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par Thomas Schnee

Nouvellement appliquée en France, l’idée d’un vaste ministère fusionnant les domaines de l’économie et de l’emploi avait été mise en pratique par le précédent gouvernement allemand . Mais Angela Merkel a fait machine arrière.

L’Allemagne de l’ouest, et l’Allemagne réunifiée, n’ont jamais eu de ministère de l’envergure de celui dont Jean-Louis Borloo vient d’hériter en France. Mais à Bonn, puis à Berlin, de telles superstructures ministérielles ont déjà vu le jour, au niveau fédéral mais aussi, parfois, régional. Le dernier super ministère fédéral a été celui de l’Economie et de l’Emploi dirigé par le social démocrate Wolfgang Clement de 2002 à 2005. Le 22 octobre 2002, Gerhard Schröder, fraîchement réélu, nommait Wolfgang Clement, alors ministre – président du Land de Rhénanie du nord Westphalie, « superministre » de l’Economie et de l’emploi. La construction de ce nouveau ministère suivait une double logique.

La montée du chômage et un scandale de statistiques maquillées à l’Agence fédérale pour l’emploi, forçaient Gerhard Schröder à frapper un grand coup dans le domaine de l’emploi : « En accolant économie et emploi, Schröder plaçait l’accent sur la création d’emploi par l’économie plutôt que sur le traitement social du chômage. C’était aussi un signal lancé en faveur de la débureaucratisation de l’appareil public », explique Alexander Görtz. Dans le cadre des réformes de l’Agenda 2010, Wolfgang Clement allait en effet lancer une vaste opération de rationalisation de l’Agence fédérale de l’emploi qui, avec 90 000 salariés à l’époque, était la plus grosse administration publique externe d’Allemagne. Par ailleurs, Wolfgang Clement, chef de la région la plus peuplée d’Allemagne et, économiquement parlant, l’une des plus puissantes d’Europe, aurait difficilement accepté d’échanger son rôle de puissant « prince de région » contre celui de « simple » ministre.

Jusqu’à aujourd’hui, le bilan de ce ministère est controversé. Les réformes qu’il a pilotées sont-elles partiellement à l’origine de la vigueur de la reprise économique actuelle ? « Sur le plan du fonctionnement, un grand ministère n’est pas une mauvaise idée. Il permet de supprimer un certain nombre de départements ministériels et de mieux coordonner les politiques », souligne Alexander Götz.  » Angela Merkel a également voulu construire un grand ministère de l’économie, de la recherche et des affaires européennes, mais cela n’a pas marché», rapporte Alexander Götz, chercheur à l’Institut international de sciences de l’Europe et de l’Etat (ISE) à Berlin. Pourquoi, alors, après sa courte victoire en septembre 2005, a-t-elle abandonné l’idée ? La réponse est essentiellement une affaire d’équilibrage politique. Edmund Stoiber, non moins puissant prince de Bavière et président des conservateurs bavarois (CSU), s’est laissé tenter quelques semaines par la fonction. Face à la résistance de ses collègues et au peu de soutien de la Chancellière, Edmund Stoiber a finalement préféré assurer son pouvoir en Bavière.

Thomas Schnee, à Berlin

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