brandies par les étudiants québécois venus manifester leur mécontentement le 22 mars dernier, à Montréal. « Après ça, ils ne pourront pas continuer à nous ignorer », affirmait alors, confiant, un membre de la Fédération des étudiants du Québec, une des trois organisations étudiantes regroupées en front commun. Jusqu’ici, le gouvernement a en effet privilégié le passage en force. Le Québec bénéficie des frais de scolarité les plus bas du pays (2500$ en moyenne, contre plus de 5000$ pour la moyenne nationale). Un « luxe » que Jean Charest est bien décidé à remettre en cause. Mais sa position apparait de moins en moins tenable. Plus de 80% de la population est favorable à l’ouverture de négociations entre les étudiants et le gouvernement. Par ailleurs, la grève universitaire qui touche un nombre record d’établissements ne semble pas s’essouffler. Et plusieurs syndicats étudiants ont appelé à intensifier la pression, notamment à travers des « actions de perturbation économique ». Les prochaines semaines risquent donc d’être déterminantes.

 

Deux visions qui s’affrontent
En attendant, le débat divise profondément une société québécoise de plus en plus confrontée à la pérennité de son modèle social. Pour le gouvernement Charest, la cause semble entendue. Des dépenses publiques et une fiscalité excessives mineraient la compétitivité du Québec. Il serait donc temps d’en finir avec certains « privilèges » et de « responsabiliser les citoyens », à commencer par les étudiants, invités à payer « leur juste part ». En face, la coalition « main rouge » (un regroupement d’organismes communautaires, étudiants, féministes, écologistes, etc.) et « l’alliance sociale » (le front commun syndical) estiment que le vrai problème tient plutôt à la redistribution de la richesse. « Les vrais privilégiés ce sont les évadés fiscaux et les compagnies minières qui payent des redevances dérisoires » s’énervait ainsi un manifestant. Et de poursuivre, « les étudiants sont déjà surendettés. Si on augmente les frais de scolarité, c’est l’accessibilité qu’on met en péril. En bout de ligne, c’est toute la société qui en sortira perdante ».

 

« Individualisme » contre « solidarité », « rigueur » contre « redistribution », le débat n’est pas sans rappeler celui qui fait rage de ce côté-ci de l’Atlantique. Au Québec, alors qu’on la disait dépolitisée et nombriliste, la jeunesse a montré qu’elle comptait bien s’inviter dans la discussion. L’avenir nous dira si, ce faisant, elle aura su catalyser les demandes de changements qui se multiplient depuis quelques temps dans la « belle province ».

 

(Photo : Clotilde de Gastines, Montréal mars 2004 « Education shouldn’t be a debt sentence » – droits réservés)

 

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