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par Blanca Jiménez García

Gay friendly ou homophobes les entreprises ? Une étude réalisée par deux centres de recherche britanniques vise à examiner les différentes formes et effets de discrimination, harcèlement et exclusion sociale subis par les salariés LGB (Lesbiennes, Gays et Bisexuels), à analyser leurs stratégies pour lutter contre la discrimination et à étudier les comportements des employeurs et des syndicats suite à la mise en place de la nouvelle réglementation anti discriminatoire en 2003.

 

Des entreprises gay friendly?

L’inclusion de l’orientation sexuelle comme un des principes de l’égalité a été favorisée, d’après les personnes interviewées, par la pression des groupes et des syndicats LGB depuis les années 80 et par les développements législatifs et politiques après l’élection du nouveau gouvernement travailliste en 1997. De leur côté, les entreprises et organisations du secteur privé ont, elles aussi, mis en place des démarches d’égalité, de diversité et d’inclusion de l’orientation sexuelle influencées par leurs propres objectifs. Des campagnes au travail mettant l’accent sur l’inclusion, la sécurité de l’emploi, la sponsorisation d’évènements de LGB extérieurs à l’entreprise ou l’établissement de groupes et de réseaux de LGB auraient favorisé l’intégration de l’équité et de la diversité au sein des entreprises.

« Coming out » au travail: dire ou ne pas dire

Un peu plus de la moitié (57,8%) des salariés LGB ont déclaré avoir révélé leur orientation sexuelle au travail, 33,8% ne l’ont révélé qu’à quelques personnes et 8,4% ne l’ont révélé qu’à très peu de gens voire à personne. Ils disent être très sélectifs sur les personnes à qui ils révèlent leur orientation sexuelle et , par exemple, ne la révèlent pas aux clients ni aux stagiaires.
Ce sont les jeunes, entre 16 et 22 ans, qui ont le plus de mal à révéler leur orientation sexuelle au travail. Beaucoup traînent derrière eux des années de harcèlement et de discrimination subies à l’école et à l’université, évènements qui ont affecté leur propre image, leur confiance et leurs études.

 

Le fait de révéler son orientation sexuelle est un moyen permettant d’atteindre un certain bien-être au travail, de promouvoir l’ouverture, et l’interaction entre les personnes ou encore d’améliorer la productivité des travailleurs. A cette fin, les répondants ont identifié des initiatives qui pourraient marquer une différence comme l’utilisation de l’intranet pour communiquer sur les politiques et les pratiques, pour promouvoir les avantages liés à l’égalité des sexes, pour utiliser la présence de modèles LGB seniors, pour procurer de meilleures ressources aux groupes et réseaux de LGB. Sans parler d’un marketing dirigé vers les clients LGB et une publicité de recrutement ciblée. Ils ont aussi fait part de leur point de vue sur la manière dont ils aimeraient être traités au travail : une approche centrée davantage sur la personne que sur la sexualité, qui évite les stéréotypes, qui favorise un traitement égal et non pas différent ainsi qu’une compréhension des diverses sexualités.


Orientation sexuelle, discrimination et orientations professionnelles

Le passage de l’école au travail, le type de travail, la culture organisationnelle ou la localisation géographique influencent fortement les choix professionnels et de carrière des personnes interviewées. L’emploi dans le secteur public est une des voies souvent choisies en raison de ses politiques plus égalitaires et de la sécurité de l’emploi Si la culture de l’entreprise ou de l’organisation a une influence sur le choix de carrière, celle-ci est aussi influencée par le secteur d’activité, la nationalité d’origine de l’organisation, sa localisation géographique, la présence de « modèles » dans les postes de dirigeants ou son attitude envers les genres et la religion. L’usage d’un langage discriminatoire ou agressif et de son extension est aussi perçu comme un indicateur important de la culture organisationnelle et du travail.

 

Le fait que les salariés LGB choisissent un emploi ou un autre ne veut pas forcément indiquer qu’ils ont subi un harcèlement ou de la discrimination. La majorité des interviewés (60,1%) déclare ne pas avoir subi de discrimination au travail fondée sur leur orientation sexuelle pendant les quatre dernières années. A l’inverse, 18% d’entre eux déclarent l’avoir subie et 22,1% ne se prononcent pas. La tendance est la même pour le harcèlement (cf.graphique ci-dessous). Même si beaucoup n’ont pas subi, à leur connaissance, des comportements discriminatoires ou harcelants, ils sont capables de décrire des stratégies pour les combattre (stratégies actives), ainsi que des stratégies passives, parmi lesquelles : s’évader, ignorer les remarques, utiliser l’humour ou cacher ses émotions.  Quant au soutien dans ces situations difficiles,  ils l’ont souvent trouvé chez les personnes de ressources humaines, les unités en charge des questions d’égalité, les services de conseil aux salariés, les collègues, les groupes et réseaux LGB, les syndicats et les ami(e)s.

 

graphe

 

Règles anti-discriminatoires : quels impacts?

La mise en place de la nouvelle réglementation en 2003 (Employment Equality (Sexual Orientation ) 2003 ) qui interdisait aux employeurs de discriminer leurs salariés en raison de leur orientation sexuelle, religion, croyances ou âge, n’a provoqué qu’un faible impact, voire pas d’impact du tout, sur les politiques et les pratiques des entreprises et organisations. En général, les personnes interviewées ont été informés de la nouvelle réglementation (73,2%) via une communication qui ne provenait que parfois de l’employeur ou non: pour autant, peu la connaissent bien.

 

Les représentants syndicaux ont pour leur part bien accueilli cette nouvelle réglementation mais ont souligné, au niveau national, les défauts de la législation, notamment à l’égard de la religion et des croyances. Pour les personnes interrogées, l’impact des réglementations apparaît plus positif. Elles ont indiqué qu’elles seraient désormais plus enclines à porter plainte si un problème apparaissait avec l’introduction de la nouvelle réglementation : la confiance est plus grande et le cadre pour porter une plainte, mieux défini.

 

Réseaux LGB et syndicats en entreprise

Les représentants syndicaux ont largement appuyé les initiatives des employeurs pour établir des groupes LGB et ont accepté que les groupes soutenus par les employeurs et ceux soutenus par les organisations syndicales puissent coexister. Les groupes organisés par les employeurs ont été perçus comme biaisés en faveur des hommes, en particulier les plus qualifiés.

 

Les salariés membres des groupes LGB sont parfois syndiqués, parfois pas. Les syndiqués ont perçu des tensions lorsque ces groupes chevauchaient de très près les syndicats et se sont montrés inquiets sur un possible retrait du soutien managérial senior.

 

Enfin, même si l’impact de la réglementation semble être positif pour les salariés, une inquiétude commune naît : les noirs et minorités ethniques, les LGB handicapés et les travailleurs manuels ne sont pas suffisamment représentés au sein des groupes de LGB. De leur côté, les lesbiennes ont aussi signalé le problème des groupes dominés par les hommes gays et leurs inquiétudes.

D’après le rapport « Lesbian, Gay and Bisexual Workers. Equality, Diversity and Inclusion in the Workplace. A Qualitative Reasearch. » réalisé par The Comparative Organisation and Equality Research Centre (COERC), Working Lives Research Institute (WLRI), disponible en anglais.

 

 

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