Xavier Baron participe à l’aventure Metis depuis son origine. Professeur associé en sociologie à l’université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, il publie aux Editions Liaisons « La performance collective, repenser l’organisation des travailleurs du savoir ». Extraits introductifs.
Les recettes éprouvées de la performance du travail que nous appliquons depuis 30 ans, et que nous continuons d’appliquer en 2011, quels qu’en soient les avatars récents (DPO, KPI, qualité totale, lean management, individualisation et gestion des talents…), sont tributaires de la tradition de l’Organisation Scientifique du Travail. Elles s’appliquent, bien sûr en tentant de s’adapter et en admettant des inflexions, mais sans innovation suffisante, faute de doctrines nouvelles capables de faire évoluer le modèle séculaire dont nous héritons.
Les principes de ce modèle sont toujours fondés sur la division d’un travail subordonné. Ils font des hommes une « ressource ». Ils sont mis en œuvre aujourd’hui encore, pour valoriser des activités productives et faire face à des contraintes financières et globalisées que F.W. Taylor n’a pas connues ni étudiées. Si les critiques à son endroit sont déjà anciennes, ce modèle n’est pas dépassé. La doctrine qui le porte n’est pourtant plus adaptée à l’optimisation de l’essentiel du travail d’aujourd’hui ; un travail intellectuel, serviciel, communicationnel, informationnel.
Même le travail ouvrier mute au profit d’activités de plus en plus abstraites, médiatisées par des interfaces, lesquelles renvoient au traitement d’information et toujours plus, à la mobilisation de la subjectivité. Même peu qualifié, ce travail désormais « intellectuel » ne peut pas être « géré » efficacement, ni légitimement, comme l’était le travail matériel, même très qualifié. Avec la transformation d’une « économie tirée par l’industrie (et ses modèles) au profit d’une économie immatérielle tirée par les services », c’est la définition même de la valeur ajoutée qui est questionnée. Du coup, le travail lui-même revêt une nouvelle signification. Ce travail est déjà devenu la base dominante de l’activité productive.
C’est la recherche de principes d’organisation du travail et de la production, plus efficaces et plus légitimes qui nous anime…, avec une obsession ! Nous nous intéressons au travail tel qu’il est aujourd’hui ; un travail devenu informationnel, relationnel, communicationnel. Ce travail est de plus en plus éloigné de nos représentations héritées. De même, nous nous intéressons à la production telle qu’elle est. Une production désormais largement immatérielle. C’est toujours la transformation du travail en valeur qui nous intéresse, mais d’un travail intellectuel au profit d’une production immatérielle.
Le constat initial à l’origine de notre travail est simple mais massif. Le travail évolue, la complexité va croissante, mais nos outils intellectuels ne suivent pas. La montée en puissance de l’économie tertiaire, des services, des travailleurs du savoir…, nous oblige à remettre sur l’ouvrage notre pensée sur l’organisation du travail au profit de salariés nécessairement experts et surtout, de plus en plus autonomes. Comment optimiser la mise en œuvre des compétences intellectuelles ? Comment améliorer le rendement d’un salarié dont on ne sait pas mesurer la production ? Comment optimiser la gestion d’activités dans lesquelles le salarié lui-même peine à s’y reconnaître ?
Xavier Baron « La performance collective. Repenser l’organisation des travailleurs du savoir »
Editions Liaisons 2012
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