Comment un comité d’entreprise européen se structure au gré des fusions
publié le 2007-01-01
Témoignage de Françoise Pierre, secrétaire CFDT du comité d’entreprise européen de Sanofi-Aventis
1998 : naissance de Sanofi-Synthelabo, filiales des groupes Elf et l’Oréal.
« Lorsque nous avons commencé les négociations sur le volet social de la fusion, nous avons d’abord essayé de trouver une méthode de négociation et nous l’avons appliquée au périmètre France avant d’aborder la mise en place du comité d’entreprise européen (CEE), en dernier lieu, après tous les autres sujets. Pour l’accord instaurant le CEE , un groupe de travail a été créé et a réuni les élus Sanofi et Synthélabo des comités européens Elf et l’Oréal. Les discussions ont été très longues et très pragmatiques. Elles ont préparé le travail du GSN qui s’est réuni ensuite pour aboutir à un accord conclu en 2001. La question de la langue de travail est un des premiers sujets à régler. Nous avons opté pour la traduction, chacun s’exprime dans sa langue maternelle, cela facilite la prise de parole, même si cela reste plus coûteux. La désignation des représentants est un morceau de choix. Qui participe au groupe spécial de négociation (GSN) chargé de discuter de la mise en place du CEE ? Lorsqu’on a en France cinq organisations syndicales pour un GSN dont le nombre total de délégués est limité, il faut faire des choix. Nous avons alors décidé de prendre en compte le critère de la représentativité aux élections d’entreprise. Mais il faut bien sûr tenir compte des différents systèmes nationaux de relations sociales.
Nous avons eu différents cas de figure qui nécessitaient des réponses adaptées. Par exemple, pour les filiales scandinaves ayant peu d’effectifs, nous nous sommes entendus sur le fait qu’ils auraient droit à un seul délégué pour trois pays. Ce sont des moments où il faut se montrer ouvert, ne pas hésiter à aller au-delà de la loi. Nous avons, par exemple, instauré un droit à rencontrer nos fédérations syndicales européennes, un droit à la formation collective. Cette formation de cinq jours s’est déroulée rapidement et nous avons sollicité l’Université européenne du travail pour l’organiser. Autre exemple, pour les pays de l’Est, pas encore membres de la Communauté européenne, nous souhaitions associer des salariés de Hongrie qui, en terme d’effectifs représentait la deuxième filiale la plus importante en Europe, mais aussi de Pologne et de la République Tchèque. Au final, sur les 34 délégués du CEE, 5 provenaient de ces pays de l’ancien bloc de l’Est. Mais si nous étions parvenus à nous mettre d’accord pour leur octroyer une place, une majorité de négociateurs n’a pas souhaité leur accorder le droit de vote. Seule la CFDT, puis la direction ont soutenu cette proposition. Je me souviens de la première fois où nous avons accueilli nos collègues hongrois, polonais et tchèques au titre d’observateurs. Ils étaient satisfaits de participer au comité européen et de s’y exprimer, mais tristes de ne pouvoir voter. C’est quelque chose qui ne s’oublie pas.
En 2004 : Sanofi-Synthelabo lance une offre publique d’achat hostile sur son principal concurrent Aventis.
Quelques jours après l’annonce de cette OPA, nous avons eu une longue réunion du CEE Sanofi-Synthelabo avec toute l’équipe de direction. Face à une telle opération, on pense immédiatement aux conséquences sur l’emploi. L’enjeu était de pouvoir obtenir le plus d’informations possibles sur le projet, la stratégie et ses conséquences sociales. Le CEE a très rapidement voulu anticiper toutes les négociations sur le volet social. Aventis ayant également un comité européen, nous avons programmé une réunion commune des deux bureaux. Cette rencontre a abouti à la création en juin 2004 d’une instance temporaire de concertation, l’itic, formalisée dans un accord avec la direction qui a tout de suite joué le jeu, six mois seulement après l’annonce de l’OPA et avant même d’en connaitre l’issue. L’objectif de cette coordination était triple : réfléchir à la composition du GSN qui allait mettre en place le nouveau comité d’entreprise européen, avoir une continuité dans l’information et le dialogue social et une concertation au sujet des restructurations.
L’itic a mis au point une charte pour l’emploi en Europe. Nous avons voulu que le premier accord social du nouveau groupe soit consacré à l’Europe et avons tenu notre pari. En effet, le CEE de Sanofi Aventis est né en mars 2005. La rapide mobilisation a produit une dynamique qui s’est traduite localement par d’autres initiatives. Ainsi, au Royaume-Uni, nos collègues britanniques, qui ne bénéficient pas d’un droit syndical développé, ont mis en place un forum (déjà existant chez Aventis), un équivalent de comité de groupe qui fonctionne très bien. Aujourd’hui, notre principal objectif est de créer une structure de négociation européenne. Mais c’est loin d’être gagné. Le principal problème des CEE, c’est que tous les représentants n’ont pas le même niveau d’information, ce qui freine l’expression collective. La difficulté est aussi liée aux relations avec les instances représentatives dans les pays. Lorsqu’elles sont fortes ou très codifiées, comme dans le cas français, le CEE peut être ressenti comme une instance concurrente ou accessoire. Nous avançons, mais toujours trop lentement ».
Propos recueillis par Frédéric Rey
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