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La liberté de circulation des personnes a été au cœur de la construction européenne. Symétrique du « grand marché », vivement revendiquée par les pays de l’Est lors de leur entrée en 2004, elle a généré son lot de problèmes : dumping social, salariés employés à Bucarest ou à Varsovie par des employeurs sans scrupule pour travailler sur des chantiers français ou belges. Face à un besoin fort de régulation, en février 2019, un accord a été trouvé entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission européenne pour la création d’une Autorité Européenne du Travail.

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« La création de l’Autorité Européenne du Travail, que la France appelait de ses vœux, est une avancée majeure pour le renforcement de l’Europe sociale. Elle sera dotée de capacités opérationnelles permettant, par exemple, des actions coordonnées d’inspection du travail entre les administrations. Elle renforce la sécurisation des travailleurs en situation de mobilité. Ce qui compte, c’est de définir des règles équitables et qu’elles soient effectives, en particulier pour les 17 millions d’Européens qui vivent et travaillent dans un État membre autre que celui de leur nationalité. Il était donc crucial de mettre en place un système de surveillance efficace pour contrôler le respect de ces règles ». (Extrait du Communiqué de presse du ministère du Travail le 15 février 2019)

Les principales missions de la nouvelle Autorité Européenne du Travail:

  • « amélioration de l’information des employeurs et des travailleurs sur leurs droits et obligations en situation de mobilité ;
  • renforcement de la coopération administrative entre les États membres, notamment en favorisant la coopération entre les Etats membres en ce qui concerne le respect transfrontalier du droit pertinent de l’Union, notamment en facilitant l’organisation d’inspections conjointes ;
  • amélioration du partage d’informations entre autorités compétentes (système d’information du marché intérieur “IMI”, promotion de l’échange électronique d’informations sur la sécurité sociale) ;
  • mise en place d’un mécanisme de médiation et de résolution des différends entre Etats membres ;
  • instauration d’un “groupe des parties prenantes” permettant une représentation des partenaires sociaux ».

Pour cela, l’AET disposera d’une structure permanente, dotée d’un budget (50 millions €) et de personnel (140 personnes). Pour son management seront associés Commission européenne et représentants des pays. Un groupe au rôle consultatif sera créé, associant les partenaires sociaux européens pour apporter une expertise supplémentaire.

Aider les pays à lutter contre la fraude et à assurer une mobilité équitable

  • En plus de les aider à permettre l’accès des salariés et employeurs à l’information sur leurs droits et devoirs et aux services compétents, elle développera une coopération entre les inspections du travail, en particulier pour les régions frontalières, avec des inspections conjointes.
  • Même si la participation des pays à l’Autorité se fera sur une base volontaire, le refus par un État de ces inspections concertées devra être motivé et comporter des plans pour traiter les plaintes déposées. L’Autorité pourra même organiser un « suivi » des États membres qui chercheraient à ne pas s’y associer et réaliser des inspections ou opérer une médiation en cas de conflits de pays frontaliers ou de perturbations du marché du travail.
  • Et un salarié dont les droits ne seraient pas assurés dans l’État où il est détaché pourra porter plainte auprès d’un syndicat du pays d’accueil qui la transmettra directement à l’Autorité.

L’avis de la CES : c’est un plus

« Ce n’est pas parfait, mais c’est une réussite » a déclaré la représentante de la Confédération européenne des syndicats (CES). Son bémol vient en particulier de l’exclusion de certains secteurs d’activité, les transports notamment, mais qui pourra être corrigée par la suite. La réussite, c’est d’une part l’avancée pour un traitement juste des détachés, le rôle d’intermédiaire reconnu aux syndicats en cas de plainte, et également la possibilité pour les syndicats de poser les questions de sécurité sociale à l’Autorité.

(Source : Clés du social, 6 avril 2019)

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