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par Armand Hatchuel

Etre bénévole, c’est aussi travailler. Mais d’une autre manière que dans la vie professionnelle, avec justement un autre rapport au travail et d’autres attentes. Dans un article paru dans le journal Le Monde (28 avril 2017) Armand Hatchuel, professeur à Mines Paris Tech, en tire quelques leçons à destination des entreprises :

 

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Image : Flickr

 

Les candidats à l’élection présidentielle ont mobilisé des dizaines de milliers de bénévoles, anciens ou nouveaux militants des anciens ou nouveaux partis, sans qui aucune campagne n’est possible. C’est aussi le cas des deux tiers du 1,3 million d’associations que l’on recense en France : elles ne pourraient pas fonctionner sans recourir au bénévolat.

En principe, un bénévole agit par engagement et reste maître de son action. On ne peut lui imposer un comportement, le retenir ou le sanctionner. En revanche, toute organisation, ou tout candidat, doit utiliser au mieux ses ressources, asseoir sa crédibilité de façon durable, et mener à bien ses projets. De ce fait, entre le bénévolat et la gestion rigoureuse des associations, des tensions sont inévitables. Autrement dit, l’idée même d’un management des bénévoles semble un oxymore.

Or, une étude récemment conduite auprès d’une association humanitaire montre qu’un management adapté des bénévoles existe bel et bien, à condition d’accepter – et de gérer – la variété des engagements et des motivations qui conduisent au bénévolat (« Le management des bénévoles, entre outils et valeurs », Marie Cousineau et Sébastien Damart, Revue française de gestion n° 43/262, 2017).

L’étude a été conduite dans une association créée à l’initiative de l’Abbé Pierre, qui veut aider à la promotion et à la commercialisation à un prix équitable de productions locales venant de pays pauvres. Il s’agit ainsi de permettre à des populations de vivre chez elles de leur activité. Les bénévoles assurent des tâches de vente, de logistique ou d’administration.

 

Parcours et valeurs

Un échantillon d’entre eux a été invité à s’exprimer d’une part sur son parcours et ses valeurs, d’autre part sur sa perception des outils de gestion des ressources humaines mis en place par l’association, et qui visent, notamment, à clarifier les responsabilités, les tâches et les durées d’activité des bénévoles. Premier constat : l’enquête ne trouve qu’une minorité de bénévoles qui confirment que leur forte adhésion personnelle aux valeurs de l’association est incompatible avec une gestion contraignante de leur activité. A l’inverse, des bénévoles, aussi militants que les premiers, saluent ces efforts d’organisation et voient dans la bonne performance de l’association le meilleur soutien à leurs valeurs.

Deuxième constat, plus surprenant : une part significative des bénévoles ne sont pas des militants des valeurs de l’association. Certains sont des professionnels heureux de mettre leurs compétences au service d’une cause ; et ils apprécient, tout naturellement, que l’organisation se dote de bonnes règles de fonctionnement.

Enfin une dernière catégorie de bénévoles vise avant tout à occuper son temps dans une activité qui ne soit pas du loisir et qui soit utile, mais sans subir pour autant les contraintes du salariat. Pour eux, une gestion trop contrôlée de l’activité associative est perçue comme un carcan imposé à la libre disponibilité de leur temps.

Vocation et efficacité
Ainsi il serait erroné de croire que le bénévolat est toujours synonyme d’un engagement personnel humaniste et peu soucieux d’efficacité dans l’action collective. C’est oublier qu’il y a plusieurs raisons qui conduisent à œuvrer sans rémunération, et ces raisons déterminent autant la force de l’engagement que la motivation à participer à une action commune.

Le véritable défi du management des bénévoles n’est donc pas dans la contradiction – apparente – entre vocation et organisation. Il réside plutôt dans le respect et la prise en compte des différents projets de vie qui conduisent au bénévolat. Ce pluralisme devrait se refléter dans la gouvernance ainsi que dans la gestion des ressources humaines, l’association devant exprimer à chaque bénévole la reconnaissance que celui-ci croit juste d’attendre.

Mais cette conception pluraliste du management ne vaut-elle pas aussi pour les salariés ? Car, de même que les bénévoles ne sont pas tous des militants humanistes rétifs à toute gestion, un chef d’entreprise ne devrait pas croire que tous les salariés ne pensent qu’à la feuille de paye et sont indifférents à la qualité et à l’organisation du travail. Le monde des entreprises gagnerait donc à se pencher sur le management des bénévoles.

 

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