On ne prête pas assez attention aux gardiens d’immeubles. C’est un métier nouveau. Le gardien endosse l’ensemble des tâches qui rendent la vie commune agréable. On pressent que l’agrément de la vie doit beaucoup au travail de ces gardiens et gardiennes lorsque l’habitat se densifie et qu’il faut faire « de la ville avec du logement ». Jean Marie Bergère a rencontré Stéphane Charles, du groupe Unis vers l’emploi, en charge du projet de la mise en place des « Parcours gardien » à Villeurbanne.
Le métier de gardien d’immeuble n’a pas grand chose à voir avec les concierges, pipelettes ou bignoles, photographiées par Robert Doisneau cachées derrière le rideau de leur loge exigüe surveillant les allées et venues -et la moralité- des habitants du lieu. Il est loin également du métier des sociétés spécialisées qui viennent sortir les poubelles, nettoyer les parties communes et sont pressées de repartir au plus vite vers d’autres escaliers et d’autres immeubles. L’urbanisme se conçoit et se planifie d’en haut, l’urbanité et le « vivre ensemble » s’expérimentent au quotidien et au ras du sol.
J’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs occasions les responsables d’Unis vers l’emploi, Groupe économique solidaire rassemblant à Villeurbanne plusieurs associations et entreprises d’insertion. Depuis 2012, le groupe a mis en place des « Parcours gardien » afin de répondre aux besoins de recrutement des bailleurs sociaux de l’agglomération. Stéphane Charles, en charge du projet, répond à mes questions.
Comment vous-êtes vous intéressé aux gardiens d’immeubles ?
Unis vers l’emploi regroupe des activités qui doivent concilier deux objectifs : proposer des parcours vers un emploi durable pour des personnes qui ne pourraient pas, pour des raisons liées à leur histoire scolaire, professionnelle ou personnelle, être recrutées directement sur le marché du travail -c’est notre raison d’être-, et répondre aux besoins de nos clients. Nous intervenons dans des domaines variés, services à la personne, nettoyage, entretien, second œuvre et construction, restauration collective, etc. 80% de nos recettes viennent des prestations que nous facturons.
Les organismes HLM de la métropole de Lyon sont nos clients depuis une vingtaine d’années. Nous assurons le remplacement de gardiens d’immeuble pendant leurs absences et recrutons pour cela des agents d’entretien en insertion.
Nous avons en commun d’être préoccupés par le chômage beaucoup trop élevé des habitants de ces résidences. A partir de nos positions différentes, nous sommes solidairement motivés par les enjeux de liens, de cohésion sociale et plus généralement d’ancrage dans notre bassin de vie et d’emploi. Nous sommes partenaires depuis l’origine pour faire réussir ces « parcours gardiens ».
Depuis 2012, nous avons accompagné le recrutement de 28 gardiens auprès d’une dizaine de bailleurs sociaux. Ils sont tous toujours en poste à ce jour et nous avons d’excellents retours de leurs employeurs, en leur nom et au nom des habitants des résidences dans lesquelles ils, ou elles, exercent.
Que fait aujourd’hui un gardien d’immeuble ?
Il doit bien sûr assurer la propreté de l’immeuble et son bon fonctionnement technique, lumières, ascenseurs, chauffage… C’est essentiel et là se joue une bonne partie de la relation des habitants à leur lieu de vie, logement, parties communes et quartier.
Il doit aussi répondre aux réclamations les plus simples ou les faire remonter à ses supérieurs hiérarchiques. Le gardien joueau quotidien un rôle relationnel assez complexe entre les habitants et les propriétaires de l’immeuble et entre les habitants entre eux. C’est unrôle de médiation dans lequel la bonne intervention, faite sur le champ et par une personne connue et respectée, joue un rôle irremplaçable. Régler dès le début un problème de poubelles, un dépôt gênant d’encombrants, un problème de stationnement, l’occupation bruyante des parties communes,la colonisation des caves, la répétition d’incivilités voire d’altercations, est essentiel. Ce rôle ne peut pas être joué à distance.
Il devient le gestionnaire de l’immeuble et un référent pour ceux qui l’habitent. Cette part relationnelle est de plus en plus reconnue et valorisée. Cet aspect du travail demande beaucoup de maturité. Ça peut être assez stressant mais aussi très gratifiant lorsque le gardien est apprécié et que les habitants le lui disent.
Certains gardiens sont logés et vivent sur place. Il est alors plus difficile de faire respecter des horaires précis de travail, mais cela a aussi des avantages notamment lorsque les gardiens sont en charge de grands ensembles. Les gardiens comme les bailleurs sont partagés sur la plus value d’être logé ou non.
Comment les recrutez-vous ?
Il n’y a aucun profil-type. Les personnes que nous identifions comme pouvant participer au « parcours gardien » ont des parcours scolaires, professionnels et de vie très divers. Nous sommes attentifs à leurs qualités relationnelles, à leur maturité, à leur autonomie. Les périodes de mises en situation lors de remplacementpermettent de vérifier leurs aptitudes et leur permettent aussi de découvrir ce métier. C’est rarement un métier auquel ils pensent au départ. Soit ils l’assimilent à un emploi d’agent d’entretien, soit au contraire, ils pensent que se sera trop difficile pour eux, qu’ils n’en seront pas capables.
Notre accompagnement est basé sur quelques principes et quelques étapes. Chaque personne est accompagnée par un référent stable. Après la période de découverte en situation du métier, ils participent à des ateliers collectifs pendant lesquels ils se forment notamment aux outils, aux exigences et aux valeurs des bailleurs sociaux. Nous les préparons également aux entretiens de recrutement et nous les accompagnons lors de la prise de poste et dans l’emploi.
La réussite vient de notre coopération prolongée et étroite avec les bailleurs sociaux, aussi bien avec les directions qu’avec les cadres de proximité. Nous accompagnons « vers et dans » l’emploi et nous restons en relation suivie avec les gardiens et leurs employeurs. Nousn’intervenons pas dans leur gestion, mais ils apprécient autant que nous cette coopération.
Nous travaillons actuellement à la poursuite de cette opération et à en construire une similaire avec les acteurs du secteur sanitaire et social.
Pour en savoir plus :
– Dans l’œil du gardien. Jean-François Laé. Collection « Raconter la vie ». Le Seuil. 2015.
– Remodeler. Métamorphoser. Roland Castro -Sophie Denissof. Editions le Moniteur. 2005.
– Loges. Concierges et Gardiens. Enquête en Europe : Paris, Londres, Barcelone, Milan, Oslo. Roselyne de Villanova et Philippe Bonnin. CREAPHIS. 2006.
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