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Depuis un an, le télétravail s’est installé pour tous ceux qui peuvent le pratiquer. Ce sera une évolution durable : les salariés y trouvent davantage de liberté dans l’organisation de leur temps de travail et les émissions de gaz à effet de serre ont baissé. Mais le résultat doit être au rendez-vous. Comment faut-il reprendre la question du temps de travail ? La Convention citoyenne s’y est essayée et ça a discuté fort.

La convention citoyenne pour le climat est connue pour les 149 propositions qu’elle a formulées en réponse à la demande du Président de la République « de définir des mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 ». L’un des groupes de travail avait pour sujet « Produire et travailler. Parmi toutes les mesures qu’elle a envisagées, une seule n’a pas été adoptée par le plénum de la Convention, lors de la session 7, en juin 2020 (excepté diverses propositions de référendums). Cette mesure, c’est celle qui proposait de diminuer le temps de travail à 28 heures hebdomadaires, sans diminution de salaire.

La présentation de la mesure développe des arguments qui dépassent largement la seule question du travail. En diminuant le temps de travail sans réduction de salaire, les promoteurs de cette mesure proposaient un changement assez radical de société reposant sur un raisonnement qui a été considéré comme simpliste par une majorité de conventionnels. L’argument central était le suivant : « nous souhaitons participer à la définition d’une future société en accord avec les objectifs de sobriété et de réduction des émissions de gaz à effet de serre et où les profits et la croissance ne sont plus les moteurs. La réduction du temps de travail, sans perte de salaire, est proposée pour aller vers ce nouveau modèle : sobriété, partage, justice sociale. Pour répondre pleinement à ces enjeux, nous devons consommer moins, produire moins et donc travailler moins. »

La retranscription intégrale du débat qui a suivi la présentation de la mesure explique largement pourquoi cette proposition a été rejetée par 65 % des suffrages exprimés : crainte que cette mesure ne soit pas comprise, qu’elle ne fonctionne pas dans le monde réel, qu’elle entraine un affaiblissement de l’économie française, qu’elle discrédite la Convention. Ce qui inquiète, c’est justement le changement de société que cela implique : les « Conventionnels » ont considéré que nous ne sommes pas prêts à assumer un changement aussi profond.

Débat de la convention citoyenne pour le climat sur la mesure PT5.1, le 27 juin 2020. Lire la retranscription ou à regarder/écouter en VIDEO en bas de cet article.

 

Sylvie présente la proposition : « Bonjour à tous. Alors moi je vais vous parler du deuxième terme de notre groupe de travail, qui est « travailler ». Et donc suite à ce qu’a dit Brigitte, l’objectif de toutes nos mesures vise aussi à aller vers un nouveau modèle de société, où on va être plus sobre, où il y aura du partage et avec de la justice sociale. Donc la réduction du temps de travail a été réfléchie dans ce sens. Sachant qu’on a aussi comme objectif — qui est le premier objectif de la Convention — la sobriété, la réduction des gaz à effet de serre. On a vu dans toutes les propositions qui ont été présentées jusqu’à présent et dans les suivantes qu’on va consommer différemment, consommer moins, donc a priori produire moins aussi, on va se déplacer différemment, on va se nourrir mieux… et toutes choses qui ont un impact par rapport au travail.

Le deuxième point qui est dans notre Convention, qui n’est peut-être pas dans l’objectif affiché, mais en fait on se rend compte au bout de neuf mois que c’est quand même super important et ça a été repris dans bon nombre de propositions, c’est l’investissement des citoyens. Donc on a parlé ici hier de mettre les citoyens pour la mobilité locale, on va en parler tout à l’heure avec l’énergie, on en parle au niveau de la réforme du CESE, le citoyen il va être présent. Et pour qu’il soit présent, il faut qu’il soit aussi disponible. Donc l’idée de la réduction du temps de travail, au-delà de générer moins de déplacements pour cette journée de travail et donc comme le télétravail d’avoir moins de gaz à effet de serre, c’est aussi dégager du temps libre pour les personnes qui travaillent, c’est-à-dire — les salariés c’est 88 % des personnes en France qui travaillent — pour s’occuper d’eux, de leurs enfants, de leurs parents, mais aussi s’investir au niveau local, au niveau de parents d’élèves, dans des initiatives citoyennes, dans des syndicats, dans la vie municipale et autre, et aussi d’améliorer la qualité de vie et de consommer plus sainement. En fait on a vu avec les trois mois de confinement, certains ont redécouvert qu’ils avaient une cuisine et qu’ils pouvaient se fabriquer… se faire des repas qui étaient meilleurs et qui coûtaient moins cher.

Voilà, donc tout ça a été pensé avec l’idée d’une justice sociale. La modalité qui a été retenue, mais qui reste évidemment à creuser puisque l’objectif c’est 2030 ; donc c’est pas dimanche qu’on va sortir la loi, il y aura forcément des discussions et des débats, c’est vraiment de poser le sujet sur la table et de le mettre en perspective : réduire le temps de travail, de passer de 35 à 28 heures, qui correspond en fait à un 4/5 e, à un 80 %. Et pour les personnes qui ont déjà des salaires bas ne souffrent pas et ne soient pas pénalisées, c’est de revaloriser… l’idée a été de dire le SMIC de 20 % ce qui correspond à la diminution du temps de travail, mais toutes ces modalités seront à définir dans la loi avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec les citoyens, avec les politiques, avec tous ceux qui vont se mettre autour de la table.

Voilà donc l’idée elle est là. Je sais qu’il n’y a pas consensus forcément parmi les 150 sur le sujet, mais en tout cas c’est bien de porter le sujet au niveau des citoyens et vers le futur, sachant aussi que la transition énergétique va… il y a des emplois qui vont être perdus, d’autres qui vont être créés, on n’a pas encore inventé forcément tous les métiers de demain, donc ça doit se prendre de manière globale avec l’ensemble des propositions de notre groupe et aussi des autres groupes. Voilà. Merci.

[Applaudissements][L’animateur de la séance passe la parole à tous ceux qui souhaitent s’exprimer à la suite de la présentation]

Mélanie : Donc moi je suis contre cette proposition. Pourquoi ? Parce qu’on est en sortie de crise sanitaire, on ne peut pas imposer aux entreprises la réduction du temps de travail aux mêmes salaires. Ensuite il faut faire attention à l’effet rebond si on travaille un à deux jours de moins par semaine, je suis sûre moi que les gens vont partir en week-end, vont prendre leur voiture, ils n’iront pas en week-end à vélo, ils iront faire les magasins, ils vont aller acheter des choses importées de Chine. Alors peut-être que dans vingt ans les Français seront prêts à changer leur façon de travailler, mais pas aujourd’hui. Et moi, mon avis c’est qu’il faudrait une convention citoyenne sur le travail, télétravail, heu… réorganisation, voilà. Mais aujourd’hui on n’est pas prêt et je suis absolument contre cette proposition. Merci.

Yolande : Alors moi je suis convaincue qu’effectivement si on baisse le temps de travail on baissera aussi les émissions de gaz à effet de serre et que… parce qu’évidemment ça va avec le reste, c’est-à-dire que si on travaille moins, on aura plus de temps pour s’engager localement dans nos vies, on aura plus de temps pour aller cueillir des orties et ramasser des châtaignes et entretenir les espaces verts, et on n’aura surtout pas forcément plus de salaire pour aller consommer à qui mieux mieux. Voilà. C’est-à-dire que travailler moins ne veut pas dire systématiquement avoir envie de dépenser de l’argent qu’on n’a pas.

Marie José : Ce que vous nous avez présenté est valable pour un monde idéal et nous en sommes loin. Je pense que la réduction du temps de travail va engendrer une grande quantité de délocalisations et de fermetures d’entreprises. J’estime que ce serait une catastrophe pour notre pays.

Jean-Pierre : Oui à moi. Heu… alors il y a tellement de choses à dire sur le sujet que je ne sais pas par où commencer, mais j’aimerais juste rebondir sur ce qui a été dit auparavant à savoir qu’il y a une mesure qui a été proposée, un objectif qui était d’accompagner les artisans, et il a été dit [ils sont la] principale source d’emplois en France. Moi je connais bon nombre d’artisans qui aujourd’hui heu… s’engagent à ne pas faire plus de travail, tout simplement pour ne pas recruter parce que la charge de…. que le coût du travail est tellement important que l’intérêt et la rentabilité qu’ils pourraient en tirer n’est juste pas possible. Voilà où on en est aujourd’hui en France. Heu… alors… C’est un sujet assez complexe. Moi je suis d’accord sur le principe qu’il faudrait partager son travail avec tout le monde et puis que tout le monde soit heureux, mais j’ai le sentiment que la réalité économique est un peu différente. Aujourd’hui la première charge financière d’une entreprise est quand même le coût du travail, heu… l’augmenter j’suis pas sûr que ce soit une source de réussite dans le futur, indépendamment de la crise économique que nous vivons aujourd’hui. Je crois qu’on n’a pas suffisamment de compétitivité aujourd’hui en France pour pouvoir se le permettre. Voilà.

Marine : Ok on m’entend ? Heu ben moi je suis totalement contre cette mesure. Autant le 130/110 (2) j’étais aussi contre, mais je comprenais les fondements et les raisons de pourquoi on voulait faire cette mesure, autant là comme on l’a dit précédemment je ne pense pas qu’on soit prêt pour ce genre de changement. On a comparé cela avec le confinement. Sauf que le confinement c’était exceptionnel et donc du coup les gens ont agi de manière exceptionnelle. Donc déjà faut pas comparer les deux. Ensuite y’a des personnes de mon entourage qui sont plus âgées que moi, qui pour elles passer aux 35 heures ça leur a fait mal. Pourtant nous aujourd’hui bon bah ça va, mais vraiment ça a fait mal à ce moment-là et des fois ça ne passe pas encore. Ensuite, comme l’a dit Mélanie, c’est pas parce qu’on travaille moins et qu’on a plus de temps pour nous, qu’on ne va pas bouger, qu’on ne va pas partir en week-end ou en vacances, donc au final ça reviendra au même et c’est nul je trouve. Et dernièrement — il y a plein d’autres raisons pour lesquelles je suis contre et qu’il faut pas que ça passe — mais vraiment on va passer, je pense, pour des guignols auprès de la France si on fait passer une mesure comme celle-là. Gagner tout autant tout en travaillant moins ça va juste être très négatif pour notre image quoi.

[Applaudissements]

Nicolas : Est-ce qu’on m’entend ? Oui on m’entend c’est très bien. Heu… donc moi je m’oppose aussi à cette mesure tout simplement parce que la mesure est basée sur des suppositions. On n’est pas sûr que si on travaille moins ensuite les personnes sur leur temps libre vont consommer moins ou même s’engager socialement dans leur commune. Et même au vu de la situation économique actuelle, clairement comme a dit Marine on va passer pour des guignols parce qu’on est dans une crise économique et pour s’en sortir il va falloir qu’on relance quand même l’économie et travailler du coup. Et là c’est un point de vue personnel, le travailler moins — gagner tout autant voire plus, heu ça ne me vend pas spécialement du rêve. Voilà. Merci.

Guillaume : Bon je suis comme mes petits camarades, je suis contre. L’explication elle est simple. Moins de travail par salarié donc ça veut dire plus de salariés dans les entreprises, c’est le point positif ; par contre le coût de production va être multiplié par 20 % donc faudra accepter bah la baguette de pain à 1,50 €, faudra accepter tout un tas de choses qui sont complètement heu… fou… le pétrole va passer à 1,70 € donc il faudra bien sûr encore augmenter encore les taxes sur le pétrole pour que ça rapporte davantage, et le point essentiel c’est la santé. Imaginez 28h dans les centres hospitaliers. Je pense que l’expérience qu’on a subie ces deux derniers mois, vous avez vu les 35 h ce que ça a apporté, ça va être une catastrophe monumentale. Voilà.

Lionel : Je ne sais pas si c’est bon. C’est bon ? Je suis parti ? Donc moi les 28 h, pour moi il est hors mandat par rapport à la diminution des gaz à effet de serre, première chose. Justice sociale alors que bon en agriculture certains agriculteurs n’arrivent même pas à avoir de salaire pour vivre, je trouve que baisser encore plus ce serait un souci. Ensuite l’effet rebond je suis entièrement d’accord donc je répète un peu, mais vite. Si on travaille moins tout en ayant plus de salaire, les produits finaux seront augmentés, Guillaume l’a dit aussi, je suis désolé de répéter… donc du coup j’ai coupé un peu… Mais voilà donc je suis contre voilà par rapport à ça.

Amandine : Heu non moi ce que je voulais dire sur cette mesure c’est que je trouve qu’avec l’ensemble de nos autres propositions on demande déjà un gros effort de compétitivité aux entreprises françaises et avec des mesures qui sont à mon avis plus impactantes sur la réduction des gaz à effet de serre que celle-ci dont on est en train de débattre et de douter entre nous avec cette histoire d’effet rebond sur le vrai impact de réduction du gaz à effet de serre. Donc moi je ne suis pas du tout pour focaliser les efforts là-dessus et j’aimerais également rappeler — j’ai repris mes autres papiers — vous rappeler qu’on a voté hier la mesure SDD1.4 dans le groupe « se déplacer » par rapport à cet argument de mobilité pour favoriser les nouvelles modalités d’organisation du travail et notamment la journée de télétravail. Donc cet argument-là pour moi et ce point-là, il a été traité hier dans un cadre et un contexte qui étaient liés à cette question de la mobilité. Et voilà si c’était à la rigueur le seul point avec lequel heu je me voyais de raccrocher les wagons donc cette mesure pour moi n’a pas lieu d’être.

[Applaudissements]

Hubert : Je ne suis pas convaincu que ce qu’on propose fournira beaucoup plus d’emplois dans le futur que le chômage tel qu’on connaît aujourd’hui sera rapidement une vieille histoire et que donc partager le travail comme ça l’a été fait précédemment n’est pas la solution pour faire face à l’urgence climatique.

Pierre : Heu… en un mot. Il y a eu beaucoup d’interventions contre, donc avec mon intervention je dois répondre à tout. Je pense qu’il faut partir d’un principe simple : ce n’est pas les droits humains et sociaux qu’on doit adapter à l’économie, c’est l’économie qu’on doit adapter aux droits humains et sociaux. La réduction du temps de travail est une bonne mesure à mon avis. Certains argumentent en disant ça va être difficile et dur pour les entreprises de passer le cap. Je voudrais rappeler quelques éléments. L’existence d’un volant de chômage important est due au fait qu’il y a des gains de productivité qui ont été réalisés depuis dix ans, depuis les 35 heures quoi. Des gains de productivité importants ont été réalisés depuis dix ans. Ces gains de productivité aboutissent au fait qu’avec moins de travail on consomme autant. Donc il ne s’agit pas de consommer davantage, mais il s’agit de faire moins de travail pour consommer autant.

Bon, donc avec moins de travail on consomme autant. Pendant dix années, les gains de productivité augmentent. Donc normalement la réduction de temps de travail devrait se faire minute par minute, année par année et non pas au bout de dix ans. Parce qu’au bout de dix ans la réduction nécessaire a grossi énormément et on doit la faire brutalement. Pourquoi on doit la faire brutalement ? Parce que pendant les dix ans écoulés le patronat s’est gavé. Et puis il a profité des gains de productivité sans les redistribuer en salaire ou en réduction de temps de travail.

Guy : Oui donc ce que je voudrais simplement dire comme argument qui à ma connaissance n’a pas été évoqué jusqu’à présent c’est que moi je suis convaincu que ça aura une incidence importante qu’on le veuille ou non sur les salaires et donc automatiquement sur le financement de la protection sociale en général. Demain, comment financer le chômage, la maladie, les retraites et après-demain la dépendance ?

Mélanie : Donc cette proposition comme tu l’as dit Sylvie non seulement elle fait pas consensus au sein des 150, mais même au sein [du groupe] « Produire et travailler » elle ne fait malheureusement pas du tout consensus. Je trouve que cette proposition, elle est, mais totalement déconnectée de la réalité. Je sais pas dans quel secteur vous travaillez, mais… je sais pas si vous êtes touchés par la crise économique, mais c’est indéfendable dans le contexte actuel. Travailler 20 % de moins pour gagner 20 % de plus alors que notre réalité à nous en ce moment en tant que Français c’est de savoir si à la rentrée ou d’ici la fin de l’année on aura encore notre emploi en fait. Donc cette mesure elle discrédite totalement la Convention, elle discrédite nos travaux, elle discrédite la parole citoyenne qu’on essaye justement de promouvoir. C’est vraiment donner le bâton pour se faire battre. C’est servir sur un plateau la mesure en trop à nos détracteurs. Et ceux qui pensent qu’en votant cette mesure vous allez travailler 28 h, ne vous faites pas d’illusions, ce sera rejeté et ça aura juste discrédité notre convention au passage. Voilà. Donc j’invite tout le monde sincèrement à rejeter en bloc. Autant je valide la PT4, ce qui a été dit avant ok, mais la PT5 de grâce il faut la rejeter en bloc.

Un participant : Oui. Oui, juste un petit plus. Actuellement M. Macron essaye de relocaliser des entreprises en France et je pense que ce n’est pas le moment de réduire le temps de travail si on veut que certaines entreprises décident de revenir fabriquer en France.

Une participante : Bon alors moi je vais peut-être être pas d’accord avec pas mal de gens, mais je pense que vous faites une erreur monumentale. Je pense que la réduction du temps de travail ça va être vraiment un thème qui va être central dans les années à venir pour notre société. Et je pense que là vous êtes à côté de la plaque. Je vous rappelle quand même que la France est l’un des pays qui a la plus grosse productivité, c’est-à-dire que nos salariés produisent énormément de richesses en une heure de travail. Et donc à un moment donné où on va arriver à 12 % de chômage et justement avec la crise il va falloir partager le travail et on ne pourra pas passer à côté. On peut pas avoir des gens qui vont travailler plus et qui vont gagner plus et avoir autant de chômeurs dans notre pays qui eux vont rien gagner. Et là c’est pas possible de voir les choses comme ça. Je pense que heu… Bruno Le Maire l’a même dit, c’est le travail pour tous. Le travail pour tous. Et ça, ça fait partie de la solidarité d’une société. D’autant plus que la révolution numérique va amplifier le chômage contrairement à ce qu’on peut penser. Elle l’a déjà fait dans les services publics où elle a supprimé énormément d’emplois. Le numérique a supprimé de l’emploi. Il va falloir aussi… si on veut réduire nos gaz à effet de serre, il va falloir aussi réduire la croissance et ça il faut l’entendre. Parce que la pollution, si on ne réduit pas la croissance, elle va augmenter. Donc je pense et aussi on va pouvoir libérer tout un tas de gens pour aller travailler pour avoir des projets de société, dans les associations, etc. Je pense que c’est central. Et une dernière chose, je voulais apporter mon soutien à la personne qui a porté le projet, c’est très courageux, et voilà je lui apporte tout mon soutien.

Muriel : Alors bah en fait donc tu m’as enlevé le mot de la bouche exactement, donc je voulais parler en fait du chômage, de la solidarité. Alors au début il faut savoir que moi j’étais totalement contre, en fait quand j’ai vu ce truc je me suis dit, mais ils sont complètement tarés en fait, qu’est-ce qu’ils sont en train de nous faire ? Et donc je ne les ai pas du tout écoutés, je suis partie travailler sur d’autres choses, je me disais, mais ils sont tarés. Et en fait bah après je suis rentrée chez moi, j’ai réfléchi et je me suis posée. Et j’ai réfléchi justement à la démocratie qui va très mal. Est-ce qu’actuellement en fait vous avez le temps dans votre vie de vous intéresser à la démocratie ? Franchement entre nous, est-ce que vous avez ce temps-là ? Je crois pas. Je crois pas. On est débordé dans nos vies et je pense que c’est effectivement très important d’accorder des heures à la démocratie, au bénévolat, sur l’environnement, sur la solidarité humaine. Il faut à tout prix développer ça. Donc, évidemment, bah cette mesure elle peut réduire le chômage. Et je vous rappelle qu’en fait Sylvie elle a bien expliqué qu’en fait c’était à partir de 2030 donc arrêtez de vous affoler en fait. Je sais que le Français a toujours peur, est toujours en panique, il est complètement figé. En fait il faudrait que vous acceptiez en fait qu’on change de société en fait. Qu’on évolue… dans le bon sens, quoi ! Il faut se calmer. Et moi j’ai entièrement confiance en les parlementaires. Ils vont travailler ça correctement, ils vont bien se renseigner. Et effectivement il faut faire une distinction suivant les secteurs, les postes, ils vont adapter les choses. Voilà.

Sylvie : Allô allô ? Ah ça marche ! Je ne vais pas faire long, je voudrais juste remettre en perspective. Certains ont parlé du télétravail. Aujourd’hui le télétravail, y’a une mesure qui a été votée hier. Ça paraît presque évident, pas pour tout le monde, mais quand même pour un bon nombre de personnes. Il y a dix ans c’était un ovni. C’était un ovni. Personne n’en parlait, personne n’imaginait ça. Et même encore y’a un an il y a beaucoup de sociétés et de managers qui n’imaginaient même pas ça. Donc il faut se projeter dans dix ans. C’est pas dans six mois, c’est pas dans un an, y’a un débat, peut-être qu’il y aura une convention pour discuter de ça. Il faut mettre autour de la table les gens qui vont parler de ça, mais c’est dans dix ans. Donc il faut se projeter, mais ce ne sera pas tout de suite. Donc la crise actuelle oui elle existe et je ne la nie pas. Maintenant je dirais juste aussi un petit chiffre heu alors c’est pas par rapport au salaire, mais il y a quelque chose qui s’appelle le temps partiel qui permet à des salariés de prendre, quand c’est choisi, d’avoir une journée ou une demie journée pour leur permettre de faire autre chose, de s’occuper de leurs enfants, de s’occuper des personnes âgées, de s’investir et c’est pas forcément pour partir au soleil pendant un week-end. Ceux qui ont un temps partiel choisi c’est tout bénef, c’est une qualité de vie meilleure. Par contre ceux qui ont un temps partiel subi, et c’est beaucoup des personnes qui ne sont pas qualifiées, qui ont des métiers saucissonnés avec des horaires décalés, et là en termes de justice sociale on n’est pas bon. Donc il faut vraiment se projeter et mettre tout sur la table. Mais c’est vraiment un débat et on va pas le régler ici. Voilà, merci.

Agny : Alors oui je reprends très rapidement, excusez-moi c’est votre vote qui vous dira si oui ou non vous vous voulez personnellement faire changer les choses de la société, mais ce n’est pas à vous là de dire que les mesures qui sont proposées donnent comment dire, une mauvaise image de la Convention. Je dois absolument prendre la parole pour dire non à ce type de propos.

Une participante : On a chacun le droit de donner notre avis, je suis désolée.

Agny : Chaque proposition posée sur la table par chaque groupe a une raison d’être là, on peut être d’accord, on peut ne pas être d’accord. Ça c’est le premier point. Le second point, ce qu’il faut savoir — et je vais reprendre deux exemples d’économistes parce qu’on a l’impression qu’on a posé quelque chose en étant des ovnis, non il y a aussi des économistes, il y aussi aujourd’hui beaucoup d’entreprises et beaucoup d’autres pays qui s’y sont mis donc c’est possible. Maintenant je reprends, donc quelques exemples : l’économiste Jean Gadrey nous dit : « dans l’esprit de la transition et de la justice sociale désintensifier le travail : il est aujourd’hui sous pression croissante de la performance et des actionnaires, améliorer les conditions de travail, la sécurité et la démocratie serait créateur d’emplois, car il faudrait un peu plus d’emplois pour produire dans des conditions… ». On a voulu autour de la Convention justement dire que le modèle et le système aujourd’hui ne nous conviennent pas. Si on veut aller plus loin, osons ! Et maintenant qu’est-ce qu’on a proposé dans nos mesures ? On propose dans nos mesures justement de transformer les emplois à travers l’agriculture actuelle, industrielle, chimique, heu qu’est-ce qu’on propose encore… on propose de créer des emplois avec de nouveaux systèmes, avec cette génération de nouveaux emplois, avec cette génération justement de nouveaux dogmes. Ça crée ce qu’on appelle des emplois écolos ou écologiques. C’est qu’on veut mettre en place à travers nos propositions. Donc il est possible aujourd’hui de désintensifier le travail. Ce qu’il faut savoir c’est que réduire le chômage coûte environ 70 milliards par an. En partageant le travail, c’est partager une base significative et ça peut permettre d’économiser entre 2 et 3 % du PIB et on peut financer la réduction du temps de travail. Il faut savoir ce qu’on veut. Il faut savoir ce qu’on veut et il faut savoir aussi à un moment donné aller jusqu’au bout. Voilà, ce n’est pas que changer la Constitution. Voilà. Merci.

[Applaudissements]

Nicolas : Alors je vais aller très très vite hein, je reviens juste sur ce qu’a dit Agny. Tu as raison sur le point où pour l’instant on ne peut pas dire que ça va donner une mauvaise image de la Convention… enfin on peut pas dire, chacun dit ce qu’il veut… ouais. Mais ce que je suis en train de dire et ce que j’ai remarqué hier par exemple en regardant les infos, les journalistes en reprenant des brins de nos mesures ont réussi à sortir que ce que la Convention Citoyenne proposait était digne d’un régime totalitaire donc si en pleine sortie de crise du Covid-19 les journalistes relayent que la Convention Citoyenne souhaite réduire le travail alors qu’on sait très très bien que pour l’instant, un exemple d’entreprise comme Air France, qu’il faut décupler le travail pour sortir de cette crise, on risque de se faire lyncher. Mais je constate, je ne dis pas qu’on se fera lyncher, j’espère pas. Mais… mais c’est pour ça que j’entends très très bien cette mesure et qu’elle n’a pas été mise par hasard. Mais pour le moment tout ce que je suis en train de dire c’est que si on dépose cette mesure maintenant de toute façon les Français vont la voir, même si ce ne sera que dans dix ans qu’elle sera appliquée, heu si elle est votée, ils vont tout de suite se dire… enfin les médias vont relayer n’importe quoi, on voit le problème quoi. Merci.

Marie-Hélène : Oui ! Alors oui bien sûr Agny tu as raison le partage c’est beau, mais en effet avec la crise actuelle c’est impossible. On ne sait pas ce qu’il adviendra dans dix ans non plus. Après je veux dire que pour les temps d’activité moi ça fait quarante-quatre ans que je fais 50 heures par semaine, j’ai élevé deux enfants seule et j’ai toujours fait du bénévolat à côté. Alors c’est pas les 28 h… Et de toute façon les 28 h ce sera encore pour les mêmes. Et c’est toujours les mêmes qui travaillent moins et toujours les mêmes qui travaillent plus et pour des salaires minables.

Héloïse : J’vais pas vous dire ni de voter pour ni de voter contre. Je vais juste vous dire… je vais juste vous dire qu’on nous a demandé d’être ambitieux et de ne pas avoir peur. Et en fait ce que j’entends c’est la peur. J’entends la peur des médias, j’entends la peur du lynchage et ça, ça me fait mal. Parce qu’on sait qu’on est dans une urgence climatique. J’le répète, et j’le répète, j’le répète. On est là pour se battre et parce qu’il y a une urgence. Il y a une urgence et cette mesure elle est là parce qu’on remet en cause notre modèle de société. On remet en cause tout. Et je pense que c’est cette idée-là qui va ressortir de la Convention. On a besoin d’une remise en cause de notre société. Alors maintenant soyez ambitieux et votons.

[Applaudissements]

Sylvain : Juste pour apporter un point par rapport à la créativité qui a mené cette mesure au départ et qui est tout à fait respectable dans ce sens-là, je voulais exprimer… Je faisais partie du groupe « Produire et travailler », j’étais sur cette table au départ et je considère que c’est une idée qui a fait son chemin. Maintenant faut quand même prendre en compte la menace que ça représente aux yeux de la société, aux yeux de tous ceux qui nous regardent et être créatifs et proposer sur des théories très particulières et très jusqueboutistes ok, on peut en débattre. Après aller ce soir au café du coin, aller en discuter, mais aller voir la presse ce soir avec ça, moi j’vous soutiens pas.

Une participante : Tu n’es pas obligé de nous soutenir, c’est pas le souci. Une personne comme Pierre Larrouturou le propose dans son plan finance. Il propose la semaine à quatre jours. Donc allez dire à Monsieur Larrouturou qu’il est pas réaliste s’il vous plaît.

Amelle : Je suis désolée, mais j’ai vraiment un avis qui est ni contre l’un ni contre l’autre et je pense que c’est important de le dire. Tout simplement on veut une société qui change et peut-être qu’on veut une société qui arrête d’avoir des heures fixes dans le sens où y’a certains endroits qui ont peut-être besoin de ces 28 h dans la productivité pour faire plus de… permettre à plus de personnes de travailler et dans ces cas-là peut-être leur accorder ces 28 h pour que plus de personnes travaillent et peut-être du coup avoir plus de productivité. Mais y’a des métiers où c’est pas possible et dans ces cas-là ces gens-là faudra leur laisser les 35 h et du coup avoir une société qui s’adapte et non pas qui dicte les choses.

[Applaudissements]

La proposition ne sera pas retenue : 65 % de votes contre.


A suivre : un prochain dossier de Metis « Travailler et consommer »

Le débat peut être visionné ici : vidéo du jour 2, à partir de 1h48minutes et 10 secondes

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Consultant et médiateur (IFOMENE), fondateur et président de Res publica, société de conseil spécialiste du dialogue collaboratif, il a suivi une double formation d’économie du travail et de sciences politiques. Il conseille les collectivités territoriales et les entreprises depuis plus de 30 ans pour toutes les questions de stratégie et d’animation de dialogue avec leurs parties prenantes internes ou externes. Il enseigne à l’université de Paris 1 – Panthéon-Sorbonne et à Sciences Po (Cycle d’urbanisme). Il préside le Comité d’orientation et de dialogue avec la société de Santé publique France. Il a participé à la conception et à l’animation du Grand débat national et de la Convention citoyenne pour le climat.