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par Blanca Jiménez García

« Nous devrions nous indigner mille fois plus. » C’est ainsi que parlait José Luis Sampedro aux milliers d' »indignés » espagnols, jeunes et moins jeunes, pour leur transmettre du courage et les inviter à ne jamais se conformer à l’ordre établi. Rebelle, économiste, écrivain renommé et à plusieurs reprises récompensé, il est l’auteur d’oeuvres incroyables comme « Le sourire étrusque », « Le fleuve qui nous emporte » ou encore « L’inflation (à la portée des ministres), ouvrage dans lequel il explique comment l’inflation est une excuse pour adopter des politiques restrictives qui oppressent la croissance et où il analyse pourquoi elle est de retour après avoir été contrôlée dans les années 90.

José Luis Sampedro

Mort en avril dernier à 96 ans, au même âge que Stéphane Hessel dont il avait rédigé la préface de la version espagnole d’ « Indignez-vous ! », José Luis Sampedro était un auteur magnifique, plein de sensibilité et d’ardeur constructive que beaucoup envieraient. Il était aussi l’une des voix les plus respectées par le mouvement de protestation sociale des « indignés » en Espagne.
En tant qu’économiste – allergique à la tyrannie de l’argent -, il plaida dans son livre « Economie humaniste : plus que des chiffres » pour une économie plus humaine et solidaire et montra son acharnement pour humaniser une science qui pèche souvent par froideur impassible. Il y développait ses préoccupations pour l’écologie, le développement ou la relation entre économie et politique. Pionnier d’une pensée économique au service de la société (et non l’inverse, à l’instar de beaucoup d’auteurs ou de décideurs), il alerta sur la tournure que prenait le système économique depuis plusieurs années. L’économie lui donna des arguments contre le monde actuel et l’écriture était pour lui une façon de survivre dans les temps présents.

Référence intellectuelle et morale de premier ordre en Espagne et ailleurs, il reçut l’Ordre des Arts et des Lettres en 2010 ainsi que le Prix National des Lettres en 2011. Dans « Le sourire étrusque », une de ses oeuvres les plus connues, il parle de la mort et de l’apprentissage avec une simplicité et une douceur qui touchent le coeur. Très engagé, il était toujours disponible pour participer aux causes justes. Dans son incessante recherche de la pensée critique, toujours curieux et lanceur d’alerte, il dénonçait le consumérisme et la course au capital qui avaient abouti à la crise immobilière espagnole et plaidait infatigablement pour l’indignation. : « Nous devrions nous indigner mille fois plus » disait-il. Il fit partie de ce mouvement qui a donné tant d’ailes à des milliers de jeunes (et pas si jeunes) sans espoir.
Sa vitalité fut extraordinaire jusqu’à la fin de ses jours : c’est à 95 ans qu’il publia son livre sur l’inflation, et jusqu’en février dernier, il participa à de nombreux colloques et entretiens. Quasi inconnu du public français, Metis rend hommage à l’exceptionnel Européen que fut ce citoyen, cet écrivain et cet économiste du siècle !

 

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