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Consubstantiel à la démocratie, le droit de grève est commun aux 27 membres de la communauté européenne.
Son exercice n’en diffère pas moins considérablement selon le type d’acteurs sociaux en présence et la place que joue le conflit dans les régulations sociales du pays, selon que le conflit intervient en recours ultime à un échec de la négociation au Nord de l’Europe ou à l’inverse, en amont de la négociation comme historiquement en Europe du Sud.
Aussi n’est-ce pas un hasard, si en Espagne, Grèce, France, Italie, Portugal, le droit a été pleinement consacré par son inscription dans la Constitution alors qu’au Nord de l’Europe, il relève de la jurisprudence.

Dans l’Histoire, les pays latins ont en effet bénéficié d’une tradition patronale dominante de type « patronat de combat » et d’un syndicalisme dominant révolutionnaire, les deux mutuellement inscrits dans l’élimination de l’autre, plutôt que dans la reconnaissance mutuelle. Cela ne pouvait conduire qu’au conflit a priori, comme seul outil de régulation à sauvegarder à tout prix. Nos récentes démocraties latines comme les plus anciennes se devaient, faute de disposer d’acteurs capables d’autre chose, de garantir le droit au conflit.
Mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis Franco, Salazar et les colonels grecs, en Italie aussi. Nous sommes en France ceux qui ont gardé les plus beaux restes, si l’on peut dire, de l’héritage d’une régulation sociale de type latin.

Toucher de près comme de loin au droit de cité du conflit, ne serait-ce que par un cadrage de ses modalités d’exercice, est ici toute une affaire. Même si, en France comme ailleurs, il existe, quand un « intérêt supérieur » le commande, la possibilité d’apporter des limites à l’exercice de droit de grève. Encore faut-il que « l’intérêt supérieur » soit bien légitimé comme tel par tous, et que des contreparties, par des moyens complémentaires ou substitutifs à la limitation apportée au droit de grève, soient pensées et négociées. Sur ce dernier aspect, c’est à l’évidence dans un contexte circonscrit qu’il faut mobiliser les acteurs et le terrain de l’entreprise ou de la branche est hautement plus pertinent que tout autre.
Ni l’une ni l’autre de ces deux conditions nécessaires ne sont réunies dans le service minimum. Une promesse électorale de conflit sans nuisances, réduisant celui ci à la seule prise en otage de l’usager-client, peut séduire le temps de l’élection, mais elle ne résiste pas longtemps aux réalités. En témoignent les récentes enquêtes qui montrent que les conflits ne représentent que 2 % de l’ensemble des nuisances. « L’intérêt supérieur » évoqué ne vaut que d’avoir, avec d’autres promesses, fait gagner les élections présidentielles. Un supposé « intérêt supérieur » en matière de régulation sociale dont, en démocratie, la prise à témoin de l’opinion peut légitimement s’opposer à la prise en otage.

Enfin et surtout, le conflit chez nous est avant tout le symptôme des carences de nos acteurs sociaux et d’un modèle de régulation sociale dont on s’est satisfait beaucoup trop longtemps.
Etat patron et Politiques aux affaires sont restés trop longtemps à l’aise dans un statut de voiture balai de l’échec des négociations, statut au travers duquel ils pouvaient faussement se prêter le mérite de sauver les meubles.En s’attaquant aux modalités des conflits dans le transport, sans exclure d’étendre demain la chose à l’éducation nationale ou ailleurs, le portage des tenants du service minimum est déjà pour le moins maladroit.
Mais l’erreur majeure n’est pas là, elle est dans le fait de confondre un symptôme avec les causes de sa maladie. À quand une prescription pour traiter la varicelle qui consisterait à raser les boutons ?

Henri Vacquin

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