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par Marc Joubert, propos recueillis par Pierre Maréchal

Marc Joubert quitte la présidence de l’association DMLA dans laquelle il s’est investi pendant six années. En répondant aux questions de Metis, il montre comment cette association de patients s’inscrit dans un système médico-social constitué autour d’une pathologie et l’enrichit et quelle est la place du bénévolat.

 

DMLA


Qu’est-ce que la DMLA et comment est-elle soignée en France ?

 

La DMLA, c’est la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age qui conduit à un handicap visuel. C’est une pathologie invalidante de la rétine. Il en résulte une male voyance, avec un risque de cécité partielle. 8 % des personnes âgées de 60 ans sont atteints, 30 % à 75 ans. Elle est soignée dans les services spécialisés des hôpitaux et, de plus en plus, dans des centres de la rétine.

C’est désormais un des grands enjeux de santé publique. Cette pathologie nouvellement prise en charge est importante et prend de l’ampleur pour trois raisons : sous l’effet du vieillissement de la population, un nombre de plus en plus grand de personnes en souffre, de nouvelles molécules ont été mises à disposition des médecins au tournant du siècle (jusqu’alors on ne savait pas y remédier) et un travail important d’information et de prévention a été mené pour informer le public. Elle concerne environ 1,5 million de personnes.


Les soins sont apportés par le système hospitalier, mais il n’y a pas que cela qui importe. Peut-on parler d’un « système médico-social » constitué par tous ceux qui sont concernés et impliqués par cette pathologie ?

 

En effet, il y a un amont du système de soin proprement dit avec la recherche, l’information et la prévention et un aval qui consiste à créer un contexte de conseils et de soutien favorable à la vie des patients.

 

La recherche médicale se fait au niveau mondial. Dans notre dernière lettre nous citons les travaux d’un centre de biologie japonais qui travaille à partir de cellules souches, ceux d’une équipe de chercheurs à Baltimore aux USA, les unités Inserm en France et tous les programmes de recherche clinique soutenus notamment par des fonds associatifs. Notre association suit de très près ces pistes explorées.

 

L’information du public est déterminante car elle permet des actions de prévention et de prise en charge précoce qui limitent les effets de la DMLA. Cela veut dire dépistage et orientation. Il faudrait que ces actions irriguent l’ensemble du territoire et il y a actuellement une campagne à la télévision et à la radio financée par un laboratoire privé.

 

Et il y a l’aval qui est constitué par tout ce qui permet au patient de vivre dans les meilleures conditions avec ce handicap, au-delà des soins apportés par les médecins.

 

Quelle place prend votre association dans ce système ? Pourquoi a-t-elle été créée, par qui ? Et comment se développe-t-elle ?

 

À l’origine, il y a eu une première association créée en 2003 par le Professeur Eric SOUIED, chef de service d’ophtalmologie à l’hôpital intercommunal de Créteil, à un moment où de grandes innovations thérapeutiques voyaient le jour. Le principe très pertinent était alors de regrouper en son sein tous les acteurs concernés par une même pathologie, la DMLA : patients, ophtalmologistes et spécialistes de la basse vision. Mais c’était essentiellement une association de praticiens.

En 2013, toujours sous l’impulsion d’Éric SOUIED, cette association s’est scindée en deux pour donner la Fédération France Macula, composée de médecins, et l’Association DMLA, association de patients à part entière, épaulée par un comité scientifique composé de médecins ophtalmologistes. L’association DMLA se développe sur l’ensemble du territoire par la constitution d’antennes. Il y en avait 3 en 2013, on en compte 15 aujourd’hui.

 

Le rôle de l’association actuelle est d’agir en amont dans des actions d’information et de sensibilisation notamment en organisant et animant la semaine de la DMLA qui a lieu chaque année au mois de juin en partenariat avec une autre association l’IEMP, l’Institut de l’éducation médicale et de prévention. Par exemple, nous organisons et finançons des dépistages. C’était notre activité première.

 

Mais son rôle principal aujourd’hui est d’être au service des patients par la création d’antennes qui établissent un lien entre les patients d’un même lieu et leur proposent différentes activités comme l’organisation de conférences avec des spécialistes comme des psychologues, les orthoptistes, les ergothérapeutes, etc., en organisant des groupes de paroles ou même des moments conviviaux comme la visite d’expositions de peinture !

 

Tout cela dépend du dynamisme des bénévoles actifs locaux. Cette dimension « facteur humain » est essentielle. Il y a eu des progrès scientifiques très importants, mais cela n’empêche pas que beaucoup de patients sont en dépression, très anxieux, isolés, et les répercussions psychologiques sont lourdes.

 

Tout cela avec des bénévoles ?

 

Le bénévolat joue un rôle essentiel. Notre association est une association de bénévoles rassemblant des personnes atteintes de DMLA ou accompagnants de personnes atteintes. A côté des adhérents de l’association qui cotisent et parfois font en plus des dons, il y a les membres qui sont des bénévoles participatifs : ils font vivre l’association par leur présence à ses événements et réunions. Enfin il y a surtout les bénévoles actifs qui animent, organisent, imaginent des actions collectives, contribuant au fonctionnement de l’association.

 

Néanmoins il existe d’autres formes de bénévolat si l’on entend par là une mobilisation d’énergie, de temps ou de moyens en dehors des fonctions normales : par exemple le professeur Eric SOUIED est payé pour soigner et diriger un service dans un hôpital comme de nombreux collègues, mais, il a consacré et il consacre du temps, en plus, gratuitement, pour fédérer tous les acteurs concernés par la DMLA.

 

Le carburant de l’association, ce sont des bénévoles. Comment arrivez-vous à les mobiliser ? Vous voulez développer des antennes pour couvrir le territoire, comment faites-vous ?

 

Nos « agents recruteurs » – si l’on peut dire – sont les membres de l’Association et les ophtalmologues eux-mêmes qui, quand ils sont convaincus de l’intérêt de notre rôle, proposent à leurs patients de rejoindre l’association et pourquoi pas de devenir bénévole actif. Mais n’oublions pas que cela n’est pas évident pour des personnes en souffrance, handicapées, mais il y en a.

C’est pourquoi, comme toutes les associations, nous avons un déficit de bénévoles actifs acceptant de prendre des responsabilités diverses, autonomes, animateurs, etc… Un bénévole, ça ne se commande pas. Il faut être à son écoute pour comprendre ce qu’il est disposé à faire, comment l’aider à le faire. Il fait ce qu’il a envie de faire. D’où l’importance d’avoir des bénévoles pour « gérer » des bénévoles.

 

Vous avez une secrétaire, vous achetez des prestations…

 

En effet, il y a des fonctions pour lesquelles nous n’avons pas de ressources bénévoles et nous devons faire appel à des prestataires pour le secrétariat qui assure une présence permanente notamment pour répondre au numéro vert, la rédaction et la publication de notre lettre trimestrielle, le site Internet et les services d’un expert-comptable. Notre budget est couvert principalement par les cotisations de nos 1800 adhérents et par des dons. Le reste provient des soutiens de partenaires (des labos principalement) qui acceptent de financer des projets précis, par exemple une campagne de communication. Le mécénat est déterminant. Il faut préciser que nous ne recevons aucune subvention des pouvoirs publics à part la mise à disposition d’un local.

 

Le développement important de l’association prouve qu’elle répond bien à un besoin. Mais est-ce que la question de sa pérennité se pose ?

 

Incontestablement nous répondons à un besoin et notre potentiel de développement est important. On est face à l’alternative grandir ou mourir. Certes il faut de l’argent et c’est un souci permanent, mais la vraie contrainte provient de la difficulté à faire monter des bénévoles actifs dans l’aventure. Cela veut dire des hommes et des femmes qui prennent des responsabilités, consacrent du temps, de l’énergie pour faire le job et qui aient « la rage » de faire vivre l’association parce qu’ils croient au projet de l’association.

Ce n’est pas facile car cela veut dire aussi pour le bénévole atteint de DMLA d’accepter d’être plongé, au quotidien, dans cette pathologie en sus de ses propres soins. Cela implique de se trouver des motifs de passion pour s’investir plus ou moins fortement.

 

Évidemment, il y a l’alternative d’avoir des emplois salariés, mais, pour cela, il faut plus de moyens financiers, se spécialiser la recherche de financements, de communiquer pour trouver des ressources et d’avoir une approche « professionnelle » de la collecte de ressources.

 

Vous avez annoncé il y a un an que vous quitteriez la présidence, mais vous n’avez pas de successeur…

 

Au bout d’un certain temps, il est plus difficile de supporter la charge mentale qu’implique une telle fonction. Car on y dépense beaucoup d’énergie et du temps. Le flambeau doit être transmis. Faut-il nécessairement le transmettre à une personne ? Cela aurait été la solution la plus simple, mais il n’y a pas de candidat à ce jour. Je transmettrai donc le flambeau à une équipe qui devra redéfinir son mode de fonctionnement. Tout dépendra de la force de la détermination des bénévoles qui savent que notre association complète d’une manière indispensable le système de soin. Il est impossible de renoncer.

 

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