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danielle kaisergruber

Il se passe en ce moment de drôles de choses, de drôles de superpositions entre jeux télévisuels ou jeux sur les réseaux sociaux d’un côté, et joutes électorales préparant diverses élections présidentielles de l’autre.

Que Donald Trump réussisse à attirer les intentions de vote des fermiers, ou des agents immobiliers, ou des vendeurs de voitures blancs, appauvris ou ayant peur de l’être, vivant parfois dans des zones périurbaines ou de petites villes en marge de ces grands pôles de développement technologiques et culturels que sont les métropoles prestigieuses, c’est bien certain. Que les votes des uns et des autres, en France ou ailleurs, traduisent des évolutions et des fractures économiques et sociales, des changements dans le monde du travail, et surtout du non-travail, c’est incontestable. Et bien sûr on peut lire la géographie électorale comme une carte des lignes de fracture entre les gagnants et les perdants de la mondialisation, entre les territoires en plein développement et les contrées désindustrialisées en perte de vitesse, entre les « woorking poors » (Metis y reviendra dans un prochain dossier sur le « halo du chômage ») et les professionnels du symbole, les « manipulateurs de symboles » qui eux s’enrichissent, selon l’expression de Robert Reich, l’ancien ministre du Travail ( on dit « Secrétaire au travail ») de Bill Clinton.

Il n’empêche que dans les motivations immédiates des votes, pendant le temps des campagnes électorales, la forme semble prendre le pas sur le fonds. Pour le dire autrement, de plus en plus souvent « on » choisit un candidat et pas un Président, une bête à concours sur le foirail ou le champ de courses, couillu de préférence. Des débats de télévision en forme de QCM (Questionnaire à Choix Multiples) tels ceux préparant les primaires de la droite et du centre, qui ne laissent pas de place au développement des idées et à l’argumentation, cela prendrait trop de temps. Des élections en ligne comme celle de « La Primaire citoyenne » qui fonctionnent après notation « d’un lot aléatoire de cinq candidats » et sur la base d’un algorithme d’élimination. C’est à peu près The Voice : les formes médiatiques et numériques imposent leur architecture et leur formatage.

Donald Trump n’est-il pas depuis bien longtemps déjà non pas un milliardaire qui a fait fortune dans l’immobilier, mais un Monsieur qui escompte et ré-escompte son nom et son image. Un vendeur non pas d’appartements, mais d’images. Qui vit en quelque sorte d’une « rente d’image »…

Vous avez dit « télé-réalité » : tout tient-il désormais à ces deux petits mots qui pèseraient si lourd sur nos destins collectifs ?

Plus lourd qu’une histoire qui a ses enseignements et son poids ? Celle d’Hillary Clinton par exemple, « en marche » depuis si longtemps (trop longtemps ?) : une femme que beaucoup décrivent comme « travailleuse », une femme de « dossiers » comme l’on-dit, « Miss homework » qui n’a pas voulu porter le nom de son mari lorsqu’elle le rejoint et accompagne sa carrière dans l’Arkansas. Qui veut une vraie fonction, un vrai « job » en arrivant à la Maison-Blanche. Ce sera le dossier de l’Assurance-Maladie, première mouture âprement discutée et combattue, de l’ « Obama Care ». C’est l’époque du « deux pour le prix d’un »… mais les Américains ne veulent pas du « travailler en couple » !

Première épouse d’un Président des Etats-Unis élue au Sénat alors qu’il est encore en exercice, il est vrai un peu penaud après les différents épisodes du feuilleton Monica. Rappelons que le Sénat de Washington n’est en rien comparable au nôtre : composé de deux représentants par Etat, il a un grand pouvoir : avec un rôle législatif déterminant, un rôle de contrôle et de supervision des politiques fédérales, des décisions du Président et des nominations.

Puis Secrétaire d’Etat d’Obama parcourant le monde… Le travail ça construit de l’expérience, la télé ça construit des images, des symboles, des emblèmes de cartes à jouer. Trèfle ou carreau ? La Reine ou le valet ? Il nous resterait à mettre en place un système de paris en ligne… Mais non pas besoin, en fait, Bourse le fait à notre place !

Mais voter n’est pas jouer.

Alors j’espère qu’Hillary Rodham Clinton sera en janvier « President of the United States of America » !

Pour en savoir plus :
– Lire le livre de Carl Bernstein, A Woman in charge, traduction française Hillary Clinton une femme en marche, Baker Street, 2007. Carl Bernstein est, avec Bob Woodward, l’un des deux journalistes du Watergate. Son livre, dans la tradition du journalisme d’investigation américain, ne nous épargne aucun détail… mais il est précieux. Tous les portraits récemment parus dans la presse française s’en inspirent, mais le citent rarement.
https://laprimaire.org

 

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.