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par Europe et Entreprises

fonds europeen

À l’heure où tous les candidats à l’élection présidentielle parlent de protection de l’industrie, de réindustrialisation, de valorisation des métiers de l’industrie, il n’est pas inutile de rappeler qu’il existe depuis 2006 un dispositif européen efficace mais mal connu d’aide à la reconversion des salariés licenciés de l’industrie.

 

Emmanuelle Butaud-Stubbs, membre du CESE & Déléguée Générale de l’Union des Industries Textiles & Jean-Pierre Haber, membre de la Commission consultative des mutations industrielles

 

Qu’est ce que le FEM ?

Le fonds d’ajustement à la mondialisation (FEM) a été mis en place en 2006. Doté d’un budget de 500 millions d’euros par an, ce fonds était destiné à accorder des aides aux salariés de secteurs et de régions industriels bousculés par la mondialisation afin de leur permettre de se former pour accéder à un nouvel emploi. Conçu à l’origine pour faire de la réparation sociale à la suite de modifications survenues dans le commerce mondial (la disparition des quotas textile-habillement en 2005 par exemple) à l’instar de ce que prévoyait déjà le Trade Adjustment Act aux Etats-Unis dés les années 60, le FEM a été étendu en 2009 aux travailleurs ayant perdu leur emploi du fait de la crise économique et financière mondiale.

 

Ce fonds de solidarité européen destiné à gérer des situations d’urgence a-t-il été efficace ?

Selon une évaluation récente conduite par la Commission européenne, le FEM a été actionné 78 fois par 19 États membres (dont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande) afin d’aider au reclassement 78 000 salariés de secteurs industriels tels que l’automobile (les équipementiers de PSA et Renault), l’électronique, les télécommunications, et le textile. Près de 358 millions d’euros ont ainsi été accordés à des travailleurs licenciés, parfois âgés, et de faible niveau de qualification afin de les aider à trouver un nouvel emploi, ou à créer leur entreprise. Le principal motif, c’est la crise (87% des interventions), la mondialisation n’ayant joué que marginalement. Le taux de réemploi moyen est estimé à 41,8% avec des écarts importants selon les régions puisque dans certaines, bâties sur des mono-industries, il a été de 5% et dans d’autres, bénéficiant d’un dynamisme plurisectoriel, il a pu atteindre 78%. On constate donc que les fonds ont été sous-consommés en raison de plusieurs défauts du dispositif : des procédures de saisine trop complexes par les États et les régions, des délais d’instruction beaucoup trop longs (18 mois en moyenne pour une aide d’urgence !), et une notoriété faible. Combien d’élus, de responsables politiques ou syndicaux français ont-ils fait la promotion de ce Fonds européen d’ajustement à la mondialisation ?

 

Quelles sont les pistes d’amélioration pour le rendre plus efficace ?

Plusieurs propositions sont sur la table à l’initiative de la Commission européenne, du Parlement européen et du Comite économique et social européen (CESE) qui représente la société civile organisée européenne. Certaines divisent, d’autres sont plus consensuelles. Le seuil d’intervention est fixé à 500 suppressions d’emplois, le CESE souhaite le porter à 250, nous y sommes favorables car les PME sont au premier rang des victimes de la crise. La Commission européenne suggère d’accélérer l’instruction des dossiers en recourant à des dossiers électroniques, nous sommes pour bien sûr. Convient-il d’y inclure les professions indépendantes et les auto-entrepreneurs ? Nous pensons que oui sous réserve de limiter cette intervention à des artisans et des entreprises mono-personnelles. Est-il légitime d’en faire bénéficier les salariés de l’agriculture déstabilisés par des concessions commerciales dans les négociations en cours (Mercosur, par exemple)? La PAC représente déjà plus de 40% du budget communautaire. La France soutient cette extension du champ d’application sur la base de la proposition de la Commission européenne qui avance un budget pour le FEM de 3 milliards d’euros pour la période 2014-2020 dont un maximum de 2,5 milliards d’euros pour l’agriculture. Nous estimons, au contraire, que le FEM doit être réservé à l’industrie. Il s’agit, en effet, de l’un des rares outils spécifiques à l’industrie que nous considérons comme une pierre angulaire de la politique industrielle au même titre que le Programme Cadre de Recherche et de Développement. Enfin, le FEM doit-il être autorisé à intervenir auprès des salariés victimes de la crise au-delà du 31/12/11, fin de la dérogation temporaire ? À cette question, certains Etats membres ont dit non . Nous invitons toutes les forces vives concernées par l’aide à la reconversion des salariés de l’industrie à se mobiliser afin de surmonter l’opposition de cette minorité de blocage au Conseil. Oui, l’Europe est capable de montrer sa solidarité et d’aider concrètement des salariés victimes de licenciements économiques à rebondir. Oui, le FEM mérite d’être connu, promu et amélioré !

Article paru dans Lettres d’Europe et Entreprises -Avril 012-n°61

 

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