Depuis le lancement en 2002 de la politique européenne d’enseignement et de formation professionnels*, la reconnaissance des compétences et des qualifications constitue un domaine prioritaire de la coopération volontaire entre les pays et les partenaires sociaux européens* selon la méthode dite de coordination ouverte*. Dans un premier temps, Jean Raymond Masson analyse pour Metis les tenants de la VAE en Europe et en décrit les progrès. Retrouvez la suite de l’article dans deux semaines : l’auteur relèvera les difficultés et les obstacles qui limitent le développement de la VAE en Europe.
Inscrits dans la déclaration de Copenhague en 2002, ces domaines étaient la dimension européenne, la transparence à travers EUROPASS, l’orientation et le conseil, la reconnaissance des compétences et des qualifications notamment à travers la validation des savoirs non-formels et informels* et le développement de systèmes de crédits, et l’assurance qualité. Cette coopération se donnait pour objectifs principaux le renforcement de la confiance mutuelle et de la transparence entre les systèmes nationaux de développement des compétences et des qualifications, la promotion de la mobilité et un accès facilité à la formation tout au long de la vie.
Ces préoccupations rejoignaient les objectifs de la politique européenne de l’emploi exprimés dans les lignes directrices visant depuis 2010 plus de participation au marché du travail, le développement des compétences et la formation tout au long de la vie, et l’amélioration de la qualité des systèmes d’éducation et de formation à tous les niveaux.
La validation des acquis non-formels et informels est importante dans les politiques européennes
En 2004, ont été adoptés des principes communs pour l’identification et la validation des « apprentissages non-formels et informels » (ANFI), avec un inventaire européen, et des lignes directrices établies par le CEDEFOP en 2009. En 2012 le Conseil européen a adopté une recommandation sur la reconnaissance et la validation des ANFI fixant à 2018 l’échéance pour la mise en place de politiques et de dispositifs nationaux de validation. La recommandation vise en particulier (i) l’identification des compétences acquises dans le contexte des ANFI, l’évaluation et la certification sous forme d’un diplôme, d’un certificat ou de crédits, (ii) le lien à établir avec le cadre national des certifications et le cadre européen des certifications, (iii) l’implication dans les dispositifs de tous les acteurs concernés y compris les employeurs, les syndicats, les chambres de commerce, d’industrie et d’artisanat, les services de l’emploi, les organisations de jeunes et les établissements de formation.., et (iv) la coordination des dispositifs entre toutes les parties prenantes.
Les politiques de VAE au service des faiblement qualifiés, mais des résultats mitigés
Le cinquième inventaire européen* de l’ANFI a été dressé en 2014 : il présente une vue d’ensemble de la validation dans 33 pays européens. Il en ressort que 13 pays sont engagés dans la mise en œuvre d’une stratégie nationale de validation(5 pays en 2010). Parmi eux, seuls l’Espagne, la Finlande et la France ont mis en place une stratégie d’ensemble englobant tous les sous-systèmes éducatifs (enseignements professionnel, général et supérieur). La France, Malte et la Turquie ont un cadre juridique unique tandis que dans d’autres pays la validation est régie par des cadres juridiques variés relatifs à différentes initiatives. En Irlande et en Hongrie elle relève de la législation sur l’enseignement supérieur ; en Islande de l’éducation des adultes ; l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, l’Espagne et la Slovénie sont dotés de cadres provenant de différents secteurs. Dans la plupart des pays, la demande de validation va croissant. Font exception la France et les Pays-Bas où les systèmes de validation ont l’antériorité la plus grande et où l’on constate aujourd’hui une stabilisation des candidatures. C’est surtout dans l’enseignement et la formation professionnels que se concentrent les dispositifs de validation tandis que dans l’enseignement supérieur, la validation n’est parfois mise en œuvre que pour faciliter l’accès à un cursus de formation.
Au total, alors que les potentiels sont évalués à plusieurs centaines de milliers voire quelques millions selon les pays, les individus engagés dans des processus de validation se comptent en milliers ou dizaines de milliers. Font exception le Portugal avec une opération massive entreprises entre 2006 et 2011 pendant laquelle 1 million 600 000 personnes ont été accueillis dans des centres spécialisés dans la reconnaissance et la validation des ANFI , et la Finlande où le nombre de participants atteignait 65 000 en 2008, mais dans un pays de 5,4 millions d’habitants ! En revanche on en comptait 43 000 en Espagne en 2012 par rapport à 3 millions et demi de candidats potentiels, et avec un peu moins de 30 000 VAE certifiées en France en 2011, l’objectif de 60 000 par an est loin d’être atteint alors que le public potentiel est estimé à 6 millions de personnes et que la même année on comptait 120 000 certificats obtenus en formation continue et 650 000 en formation initiale. De fait, la validation des acquis de l’expérience est loin d’être une priorité en Allemagne et au Royaume uni, ainsi qu’en Pologne ou en Roumanie où la priorité est d’abord de bâtir un système efficace de formation professionnelle des adultes.
L’inventaire établi en 2014 indique également que ce sont les individus faiblement qualifiés qui sont la principale cible. En France, au Danemark, en Finlande, au Royaume-Uni et en Norvège, la validation de l’ANFI est conçue comme un droit individuel tandis que la Belgique (Flandre) et la Lettonie établissent des priorités en direction des individus considérés comme en ayant le plus besoin. En Espagne, le nombre de bénéficiaires et les qualifications ouvertes à la validation sont fixés annuellement.
L’inventaire identifie également les principaux défis auxquels est confronté le développement de la validation des ANFI*. Il s’agit de la coordination entre les différents sous-systèmes et les secteurs, de l’acceptation de cette approche par la société et le marché du travail, du coût et de la bureaucratie attachés aux procédures, de la collecte des données, de la qualité des dispositifs en place et de la formation des professionnels concernés, et enfin de la sensibilisation de ceux qui en ont le plus besoin. Un résultat important de l’inventaire est de faire valoir l’intérêt croissant des partenaires sociaux au développement de la validation.
VAE et partenaire sociaux
C’est dans ce contexte que l’Institut d’études de la Confédération européenne des syndicats (ETUI*) a publié une étude fouillée* sur le sujet basée sur un premier rapport et une conférence organisée par la CES en juin 2012 à Lisbonne. Il s’agit dans ce travail de se pencher sur l’implication des partenaires sociaux dans les mesures et les dispositifs mis en place, ainsi que sur les relations entre ces dispositifs et le marché du travail. L’étude s’appuie en particulier sur 10 monographies nationales basées sur des entretiens avec des représentants syndicaux et patronaux des pays concernés*. En conclusion, l’étude dresse une liste de recommandations.
L’étude distingue 3 groupes de pays : (1) des pays avec des systèmes de validation publics intégrés au sein des systèmes d’éducation et de formation tout au long de la vie, couvrant tous les secteurs et où les partenaires sociaux sont parties prenantes : le Danemark, la Finlande, la France et le Portugal ; (2) des pays où la validation relève d’initiatives régionales, locales ou sectorielles : l’Espagne* et l’Italie ; (3) des pays où la validation n’est pas considérée comme une priorité et où l’intervention des syndicats même très active,s’exerce dans un système institutionnel incomplet : l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie et le Royaume-Uni.
Une caractéristique commune à tous les systèmes est la complexité des procédures même si elles varient d’un pays à l’autre et malgré les efforts pour simplifier les démarches. De fait les différentes phases du processus, – information des candidats potentiels, conseil et orientation, organisation des jurys, présentation par les candidats de l’expérience susceptible d’être validée, certification et/ou obtention de crédits…- nécessitent une bonne organisation et des ressources adéquates. Les procédures sont d’autant plus exigeantes que la certification visée est plus « académique » C’est ainsi qu’en France, obtenir un diplôme de l’Education nationale par la VAE entraîne une procédure plus lourde que celle visant une certification du ministère du Travail.
La validation peut concerner différents types de qualifications. Il importe ainsi de faire la différence entre celles qui correspondent à des diplômes sanctionnant de longs processus en formation initiale (ou continue) et d’autres qui proviennent de parcours spécifiques plus rapides appuyés partiellement sur la formation professionnelle. Cela induit la possibilité de développer des processus de validation distincts,soit dans le système formel d’éducation et de formation,soit sur le lieu de travail tels qu’au Danemark et en Finlande, où les deux systèmes fonctionnent en parallèle et sont compatibles et complémentaires. En France, à l’inverse, seules les qualifications reconnues nationalement peuvent donner lieu à la VAE. Dans tous les cas, la validation suppose la modularisation des formations.
Notes :
* Ce qu’on appelait le « processus de Copenhague », devenu depuis 2010 partie intégrante du programme « éducation et formation 2020 ».
* La confédération européenne des syndicats (CES), l’organisation patronale Business Europe, l’association de l’artisanat et des PME (UEAPME) et la représentation des entreprises publiques (CEEP). Participent également à cette coopération les pays de la zone européenne de libre échange (AELE) et les pays candidats.
* A la différence des coopérations « obligatoires » dans les domaines de l’agriculture, du commerce extérieur ou du marché intérieur.
* Les définitions en usage dans le contexte européen comme dans celui de l’OCDE sont les suivantes : les apprentissages formels désignent des formations prenant place dans des environnements structurés dédiés à la formation (y compris en entreprise) et débouchant sur un diplôme ou une certification. Les apprentissages non-formels prennent place dans le cadre d’activités planifiées auxquelles sont attachés des objectifs de formation mais ne débouchent pas sur des certifications ; ils s’agit le plus souvent de formation en entreprise. Les apprentissages informels résultent d’activités quotidiennes dans le contexte de l’entreprise, de la vie familiale ou des loisirs, en l’absence d’objectifs de formation spécifiques.
* Les éléments ci-dessous sont extraits d’une note d’information du CEDEFOP publiée en novembre 2014 sous le titre : « Le défi de la validation : l’Europe en passe de reconnaître toutes les formes d’apprentissage ? »
* mais il semble que ces résultats se soient nettement détériorés depuis 2012.
* European Trade Union Institute
* rapport rédigé par l’institut d’études de la Confédération européenne des syndicats et publié en 2014 Challenges, actors and practices of non-formal and informal learning and its validation in Europe; RenandDamesin, Jacky Fayolle, Nicolas Fleury, Mathieu Malaquin and Nicolas Rode ; ETUI 2014
* Danemark, Finlande, France, Allemagne, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Espagne, et Royaume uni.
* On a vu plus haut que l’Espagne dispose maintenant d’une stratégie globale. L’étude de l’institut s’appuie en effet sur des données un peu plus anciennes que celles figurant dans le cinquième inventaire établi en 2014 et cité plus haut dans l’article, ce qui induit quelques différences.
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