Allemagne : position du syndicat VerDi sur le salaire minimum
publié le 2006-11-01
Burkhard Von Seggern est avocat et membre du syndicat allemand VerDi :
Comment l’Allemagne est-elle amenée à se convertir à l’idée d’un salaire minimum national ?
BvS : En matière de salaire, les minima ont toujours été négociés dans chaque branche et chaque région. Ces accords ne s’appliquent que dans les entreprises membres des unions patronales signataires de ces conventions de branche. Ce système a bien fonctionné durant des décennies, mais depuis la réunification et la pression consécutive sur le marché de l’emploi, de nombreuses entreprises, notamment les PME-PMI, n’hésitent pas à sortir des conventions collectives. Auparavant, 80% des individus étaient couverts. Seuls 70% des salariés de l’Ouest et 55% de ceux de l’Est le sont aujourd’hui. Les salaires très bas se sont largement répandus. Ainsi dans certains centres d’appel, il arrive que les personnels perçoivent entre 3 et 5 euros de l’heure… D’autre part, dans la presse, l’architecture, la recherche, nous avons vu se développer la formule de stages non rémunérés destinés à des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. L’Allemagne compte désormais de nombreux travailleurs pauvres. Environ 6 millions de personnes gagnent moins de 7,5 euros et 1,5 millions perçoivent moins de 5 euros. Dans plusieurs secteurs d’activité, les travailleurs n’ont ni salaire minimum, ni convention collective. Face à ces évolutions, les syndicats et les sociaux-démocrates en sont venus à défendre l’instauration d’un salaire minimum quitte à rompre avec nos traditions.
Les syndicats ont toujours été très attachés à une forme d’autonomie salariale des branches, cette évolution ne risque-t-elle pas d’affaiblir vos organisations ?
BvS : Cela fait des années que nous n’avons pas pu obtenir de progrès significatifs sur les salaires. Le pouvoir d’achat des Allemands ne cesse de stagner. Progressivement, les salariés finissent par se détourner du syndicalisme qui ne leur apparaît plus être d’une grande utilité. Ce sont ces échecs qui nous ont affaibli. Nos organisations sont en effet passées de 11 millions d’adhérents, dans les années 1990, à 7 millions aujourd’hui. Le débat a été très intense dans tant nos réticences étaient fortes, mais notre position a très nettement évolué. Aujourd’hui, le principe d’un socle minimal, qui serve de base aux négociations, et le fait que l’Etat joue un rôle de premier plan ont fini par s’imposer. Seul s’y oppose maintenant le syndicat des mines, chimie et énergie où les niveaux de rémunération restent élevés.
Quelles sont les positions des autres partenaires ?
BvS : Si les syndicats se montrent favorables à un salaire minimum fixé à 7,50 euros de l’heure, le SPD s’est prononcé pour une rémunération de 6 euros de l’heure. Le parti des chrétiens démocrates et la chancelière Angela Merckel se sont opposés au principe d’un salaire garanti par l’Etat. Le débat est très conflictuel. Au mois de septembre, plusieurs manifestations ont rassemblé 250 000 personnes dans le pays pour revendiquer un salaire légal et national, Mais il faudra encore certainement d’autres mouvements de cette ampleur pour espérer voir cette mesure se concrétiser.
Propos recueillis par Frédéric Rey
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