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par Euractiv.fr

Vantée par Bruxelles, la mobilité des travailleurs se traduit par un triptyque détonant : jungle pour les droits sociaux des Européens, évasion fiscale aux dépens de l’Etat d’accueil et salaires à deux vitesses. Des professionnels tirent la sonnette d’alarme.

 

« Il n’y a pas que le sérieux budgétaire, il y a aussi le sérieux social », confiait Bernard Cazeneuve à des journalistes à Bruxelles, lorsqu’il occupait encore le portefeuille de ministre des Affaires européennes. Un discours marginal dans l’UE, où l’urgence de la crise a fait naître un complexe de la dépense publique capable d’éclipser le débat sur d’autres pratiques, cette fois décomplexées, qui sont le lot quotidien du marché du travail européen. Au nom de la compétitivité, certaines entreprises optent pour une stratégie prédatrice en recourant à des travailleurs issus principalement d’Europe de l’Est, détachés dans les chantiers de l’Hexagone dans des conditions scabreuses, mais économiquement profitables.

 

Bras de fer avec l’Allemagne

Désormais, les géants du BTP exploitent même le filon des sociétés de recrutement des Emirats arabes unis, qui leur envoient légalement de la main d’œuvre sur des chantiers n’importe où dans le monde. Privés des indemnités auxquelles ils pensaient pouvoir prétendre, des salariés « s’étonnent de se voir appliquer un droit complètement exotique », précise Etienne Pataut, professeur de droit à l’Université Paris I. Victimes elles-mêmes du dumping social, d’autres entreprises tentent de garder la tête hors de l’eau en alertant les politiques sur les violations présumées du droit européen. En janvier 2011, une plainte est déposée par le syndicat national des industries de la viande (SNIV-SNCP), qui invoque les inégalités de traitement des intérimaires étrangers dans les abattoirs allemands. Pierre Halliez s’en ouvre à Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture du précédent gouvernement, puis à son successeur Stéphane Le Foll. Mais le délégué général de la fédération repart bredouille. Le calendrier était des plus mauvais : la France négociait la préservation des crédits de la politique agricole commune et il n’était pas question d’irriter l’Allemagne en lui rappelant les principes élémentaires de la politique sociale. Plus téméraire, le gouvernement belge n’a pas eu cette précaution, entamant en mars un bras de fer avec l’Allemagne, arbitré par la Commission européenne.

« La production agricole est délocalisable »

Outre-Rhin, le secteur de la viande est compétitif. En l’espace de 5 ans, l’Allemagne a doublé ses exportations de porc. Des performances inversement proportionnelles aux conditions sociales qui règnent dans les abattoirs. Chez Westfleisch ou Tonnies, qui font partie des leaders du marché, 80 % à 90 % des employés viennent d’Europe de l’Est, rapporte le SNIV-SNCP. Le secteur de la viande n’est régi par aucune convention collective et les travailleurs ne bénéficient pas toujours d’un comité d’entreprise. Pour être compétitive à l’export, l’Allemagne actionne deux leviers. Elle pratique « le protectionnisme à travers des certifications de marché et abaisse ses coûts de production pour prendre des parts au sein de l’UE et à l’international », résume Pierre Halliez, présent à une conférence à Bercy vendredi 5 avril. Et la stratégie fonctionne, au point de déclencher un nouveau phénomène de délocalisation en Europe, celle de la découpe de viande. Contrairement aux « idées reçues, la production agricole est délocalisable », observe le professionnel. En quelques années, l’Allemagne est parvenue à doubler ses importations de porcs vivants, dont l’un des principaux circuits est désormais bien rodé : « Les porcs naissent au Danemark, puis se font abattre en Allemagne par des travailleurs roumains », résume M. Halliez. Danish Crown, poids lourd mondial de la filière porcine, réalise désormais 86 % de sa découpe hors de ses frontières. Si le procédé permet d’abaisser les coûts, 5000 emplois ont été perdus sur place. Des symptômes de fragilité gagnent aussi la France, à l’image de la secousse ressentie par le groupe Gad, actuellement en redressement judiciaire. 1700 emplois sont en jeu en Bretagne, région qui voyait dans l’agroalimentaire un rempart anti-crise.

 

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