par Admir Skodo, traduit de l’anglais par Léo Vigny
La Suède est le pays européen qui a, ces derniers temps, accueilli le plus de réfugiés par rapport à sa population. C’est tout à son honneur, mais elle a dû restreindre son ouverture. Metis a publié un article de Dominique Anxo sur le sujet en 2015, et Admir Skodo, chercheur en histoire à l’Université de Lund, fait aujourd’hui le point :
Article paru dans The Conversation, « Swedish immigration is not out of control – it’s actually getting more restrictive » – traduit de l’anglais par Léo Vigny
Selon Donald Trump, les Suédois ont, à cause des migrations de masse, « des problèmes qu’ils ne pensaient pas possibles ». Mais il n’y a pas de preuves permettant d’appuyer la déclaration du président américain. Le taux de criminalité dans le pays n’a pas été affecté par le taux d’immigration, et l’Etat suédois a ces dernières années imposé des mesures restrictives pour les demandeurs d’asile.
Les statistiques du Conseil National Suédois pour la Prévention des Crimes pour 2014 montrent en fait un déclin des déclarations d’infractions catégorisées comme « agression, menaces, agressions sexuelles, fraude, harcèlement ». Le Département d’Etat des USA classe la Suède comme un pays ayant un bas niveau de criminalité, bien inférieur au leur.
Bien que les personnes nées à l’étranger soient sur-représentées dans les prisons suédoises, il n’y a pas de preuve montrant que le taux d’immigration affecte le taux national de criminalité. Le quotidien suédois Dagens Nyheter a d’ailleurs obtenu de nouveaux dossiers de police qui relient des affaires à des immigrés tout juste arrivés. Ainsi, du 15 octobre 2016 au 31 janvier 2017, les immigrés étaient liés à moins de 1 % des affaires signalées.
Les opinions à propos des immigrés en Suède changent et sont de plus en plus polarisées. Dans une enquête européenne de 2014, la plupart des Suédois ayant répondu pensaient que l’immigration devrait être permise dans une « grande » ou « plutôt grande » ampleur. Toutefois, fin 2016, les sondages révélaient qu’une majorité de personnes souhaitait voir une réduction des admissions de réfugiés.
Demandeurs d’asile en Suède
Source : Swedish Board of Migration
Des contrôles plus stricts pour les demandeurs d’asile
Depuis fin 2015, la double stratégie du gouvernement suédois visant à introduire un contrôle aux frontières et à rendre le droit d’asile plus restrictif a eu pour effet une réduction drastique du nombre d’arrivées de demandeurs d’asile dans le pays. En juin 2016, le parlement suédois a voté une loi temporaire « qui limite les possibilités pour les demandeurs d’asile et les membres de leur famille de se voir accorder le permis de résidence en Suède ». La loi a été mise en place pour trois ans.
Une autre loi prévoit qu’« un demandeur d’asile n’a pas le droit à l’assistance » s’il « a reçu un refus d’entrée ou un ordre d’expulsion entré en vigueur ». Ils n’ont pas non plus droit à une assistance si la date limite pour le retour volontaire, qui est de quatre semaines, est dépassée. Cela signifie que le demandeur d’asile perd alors son logement gratuit et son allocation journalière.
Pendant que les contrôles aux frontières arrêtent les demandeurs d’asile aux postes de contrôle, les nouvelles lois dissuadent ceux qui envisagent de venir en Suède. Du record de 162 877 demandes d’asile en 2015, leur nombre est tombé à 28 939 en 2016, après que les mesures restrictives aient été mises en place.
Cependant, la nouvelle loi de 2016 concernant les personnes ayant un ordre d’expulsion n’a pas entraîné plus de départs volontaires. Sur les 4 200 personnes ayant perdu leurs droits à l’assistance depuis juin 2016, seulement 136 sont partis volontairement, 57 ont été déplacés de force et 1 400 ont « disparu des radars ». Les autres ont réussi à trouver un logement dans le pays par leurs propres moyens.
Décisions en matière d’asile en Suède, « asile accordé/asile rejeté »
*Pour janvier 2017
Source : Swedish Board of Migration
La Suède n’a en aucun cas « perdu le contrôle » de son territoire et les immigrés restent soumis aux règles de l’asile national et des lois sur l’immigration. Une catégorie de statuts protégés temporaires, que la Suède a créés en 2016, a été conçue pendant les années 1990 aux Etats-Unis pour les individus d’Amérique centrale qui ne pouvaient retourner dans leur pays en toute sécurité du fait de conflits armés en cours ou d’autres conditions temporaires extraordinaires. Ce statut a la bénédiction de l’ UNHCR (le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies) comme « une protection appropriée et multilatérale en réponse aux crises humanitaires, incluant des flux humains à grande échelle ».
Un problème complexe
Les Démocrates suédois, un parti anti-migrant, avec des racines dans les mouvements néonazis, a essayé d’entretenir le buzz sur les réseaux sociaux autour des propos de Trump sur la Suède. Ses deux principaux représentants, Jimmie Åkesson et Mattias Karlsson, ont écrit un article dans The Wall Street Journal en février affirmant la véracité des propos de Trump sur les problèmes de la Suède en matière d’immigration.
Même s’il y a un sérieux problème social avec certains groupes de réfugiés ou réfugiés isolés, il ne pourrait s’analyser par des différences culturelles et explications simplistes. Certaines mosquées très conservatrices en Suède prônent un islam violent, mais la majorité des mosquées suédoises y sont opposées. Le Conseil Musulman suédois a condamné à plusieurs reprises les attaques terroristes islamiques. Les communautés musulmanes, comme les autres communautés basées sur la foi, sont très diverses et parfois en conflit dans leurs convictions politiques et leurs interprétations de la doctrine.
Chez certains migrants les violences contre les femmes et les homosexuels sont pratiquées et tolérées, mais ces groupes viennent massivement de banlieues socialement et économiquement marginalisées – comme Rosengård à Malmö et Rinkeby à Stockholm – ayant des taux de chômage très élevés et des écoles accusant un retard important en termes de réussite scolaire par rapport celles de banlieues plus aisées.
Certaines communautés musulmanes en Suède réclament des lois islamiques distinctes, mais d’autres communautés rejettent explicitement la Charia comme un signal afin d’être intégrées dans la société suédoise, légalement aussi bien que culturellement.
Le 24 février le Premier ministre suédois Stefan Löven a publié une déclaration affirmant que la Suède allait poursuivre ses politiques migratoires restrictives. Le bureau exécutif de son parti de centre-gauche, les Sociaux Démocrates, a expliqué que la Suède ne pouvait plus avoir des lois en matière d’immigration différentes de celles des autres pays de l’Union européenne. Ainsi les lois de juin 2016 semblent avoir donné le ton pour de nouvelles politiques d’immigration dans le pays.
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