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Le CEDEFOP a entrepris un travail sur les questions liées au perfectionnement et à la reconversion professionnelle des adultes face aux défis de l’employabilité et de l’apprentissage tout au long de la vie (Empowering adults through upskilling and reskilling pathways). En matière de requalification continue des personnes en cours de vie professionnelle, la situation de la France par rapport à ses voisins reste préoccupante.

Face au constat que le benchmark européen de 15 % des adultes engagés dans des actions de formation continue – fixé il y a bientôt 20 ans – est encore loin d’être atteint, l’objectif est de mieux cibler les efforts en contribuant à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de mesures destinées aux adultes de bas niveau de qualification. Un premier volume vient de paraître, consacré à l’identification des populations concernées et de leurs besoins (Volume 1 : adult population with potential for upskilling and reskilling). Nous y reviendrons ultérieurement ; cet article se contente de montrer comment se situe la France par rapport aux moyennes européennes et à ses voisins à partir des données figurant dans la monographie la concernant (Cedefop country fact sheet. Adult population with potential for upskilling and reskilling. France).

Plusieurs critères ont été convoqués dans cette étude. Il s’agit : 1) du niveau d’éducation tel qu’il apparaît dans les enquêtes « force de travail » (LFS 2016), 2) des compétences informatiques et numériques (computer and digital skills) relevées dans les enquêtes Eurostat CSIS (Community Statistics on information society) en 2015, 3) des compétences cognitives (numeracy and literacy) mesurées dans les enquêtes OCDE-PIAAC (programme for the international assessment and analysis of adult skills) en 2012, et 4) du nombre des adultes de niveau d’éducation moyen ou supérieur qui occupent des emplois de niveau élémentaire, tels qu’identifiés dans les enquêtes force de travail selon la classification ISCO (international standart classification of occupations ; LFS 2016).

Globalement, avec la Grèce, l’Espagne, l’Italie et Malte, la France présente un niveau d’adultes peu qualifiés supérieur à la moyenne selon la plupart des critères, tandis que les Pays-Bas, l’Autriche et les pays scandinaves ont des performances meilleures que la moyenne selon toutes les dimensions de l’analyse.

Plus précisément, malgré des scores sensiblement meilleurs que les moyennes européennes en matière d’utilisation des ordinateurs et d’internet, les performances de la France sont moins bonnes selon le niveau d’éducation (22,5 % aux niveaux inférieurs contre 21 % pour la moyenne européenne), mais surtout en matière de compétences informatiques (31 % contre 26 %), et encore plus de compétences cognitives (23,4 % contre 18 % en littératie et 29,7 % contre 20 % en numératie). Au total le CEDEFOP évalue entre 40 % et 49 % la part des 25-64 ans « en besoin » de perfectionnement ou de reconversion, ce qui place la France au 23e rang des pays analysés (les 28 auxquels se sont ajoutées la Norvège et l’Islande) tandis qu’on trouve aux premiers rangs la Finlande, suivie de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Norvège et de la Suède. Sans grande surprise, on retrouve là un classement analogue à celui que propose l’« index européen des compétences » qui pourtant s’appuie (pour partie) sur des données sensiblement différentes (voir dans Metis : « Comment les pays européens fabriquent et gèrent leurs compétences » Metis 23 novembre 2019)

L’analyse se poursuit avec l’identification des populations les plus concernées par ces besoins aigus de développement des compétences. Sans surprise, c’est d’abord parmi les inactifs de plus de 35 ans et particulièrement les 55-64 ans, puis les demandeurs d’emploi à commencer par les plus âgés, et enfin les employés de 55-64 ans que les besoins sont les plus marqués.

Mais l’analyse détaillée permet d’identifier un certain nombre de problèmes plus spécifiques notamment au moyen d’indicateurs plus fins relatifs à des groupes « socio-démographiques ». Un indicateur mesure l’importance des moins qualifiés dans chaque groupe (« risque absolu » lié au groupe) ; un autre met en relation ce taux avec celui qu’on observe dans la population totale des 25-64 ans (« risque relatif ») ; un troisième, « indicateur composite », calcule la moyenne des risques relatifs concernant les différentes dimensions de l’analyse (niveau d’éducation, compétences informatiques et cognitives) pour chaque groupe ; le dernier « indicateur relatif de la performance » situe le risque relatif calculé au niveau national par rapport à celui de la moyenne européenne.

Il en résulte pour la France qu’en matière de numératie, la situation est particulièrement préoccupante pour les demandeurs d’emploi de 56-64 ans, mais aussi pour les 25-34 ans ; il en va de même pour les compétences informatiques chez les inactifs de 25-34 ans. En ce qui concerne les employés, les 35-54 ans présentent un risque relatif élevé par rapport à la moyenne européenne selon les compétences informatiques et cognitives ; et il en va de même pour le niveau d’éducation et les compétences cognitives chez les 55-64 ans.

La monographie se poursuit avec un bref examen des données concernant les adultes d’origine étrangère (foreign-born adults) ainsi que les données de genre. Concernant les adultes d’origine étrangère qui comptaient en 2016 pour 14,5 % parmi les 25-64 ans (parmi lesquels 76,5 % provenaient de pays hors de l’Union européenne), la comparaison avec l’ensemble des 25-64 ans donne des résultats contrastés : le risque absolu atteint 25,6 % pour le taux de bas niveau d’éducation contre 22,5 %, 27 % en matière de littératie contre 23,4 %, mais en revanche 25,3 % en matière de numératie contre 29,7 % !

Concernant la situation des femmes, le risque absolu est légèrement supérieur en ce qui concerne le taux de bas niveau d’éducation (23,3 % contre 22,5 % pour l’ensemble), nettement plus élevé pour les compétences informatiques (43,7 % contre 30,6 %) ainsi que pour la numératie (33,1 % contre 29,7 %), et légèrement inférieur en matière de littératie (22,2 % contre 23,4 %).

La monographie France montre une situation préoccupante qui devrait rendre nécessaire un effort renforcé de requalification aussi bien sur les savoirs de base (voir les résultats en numératie et littératie) que sur la maîtrise de l’informatique et du numérique, ainsi qu’une grande vigilance sur le maintien de possibilités de formations qualifiantes longues en cours de parcours.

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Ingénieur École Centrale promotion 1968. DEA de statistiques en 1969 et de sociologie en 1978. Une première carrière dans le secteur privé jusqu’en 1981, études urbaines au sein de l’Atelier parisien d’urbanisme, modèles d’optimisation production/vente dans la pétrochimie, études marketing, recherche DGRST sur le tourisme social en 1980.

Une deuxième carrière au sein de l’éducation nationale jusqu’en 1994 avec diverses missions sur l’enseignement technique et la formation professionnelle ; participation active à la création des baccalauréats professionnels ; chargé de mission au sein de la mission interministérielle pour l’Europe centrale et orientale (MICECO).

Une troisième carrière au sein de la Fondation européenne pour la formation à Turin ; responsable de dossiers concernant l’adhésion des nouveaux pays membres de l’Union européenne puis de la coopération avec les pays des Balkans et ceux du pourtour méditerranéen.

Diverses missions depuis 2010 sur les politiques de formation professionnelle au Laos et dans les pays du Maghreb dans le contexte des programmes d’aide de l’Union européenne, de l’UNESCO et de l’Agence Française de Développement.

Un livre Voyages dans les Balkans en 2009.

Cyclotourisme en forêt d’Othe et en montagne ; clarinette classique et jazz ; organisateur de fêtes musicales.