par Elodie Chang
Les aléas de carrière dus à l’éducation des enfants sont l’un des principaux facteurs d’inégalité à la retraite entre hommes et femmes. Les femmes ont des carrières plus courtes en raison des interruptions d’activité liées à l’éducation des enfants, elles sont plus fréquemment à temps partiel, à des niveaux de rémunération inférieurs à ceux des hommes. Ce constat est particulièrement vrai dans le cas des femmes allemandes.
En 2010, les pensions de viellesse de droit direct des femmes allemandes représentaient 56% de celles des hommes. En moyenne, Les femmes à la retraite avaient validé en 2011 une durée d’assurance de 30 années, contre 40 pour les hommes, pour une valeur (rapportée au salaire moyen) inférieure de 23% par rapport à celle des hommes. Si le taux d’emploi des femmes allemandes se situe désormais à un niveau parmi les plus élevés dans l’Union européenne (68% en 2012, contre 58.6% dans l’UE27 et 60% en France), l’activité féminine recule très sensiblement dès le premier enfant en Allemagne. Cela renvoie à la persistance d’un partage asymétrique du travail au sein des couples compatible avec une conception non individualiste de la famille et une faible acquisition de droits directs à la retraite. Les femmes au foyer représentent ainsi 35% des personnes occupant des minijobs à titre principal et, parmi elles, 41% se déclaraient en 2010 satisfaites d’occuper ces emplois d’appoint rémunérés moins de 450 € par mois et qui, jusqu’en 2013, ne permettaient quasiment pas d’acquérir de droits à la retraite.
On peut dès lors comprendre que l’acquisition de droits propres par les femmes soit un élément récurrent dans le débat sur les retraites Outre Rhin. Sous l’influence notamment des mouvements féministes, une étape importante a été franchie avec la réforme de 2001-2002 en faveur de la participation des femmes au marché du travail. Ceci grâce à ce que l’on appelle les droits familiaux qui regroupent les « avantages » de retraite liés à la présence d’enfants. La réforme a en effet clairement visé à favoriser la reprise d’activité des femmes, en permettant à celles qui ont des périodes longues de réduction d’activité suite à l’occupation d’un emploi à temps partiel (de la quatrième à la dixième année de l’enfant) de voir leurs droits à la retraite revalorisés (le cas échéant) au niveau du salaire moyen1. Cette disposition, de même que pour les droits conjugaux, la possibilité d’opter librement (sans condition de divorce) pour le Rentensplitting (partage des droits à la retraite entre conjoints ou partenaires enregistrés en remplacement de la pension de réversion) ont permis une plus grande individualisation et contractualisation des droits à la retraite pour les femmes.
Le programme gouvernemental pour 2013-2017 de la CDU contient une mesure importante sur les avantages familiaux. L’une des propositions phares sur les retraites vise en effet à améliorer pour les mères la prise en compte des enfants, en proposant de revaloriser de manière conséquente (4 ans au lieu de 3 actuellement) la majoration de durée d’assurance acquise aux parents (majoritairement les femmes). Or cette majoration, acquise aux parents, sans condition d’activité, vise pour l’essentiel à compenser les interruptions de durée d’activité. Si l’on se rappelle que par ailleurs l’assujettissement à l’assurance retraite dans le cadre des mini jobs introduit en 2013 est facultatif (opt-out possible), une telle proposition consisterait en quelque sorte à encourager les mères au foyer à continuer d’occuper des jobs d’appoint faiblement rémunérés, en compensant leurs faibles droits à la retraite par de nouveaux avantages non contributifs. Les modèles familiaux ont la peau dure…
1 Conseil d’orientation des retraites (2008), ibid., Carole Bonnet, Odile Chagny et Paola Monperrus-Veroni (2007) : « Prise en compte des spécificités des carrières féminines : une comparaison France, Allemagne et Italie », Retraite et société n° 50.
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