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En plus de son questionnaire auquel près de 2000 personnes ont répondu et dont les résultats sont sortis la semaine dernière, la plateforme Mon Travail à distance Jeanparle ! donne depuis fin mars la parole aux personnes « mises en télétravail ». Comment leur structure a-t-elle su s’organiser… ou pas ? Trois cas de figure.

Déjà rodés

Une pratique antérieure qui nécessite de se réadapter

 « Mon entreprise est passée de 500 à 2000 télétravailleurs en quelques jours.

Les télétravailleurs habituels avaient tous bénéficié de formations au télétravail ou de guides de best practices. Les managers de télétravailleurs avaient également été formés.

Par ailleurs, du fait de sa dimension internationale et de sa présence dans de nombreux pays, le management à distance “contraint” par la distance géographique faisait déjà partie des pratiques pour une grande majorité des salariés. Pour les mêmes raisons, quasiment tous étaient familiers avant le confinement de l’organisation de réunions ou entretiens en visioconférence et de webinaires. »

Notre groupe pratiquait déjà le télétravail

 « Arrivée dans notre groupe en 2017, notre nouvelle DRH a très rapidement mis en place un accord sur le télétravail. Cet accord a été accompagné d’ateliers de formation et de e-learning et d’une généralisation progressive du télétravail à l’ensemble des collaborateurs. Avant de faire la demande, nous devions avoir suivi une formation numérique très courte et simple, mais robuste et validé un diplôme nous obligeant à connaître les grandes lignes de l’accord et du fonctionnement du télétravail. Tout cela a été extrêmement bien négocié, présenté et préparé. Lorsque nous sommes passés à la phase de confinement, le télétravail était donc pour beaucoup d’entre nous (au moins parmi les cadres) une pratique assez répandue. J’ajoute que cette mise en place du télétravail bien avant le confinement fait partie d’une nouvelle stratégie RH comprenant aussi un plan de formation très performant. »

Les leçons du travail en indépendant

 « Il y a longtemps que je travaille « en indépendant », c’est-à-dire en réseau avec de nombreuses personnes (des salariés d’entreprises, des responsables d’entreprises et d’autres indépendants).

On peut remarquer qu’il n’y a pas de formalisation des règles de fonctionnement, mais une grande rigueur dans les modes de fonctionnement : être attentifs à quelles personnes on envoie des mails, des SMS, ne pas mettre des tonnes de gens en copie… Etre attentifs à qui doit recevoir les informations.

En somme un peu l’inverse des clics ou des likes à tout va.

Beaucoup d’échanges téléphoniques un peu longs donc réservés à des échanges de fond. Il y a une hiérarchisation implicite des différents moyens d’échange. »

RÉ-VÉ-LA-TION

Simplicité et bonne volonté = tout va bien !

« Grande maison, pas d’enfant et une TPE = trop facile.

Mon entreprise base son organisation sur la confiance et l’autonomie des salariés ainsi que sur le dialogue social. En cas de crise, c’est ce qui fait la différence. Que les autres boîtes en prennent de la graine ! »

 Le Télé-Travail — Mieux que le travail en Open Space

« Pour moi le télétravail est une délivrance. Depuis quelques années en open-space et donc confrontée aux bruits et parasites divers et variés, cette “obligation” est un soulagement et une délivrance. Pourtant très attachée au relationnel avec mes collègues et bien je me rends compte que le télé-travail me permet de mieux me concentrer et d’être plus efficace. »

Une organisation humaine

« Depuis le début du confinement, mon entreprise a eu un discours rassurant, encourageant.

Elle a aussi su se remettre en question, car très frileuse sur le télétravail avant le confinement, et convaincue à présent que les limites peuvent être dépassées.

Une réaction et des actions humaines et intelligentes, qui nous donnent envie (à moi et à beaucoup d’autres), de donner le meilleur de nous-même. »

Vivement le retour au travail

Plus d’horaires, plus de séparation vie privée

« Depuis le 16 mars, en télétravail avec un petit PC portable, sans aucune formation spécifique et mon téléphone portable du boulot.

Le plus dur c’est cette pression de ma chef qui appelle n’importe quand paniquée, qui me transmet son stress avec des missions “urgentes” à chaque fois, elle ne sait pas se servir des logiciels dédiés et du coup attend de moi une réaction immédiate à tous moments… Les mails pleuvent jusqu’à pas d’heures…

Pour ma part je retourne au boulot le 11 mai, là au moins quand je quitterai le boulot je ne serai plus joignable ! »

Communication inadaptée

« Les moyens techniques ont été mis en œuvre pour le plus grand nombre, mais rien de plus. La communication est désorganisée. Les mails sont souvent sur ce de tension, chaque mot compte est peut-être mal interprété. Si on ne cherche pas le contact, rien ne se passe.  Bref tout cela est dur à vivre, mais cela ne fait, à bien y réfléchir, qu’exacerber les problèmes habituels. »

Plus dures les inégalités

« Notre entreprise est une blanchisserie de l’ESS employant 90 % de travailleurs handicapés. En résumé : 105 salariés, 80 ouvriers, 7 chauffeurs de poids lourds, 10 encadrants de production, 8 “administratifs”. Tous les administratifs sont aujourd’hui en télétravail à plein temps. Aucun dans les autres catégories. 22 ouvriers/encadrants de production continuent de travailler à plein temps. Tous les autres sont en chômage technique total avec salaires intégralement maintenus. Tous ceux qui viennent travailler se déplacent en voiture : la détention d’un véhicule personnel ou la possibilité d’un covoiturage avec un collègue ont été des critères cruciaux pour le choix entre travail et chômage. Deux inégalités radicales donc. Chômage avec présence à plein temps au domicile, typiquement HLM de banlieue parisienne avec tout que cela peut comporter : isolation sonore de mauvaise qualité, présence continue du conjoint et des enfants… Travail à plein temps chez soi avec les mêmes inconvénients du confinement, mais avec le privilège de se sentir toujours aussi justifié dans et par son travail. Mais en compensation, si j’ose dire, la même crainte pour tous sur l’avenir de l’entreprise qui perd progressivement entre 80 et 90 % de son chiffre d’affaires. »

Plus d’infos

– La Plateforme #Montravailàdistance, Jenparle !Est une initiative de Res publica en partenariat avec la CFDTTerra Nova, Metis Europe, Liaisons sociales magazine et Management&RSE

Vous aussi venez témoigner, débattre, proposer et découvrir les autres témoignages !

– Découvrez, au fil de l’eau, les analyses de Danielle Kaisergruber

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